Chapitre 35 - King 🏒

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Ma bonne humeur de ce matin est partie se faire voir dès le moment où j'ai mis un pied en-dehors de ma chambre. Crispation, rancœur... ces sentiments m'envahissent à nouveau, et ce, depuis le début de la messe.

L'église catholique de Saint Bénédict se retrouve bondée de monde. J'ai du mal à croire qu'après douze ans, il y ait tant de monde qui vienne à cette commémoration. Ça me dépasse.

Il y a des membres de la famille, proche ou éloignée, mais surtout des hommes d'affaires qui bossent encore à ce jour avec James. D'anciens associés de mon père, en somme.

Je sais déjà ce qui se passera juste après la fin de l'office. Je vais devoir me mettre sur le côté, près de l'allée, et serrer les mains de personnes dont j'ignorais l'existence jusqu'à encore ce jour.

C'est tellement... hypocrite. Je me demande pourquoi est-ce qu'ils viennent, ou encore, pourquoi ma mère se voit obligée de convier tout ce monde. Il ne s'agit pas d'un enterrement, simplement d'un discours prononcé par le prêtre en la mémoire de mon paternel. Cet événement devrait être privé, intime, quatre-vingts pour cent des présents n'ont rien à foutre ici. Ce sont juste des fouineurs, des vautours qui ne recherchent qu'à se repaître du malheur d'autrui.

Sans oublier les foutus journalistes qui vont sans doute se ramener à la toute fin. Ils font toujours le coup. Je ne comprends pas à quoi rime tout ce cirque, ça me dépasse, et honnêtement, je crois que je n'ai pas envie de le savoir. Encore des manipulations de la part de James, c'est un fait. Il veut se faire passer pour le meilleur ami meurtri de la perte de son acolyte, qui malgré le temps écoulé, ne parviens pas à oublier sa perte.

Mon cul !

La voix du curé résonne dans tout le bâtiment, pourtant, je l'écoute à peine. Je suis bien trop plongé dans mes pensées, mes rancœurs. J'aimerais m'en débarrasser une fois pour toutes, mais tant qu'il y aura des points d'ombre sur le suicide de mon géniteur, je crois que j'en serai incapable. Je suis en colère depuis bien trop longtemps pour tout effacer d'un claquement de doigts. Non, ce serait trop facile.

Soudain, la main de Brooke se glisse dans la mienne. Je tourne mon regard vers elle et mon cœur s'apaise presque instantanément. Elle est si discrète, tellement en retrait, que pendant un moment, j'avais oublié sa présence. Ses doigts s'enroulent aux miens, puis de son pouce, elle caresse ma peau afin de me détendre. J'inspire et expire à plusieurs reprises.

Habillée d'une petite robe à volants bleue marine aux points blancs dont la jupe lui arrive jusqu'aux genoux, elle est à croquer. Cette couleur lui sied à ravir. Elle est simple, tout en étant parfaite pour l'occasion.

Les paroles du prêtre devraient s'avérer réconfortantes, or c'est cette fille qui m'apporte tout ce qu'il me manquait, ce dont j'avais besoin sans en être réellement conscient. Brooke est une évidence. Mon évidence.

À son contact, je m'évade, me sens un poil plus léger. Son odeur m'énivre, me transporte à ces moments si intimes partagés un peu plus tôt ce matin, dans ma chambre. L'envie d'aller encore plus loin me crevait le bide, néanmoins, ce n'est pas plus mal qu'on ait été interrompus. J'imagine que tout arrive pour une raison, aussi frustrant que cela soit.

L'office prend fin quelques minutes plus tard, et comme chaque année, tous les conviés se ramènent pour me dire à quel point l'absence de mon père se fait sentir. Certains, je ne les ai jamais vus de ma vie, mais je joue mon rôle à la perfection. Sourire collé sur la face, je répète vautour après vautour « merci d'être venu ». Et ainsi de suite, avec au moins une centaine de personnes.

À la toute fin, c'est la famille qui vient me trouver. Des oncles, des tantes, des cousins, que j'ai peut-être aperçu une ou deux fois depuis que je suis né. Ma froideur se fait sentir, ma patience commence à atteindre ses limites et ma mère s'en aperçoit. Les mâchoires contractées, je tente de rester poli, mais l'angoisse et l'oppression s'emparent de ma poitrine. J'ai l'impression qu'on a placé une enclume en plein milieu de ma cage thoracique, qu'elle me tire vers le bas, jusqu'au plus profond des abymes. Je veux hurler, tout casser, me débarrasser une fois pour toutes de ces sentiments néfastes.

Oak Ridge Campus #1 King ©Où les histoires vivent. Découvrez maintenant