36. Des mots sur mes silences

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SETHY

2 février 2004


— T'es sûr qu'on devrait pas plutôt l'emmener à l'hôpital ? Il arrive à peine à ouvrir les yeux.

Tim supporte le poids de Hazel tandis que je me détache légèrement d'eux pour glisser la clé dans la serrure. Lorsque je me retourne, les yeux verts de mon ami me scrutent avec insistance et je ne peux que remarquer l'expression soucieuse qui déforme ses traits.

— C'est bon, je m'en charge, me contenté-je de répondre en glissant mon bras autour de la taille de Hazel pour l'attirer à moi.

Tim reste planté sur le perron et passe une main nerveuse dans ses cheveux.

— T'es sûr de toi, mec ? Imagine qu'il ait un traumatisme crânien ou un truc du genre ! Qu'est-ce que tu vas faire ?

— Il est plus solide qu'il en a l'air, rétorqué-je en couvant le concerné d'un regard que je m'efforce de rendre neutre.

Pas si neutre que ça puisqu'une étincelle suspicieuse s'allume dans les yeux de Tim. Au lieu de partir et de nous laisser tranquilles, ce dernier continue de me dévisager en pinçant les lèvres de désapprobation.

— Tu prends un risque, insiste-t-il.

— Et toi, tu m'emmerdes, riposté-je d'une voix un peu trop virulente.

Mon ami hausse un sourcil sous mon ton agressif. Je soupire longuement, agacé par son insistance et par le fait que toute ma frustration de la soirée se déverse sur lui.

— Écoute, je gère, OK ? Je vais prendre soin de lui. J'ai l'habitude.

Tim hoche lentement la tête mais ne détourne pas le regard. Il semble mal à l'aise, triturant ses doigts comme s'il souhaitait dire quelque chose mais ne l'osait pas.

— C'est nul, tu sais, marmonne-t-il dans sa barbe.

— De quoi ? le pressé-je d'une voix tendue.

— Ce qu'ils ont dit les gars tout à l'heure... Sur Hazel. Sur... Tu sais.

Ma main se crispe autour de la poignée et je ferme brièvement les yeux pour refluer le flot d'émotions qui menace de tordre mon visage.

— C'est des conneries, grommelé-je entre mes dents.

— Même. C'était nul. Y a pas de mal à ça...

— Tim, l'avertis-je.

— Non mais c'est vrai, bafouille mon ami. C'est... Tu sais.. Enfin, chacun fait ce qu'il veut... On s'en fout... Et... Ouais 'fin... C'était nul quoi. Nul d'insulter comme ça. Et aussi... Si c'est vrai et que... enfin que Hazel et toi... Tu sais ? Bah c'est pas grave.

— Tim, insisté-je d'une voix plus forte.

— J'veux dire, continue le concerné en se balançant d'un pied à l'autre, ça changera rien quoi... C'est pas grave... J'm'en fous...

— Tim, tu crois pas qu'il est temps que tu rentres chez toi ?

L'interpellé me fixe de longues secondes en clignant bêtement des yeux, puis une émotion fugace traverse son visage et il hoche vivement la tête.

— Ouais... Ouais, ouais, t'as raison, euh... Je vais y aller. Bon ben... Bonne soirée ! Et euh... Occupe toi bien de Hazel !

Bégayant à moitié, mon ami manque de trébucher en reculant puis agite maladroitement sa main avant de disparaître au milieu de l'allée de gravier blanc.

Raz de marée [En correction]Wo Geschichten leben. Entdecke jetzt