Chapitre 8 - Brooke ⛸️

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Les cours de patinage ne commencent pas avant cet après-midi, pourtant, me voilà en train d'enfiler mes patins. Je devrais être sur le campus à l'heure qu'il est, néanmoins, j'ai trouvé que m'adapter à ces lieux avant ma première leçon dispensée aux « poussins » serait avisé de ma part. Je retournerai à l'université dans la matinée, de toute façon, mes deux premiers cours sont d'un barbant monstre.

Cela fait trop longtemps que je n'ai pas posé un pied sur la glace. J'appréhende la réaction de mon corps, j'ignore si je serai capable de patiner comme avant. Si je ne vais pas me casser la figure à la première glissade.

Être ici me ravie et me terrifie à la fois. Ces deux émotions se partagent mon cœur depuis quelques jours déjà. Je suis nerveuse à l'idée d'avoir à ma charge plusieurs enfants, je crains de ne pas être à la hauteur, de ne pas savoir enseigner.

D'après Patty – la gérante –, si les gosses sont intrigués, il se pourrait que je fasse plus d'heures et que mon niveau de compétences augmente. Mais pour le moment, ce seront des petits cours d'une heure trois fois par semaine.

Les patins en place, je vérifie que mon leggin n'est pas coincé dans la lame. Mes vêtements me donnent chaud, mais pas à outrance. Je veux pouvoir glisser un maximum sans avoir à me désaper en pleine patinoire parce que je ne supporte pas la température.

Plus je me rapproche de la rambarde, plus la peur me noue le ventre. C'est bête, n'est-ce pas ? J'ai passé une grande partie de ma vie dans ce genre de lieux, et aujourd'hui, j'ai la pétoche. Les souvenirs reliés à ce sport sont douloureux, parce qu'ils me renvoient inexorablement aux mois les plus durs de toute mon existence. La honte, la solitude, la culpabilité... ces trois sentiments déferlent à nouveau en moi à chaque pas que je fais pour me rapprocher de la glace.

Je me revois à nouveau dans les couloirs de mon université, tous les regards braqués sur moi, avant de revenir à leurs écrans de téléphone. À ce moment-là, j'ignorais de quoi il en retournait, avant de recevoir moi aussi la fameuse vidéo. Cette réminiscence me donne envie de vomir, comme dans le temps.

Une rupture est toujours compliquée, même lorsque l'autre personne a fauté. J'ai fait l'autruche pendant longtemps, j'ai gobé ses mensonges, parce que c'était sans doute plus facile à l'époque. Jusqu'à ce que j'en ai marre de donner des deuxièmes chances. Et telle a été mon erreur, de dire « stop ».

Enfin, « erreur », je me comprends. Je n'allais pas continuer à subir les infidélités d'Aaron et passer pour une pauvre idiote aux yeux des autres. Je lui ai accordé le bénéfice du doute beaucoup de fois. Trop de fois. J'aurais dû mettre un terme à notre relation dès les premières rumeurs de tromperie, mais ce type savait me manipuler. Il arrivait toujours à me rassurer avec ses discours à la noix, à retourner la situation à son avantage.

Piégée dans ses filets, il a tellement tiré sur la corde que j'ai fini par exploser. Il ne l'a pas très bien pris, et ni une ni deux, il a balancé cette vidéo ignoble dont j'ignorais l'existence. Il était encore plus pourri que je ne l'imaginais.

Je clos mes paupières, pousse un soupir fortement agacé et tente de me vider l'esprit. Songer à ce qui s'est passé ne changera pas le présent, j'essaye d'y penser le moins possible. Toutefois, il arrive que j'aime me flageller.

Près de l'entrée, je m'accroche à la rambarde, le temps de retirer les protections de mes lames. Je vais devoir apprendre aux gosses à faire attention, elles sont vraiment tranchantes. Petite, j'ai eu un accident pendant que je patinais. Je suis tombée et la lame de mon patin gauche est venu effleurer l'intérieur de ma cuisse droite. Je pissais le sang, c'est un miracle que je ne me sois pas sectionné l'artère fémorale. J'en garde encore une belle cicatrice.

Oak Ridge Campus #1 King ©Where stories live. Discover now