Combattre les Légendes

Chapitre 52

Les amants savaient tous les deux ce qui allait suivre. Arya prit ses pattes à son cou. Neven prit une grande inspiration.

Les torrents de feu se rencontrèrent une nouvelle fois.

La puissance du Dragon n'était en aucun cas diminuée. Contrairement à celle de Neven... La force de la colonne de flammes l'obligea à faire un pas en arrière. Il perdait du terrain.

Jusqu'à présent, le Glamour de Juliette avait comme décuplé la capacité de l'empereur à contrôler son feu, ce qui lui permettait de faire jeu égal avec le Dragon lui-même. Mais son physique et sa condition d'humain reprenaient leurs droits, lui intimant de s'arrêter. Pourtant Neven continua. Seul sa volonté lui permettait de ne pas flancher. Il ne devait pas reculer. Trop de vies en dépendaient. Trop de personnes comptaient sur lui. Il ne devait pas les décevoir. Il fît donc front.

Pendant un temps.

A sa plus grande horreur, son souffle se tarit.

Le jeune homme n'était pas habitué à utiliser sa bénédiction si souvent à intervalles si rapprochés. Son corps était brûlant, la fièvre le consumait, manquant de lui provoquer des étourdissements, il tremblait et ce qu'il redoutait arriva. Il ne tint pas suffisamment longtemps.

Neven reprit une inspiration rapide mais c'était trop tard.

Les flammes le dévorèrent.

Il ne put rien faire, il se prit la tornade de plein fouet.

L'empereur n'avait jamais eu à redouter le feu, n'avait jamais eu à craindre sa chaleur. Ils avaient été de vieux amis. Il l'avait courtisé puis finalement apprivoisé.

Pourtant, pris dans le cœur de l'ouragan enflammé, le jeune homme était terrorisé. Ses terminaisons nerveuses étaient à l'agonie, ses muscles fondaient, sa peau s'émiettait. Il lui semblait que les écailles n'étaient pas suffisantes. L'illusion elle-même fondait, anéantie et dissipée par ce souffle ardent.

Qu'avait-il espéré ? Défier le Dragon ? Le battre ? C'était utopique. Neven avait seulement souhaité protéger tout le monde. Quand il avait vu les dégâts au sol, il avait pris son envol. Il voulait simplement qu'il n'y ait pas plus de blessés. L'empereur donnait tout ce qu'il avait. Encore et encore. Mais il n'était pas suffisamment fort. Il n'était pas de taille face à un tel monstre.

Il n'était pas une légende.

Pourquoi était-il si impuissant ? Pourquoi ne parvenait-il pas à protéger ceux qu'il aimait ? Pourquoi n'était-il jamais assez ?

Ses narines, ses paupières, malgré ses yeux fermés, ses lèvres, ses tympans... Tout semblait s'effriter. Son sang ne pouvait même pas couler, s'évaporant aussitôt. Le jeune homme ne savait plus si c'était chaud ou froid, ses nerfs, ses terminaisons nerveuses stimulés jusqu'au point de rupture. Ses poumons étaient incapables de prendre la moindre respiration, l'oxygène, l'air consumé alimentait l'incendie.

Neven allait s'évanouir. La douleur était insoutenable, inimaginable.

Bien sûr que ses flammes ne pouvaient pas battre celles de l'original. C'était le Feu du Dragon. Ses flammes. Il les lui avait volés. C'étaient une infime partie de leur puissance, de leur chaleur. Une pâle copie. Il n'était qu'un voleur, un usurpateur, il...

— Neven !

La voix d'Arya perça à travers le fracas du feu crépitant, à travers ses tympans agonisant.

— Tes flammes ! Utilise tes flammes !

Ce fut un électrochoc. Ses flammes ?

L'empereur se remémora sa bataille contre Thunderbird, contre l'Addanc. Et il comprit les paroles de la jeune femme.