Chapitre 9 - King 🏒

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Après plusieurs miles parcourus, je ne sais toujours pas pourquoi j'ai proposé à Brooke de la conduire jusqu'au campus au lieu d'avoir tout simplement tracé ma route.

Le silence emplit la voiture, même le son de sa respiration demeure imperceptible. Je suis obligé de jeter des coups d'œil de temps en temps dans sa direction pour m'assurer qu'elle est bien vivante. Retient-elle son souffle ?

Elle semblait partagée entre le besoin de se rendre jusqu'à la fac et l'envie de m'envoyer bouler. Elle l'a déjà fait une première fois dans la patinoire, rien ne l'empêchait de recommencer. J'ai bien compris que ça ne lui demandait aucun effort.

Le regard rivé droit devant elle, il ne dévie jamais dans ma direction. Ou du moins, je n'en ai pas l'impression. C'est plutôt moi qui la reluque de temps en temps lorsqu'elle tourne le visage vers la vitre afin de contempler le paysage verdoyant de Virginie.

Cette fille est particulière, son caractère farouche m'amuse tout autant qu'il me déconcerte. Elle me rappelle une rose, belle et douce, mais recouverte d'épines afin de se protéger de celui qui tenterait de la cueillir. Il y a quelque chose chez elle qui m'interpelle.

Et à présent, après l'avoir vue patiner, ce sentiment s'est renforcé.

En sortant du bureau de Patty, je comptais retourner à ma voiture, le double des clés en poche et son autorisation pour utiliser les lieux pour nos entraînements ainsi que nos matchs, le temps que notre patinoire soit à nouveau opérationnelle. Cependant, mon objectif s'est vu reléguer à un deuxième plan lorsqu'en descendant les marches des gradins, j'ai remarqué une silhouette sur la glace. J'ignorais de qui il s'agissait, toutefois, ses mouvements graciles m'ont conquis dès les premiers enchaînements.

La manière dont elle bougeait au son de la musique, tous les sentiments qu'elle exprimait à travers cette chorégraphie qu'elle semblait connaître par cœur... Je me suis laissé subjuguer, ensorceler. Tel un abruti, je la voyais faire, les mains dans les poches et la bouche à moitié ouverte.

Puis lorsqu'elle s'est effondrée par terre au même moment où la chanson se terminait, j'ai paniqué et couru dans sa direction. Je voulais m'assurer qu'elle allait bien, qu'elle n'était pas blessée. Néanmoins, quand je me suis rendu compte qu'il s'agissait de Brooke, lorsque j'ai vu ses grands yeux gris me reluquer, j'ai perdu une partie de mes moyens. Je ne l'avais pas reconnue avec les cheveux attachés, et j'ignorais en plus qu'elle faisait du patin.

Logique, crétin, tu ne la connais pas !

Toujours porteuse de ce chignon strict, dont quelques mèches barrent son front ainsi que sa nuque, je crève d'envie d'enfouir mes doigts sous cet élastique afin de libérer sa chevelure bouclée d'une telle torture. Elle me foudroierait de ses prunelles atypiques, avant de montrer les crocs, j'en suis persuadé. Mon audace serait déplacée, mais hautement plaisante.

— Je peux savoir pourquoi tu me mates ? demande-t-elle, toujours sans m'accorder un seul regard.

— Tu te fais des idées, voyons.

— J'ignore ce qui traverse ton sale esprit pervers, continue-t-elle, acerbe et en daignant enfin me faire face, mais je ne vais pas te tailler un pipe pour te remercier de la balade en voiture.

Pris de court, j'avale de travers et m'étouffe avec ma propre salive. Je manque de griller un feu rouge, je pile juste sur le passage piéton.

Quoi ? Mais... Minute papillon !

Choqué par ses propos, j'ignore quoi lui répondre. Bon, oui, là n'est pas le souci. Le problème est de savoir si je dois prendre son accusation au sérieux ou en tant qu'une blague. Elle n'a pas l'air de rigoler, alors l'ironie n'est sans doute pas ma meilleure arme en ce moment même.

Oak Ridge Campus #1 King ©Où les histoires vivent. Découvrez maintenant