26. Direction Prague

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SETHY

Il fait tellement froid que les extrémités de mes doigts se sont engourdies à l'intérieur de mes poches. La cabane est si mal isolée que chaque interstice dans les murs laisse passer d'affreux courants d'air glacés.

Pourtant, assis face à moi et me fixant de leurs gueules délavées, Hazel et Karen semblent être insensibles à ce froid pernicieux qui s'infiltre sous les vêtements et lacère la peau de ses griffes perverses. J'ai envie de me balancer d'un pied à l'autre pour me réchauffer, mais je crains que cela n'entache ma crédibilité alors je souffre en silence.

Aucun de mes interlocuteurs ne paraît pressé de continuer la discussion. Or, il me faut des réponses. Rapidement.

— Donc vous transportez de la drogue, je reprends en tentant de ne pas exhiber mon impatience. Comment ? Et où exactement ? Il va me falloir plus de détails si vous voulez m'aider à résoudre cette enquête.

— J'm'en fous d'votre enquête, grogne la femme en tirant sur son joint. J'voulais pas m'y mêler à la base.

— Écoutez, vous me faites perdre mon temps, déclamé-je en abandonnant toute bonne résolution. Soit vous parlez ici de votre plein gré, soit je vous embarque au poste pour vous interroger dans les formes de l'art.

— Vous avez le chauffage là-bas ?

Un rictus moqueur tord les lèvres de la jeune prostituée et je surprends une étincelle d'amusement dans les yeux de Hazel.

— Pas pour les complices de meurtre.

Aussitôt, les deux visages en face de moi se tordent d'indignation et une expression violente traverse celui de Karen.

— Complice ? Vous v'foutez d'ma gueule ? Vous croyez que j'serai là à discuter avec un putain d'flic si j'étais complice d'un meurtre ? Putain j'y crois pas, ces connards sont vraiment tous les mêmes !

— Si vous refusez de coopérer, je vous considérerai comme complice, insisté-je d'une voix dure. J'ai le meurtre d'une gamine à résoudre et je n'ai pas de temps à perdre pour des gens comme vous.

— Des gens comme nous ? relève Hazel, une lueur mauvaise au fond du regard. Qu'est-ce que t'entends par là ?

— Ne m'oblige pas à développer, rétorqué-je d'un air méprisant. Tu sais très bien ce que je veux dire.

La femme part soudainement dans un éclat de rire qui ressemble à un glapissement de hyène puis se penche en avant pour saisir une bouteille de bière échouée au pied du fauteuil.

A ses côtés, Hazel continue de me dévisager avec colère. Je soupire profondément et ferme les yeux quelques secondes. Il est inutile de s'énerver davantage, je sais pertinemment que cette méthode ne fonctionnera pas sur eux. L'intimidation n'a aucun effet sur ceux qui ont l'habitude d'être traînés dans la boue – et je vois bien que c'est le cas de mes deux interlocuteurs.

A contrecœur, je décide de plonger mon regard dans celui de Hazel et saisis l'étincelle de surprise qui traverse le sien.

— J'ai besoin d'avoir des témoignages détaillés. Je sais que les gens d'ici n'aiment pas que l'on mette le nez dans leurs affaires, mais on parle de l'assassinat d'une gamine de dix-huit ans. Une gamine que l'on a étranglée puis abandonnée dans un entrepôt comme un vulgaire objet. Je refuse de laisser un tel crime impuni et pour ça, j'ai besoin que vous me disiez la vérité.

Hazel grimace et détourne le regard, gêné. Ses yeux se posent sur son amie qui me fixe d'un air flegmatique.

— Dis-lui, murmure-t-il en caressant une nouvelle fois ses cheveux – geste qui, si je dois être honnête, me déplaît fortement.

Raz de marée [En correction]Where stories live. Discover now