Chapitre 15

60 10 58
                                    

Quatre mois était passé depuis son humiliation. Le prince paraissait encore gêné quand il lui adressait la parole. Chaque fois, cela ravivait la colère de Livie. Elle n'avait pas oublié. Sa rancune était toujours intacte. La honte, toujours vive.

Elle continua donc à se rendre à la grotte, sans jamais dire à personne qu'elle y rencontrait la plus belle des créatures.

- Tsss.

La Sirène, agacée, venait d'apercevoir la jeune Livie, endormie, à même le sol, une pierre précieuse à la main. Elle sortit de l'eau, libéra ses jambes et s'avança, à quatre pattes, aussi silencieusement que possible. Elle examina le visage de la jeune fille sous toutes les coutures. Elle était belle. Ou tout du moins, elle le deviendrait assurément. La Sirène aimait les belles choses. Elle se lécha les lèvres, salivant à cette vue. Mais elle ne s'en prenait pas aux enfants. Elle préférait ses proies mâtures, sur lesquelles son emprise pouvait être totale. Elle sourit quand elle repéra qu'elle était encore parée de cette poudre scintillante.

Une mortelle qui cherchait à lui ressembler. C'était une première. Quelle ne devait pas être le degré d'arrogance – ou de stupidité – de cette jeune fille pour penser qu'elle pouvait espérer atteindre sa beauté. La Sirène en était très amusée. C'était puéril.

Mais étonnamment, alors que c'était quelque chose qu'elle n'avait pas ressentie depuis très longtemps, la Sirène était curieuse. Qu'est-ce qui pouvait pousser une jeune fille à quémander ses faveurs ? Un cœur brisé ? Une vengeance auprès de son amant ? Auprès de personnes ayant abusé d'elle ?

Livie cligna des yeux, sentant un souffle sur elle, un doux parfum salé et marin lui caressait les narines. La Sirène l'observait. Livie se figea et déglutit. Les derniers mots que la Sirène lui avait adressés lui revinrent en mémoire : « je te mange ». Mais ce ne fut pas ce qu'elle dit.

- Pourquoi. veux-tu. mon aide. Raconte. moi.

Etonnée, et se sentant victorieuse, Livie se redressa et s'assit face à la Sirène. Elle lui raconta. Tout. Avec la passion des jeunes de treize ans qui ont reçu toute l'injustice du monde et qui se doivent de rendre justice eux-mêmes.

Bien sûr, elle avait eu le temps de réfléchir et d'en discuter avec sa mère. Elle savait que son impulsivité et son arrogance avaient conduit à cette situation. Mais cela ne justifiait aucunement l'humiliation subit. La défaite aurait été suffisante.

Pourquoi toucher à ses cheveux ? Pourquoi exhiber son corps à la vue de tous ? Pourquoi la rabaisser devant toutes les personnes, qui, plus tard, quand ils deviendront collègues, verraient à jamais cette scène dès que leur regard se poserait sur elle ?

Elle ne pouvait pas laisser les choses ainsi. Elle devait regagner leur respect. C'était une question de vie ou de mort pour elle. Elle n'avait pas le choix.

La Sirène sourit. C'était donc une question de fierté. D'égo. De domination. Oh, elle était maintenant très curieuse. Et affamée.

A toute vitesse, elle avança son visage à quelques centimètres de celui de Livie, qui, hébétée, en oublia de respirer. La main de la Sirène se saisit tendrement de la mâchoire de Livie et l'examina sous toutes les coutures.

Livie se laissa faire, ne sachant pas trop comment réagir. Elle venait de déballer toute son histoire, ne cachant aucunement tout son ressentiment et la Sirène n'avait pas bougé d'un pouce, ne laissant rien transparaître de ce qu'elle pensait. Son sourire et ce mouvement étaient les premiers signes qui indiquaient qu'elle l'avait écoutée.

- Venge. toi.

- Je ne demande que ça ! C'est pour ça que j'ai besoin de vous !

Livie, remontée après son récit, se saisit de la main de la Sirène.

Combattre les LégendesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant