Chapitre 36

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— Neven, appela Arya en s'approchant d'un pas décidé. Il faut qu'on parle.

Le jour de la commémoration arrivait. Il ne restait plus que deux jours. La tension régnait dans la ville, une aura funeste émanait de chacun. Comme si le deuil des gens que l'on aimait avait déjà commencé.

Le peuple ne savait pas ce qui les attendait mais il sentait l'agitation des soldats, l'agitation du palais.

Neven n'avait pas dormi de la nuit, terrifié à l'idée de ce qui arriverait bientôt. Combien de personnes perdraient-il ? Combien mourrait par sa négligence ? La femme qui dormait à ses côtés en ferait-elle partie ? Aurait-il dû l'éloigner, même si ce n'était pas ce qu'elle souhaitait ? L'ironie de la situation ne lui échappa pas. Dire qu'elle était ici justement à cause de lui. S'il avait été moins égoïste, elle serait encore à Samem.

Il avait tout passé en revue, encore et encore. Tous les soldats étaient armés, tous les dispensaires prêts, tous les bénis sur le qui-vive. Tout était prêt depuis des jours.

L'attente était insoutenable.

Neven avait passé la matinée à faire les cent pas, à guetter l'horizon, persuadé que le moindre recoin d'ombre renfermait un homme de Tirnaba prêt à l'achever. Si les Isakis ne s'en chargeaient pas avant. Mais aucune trace d'eux. Rien.

Alors Neven était énervé plus que jamais, impuissant et effrayé. Il tremblait, il s'essoufflait, il grinçait des dents. Même Ronan avait noté son agitation inhabituelle, lui qui était pourtant maître dans l'art de masquer ses émotions. Il ne s'était senti ainsi qu'une seule autre fois dans sa vie. Et il ferait à nouveau face à cet être terrifiant. C'était inévitable, un sentiment horrible.

Arrivé la pause déjeuner, sans que rien n'ait perturbé la tranquillité et la routine de la cité, il lui fut impossible d'avaler quoi que ce soit, son estomac et sa gorge si noués que la simple vue d'un aliment lui donnait la nausée. Pourtant, plus le temps passait, plus il se dit qu'il devait se nourrir. Il risquait de manquer d'énergie au moment le plus important. Il se fit donc porter une assiette au niveau des baraquements des soldats où il était allé se défouler.

Et cet état durait depuis plusieurs jours. La fatigue, la frustration le consumaient. Les consumaient tous.

Neven était en train de manger sa collation, accompagné de Ronan et Kolm, quand Arya était arrivée vers eux.

Elle l'avait cherché toute la matinée. A son réveil, il n'était déjà plus là. Elle avait l'impression d'avoir passé la matinée à lui courir après alors que lui fuyait à l'opposé. C'était ridicule. Elle allait devenir dingue. Et les Isakis qui ne se montrait toujours pas. Est-ce que c'était la journée où tout le monde devenait dingue ? Était-ce cela le réel plan des voleurs : leur faire miroiter une attaque qui n'aura jamais lieu juste pour que la méfiance, l'imminence et l'appréhension du danger ne les torturent ? C'était presque aussi efficace que l'attaque elle-même. Rien n'était plus dure à contrer que les attaques psychologiques. Faire face à ses propres angoisses.

Arya avait enfin pu trouver Neven après avoir croisé Laura qui retournait à son lieu de déploiement à l'est de la ville.

Kolm était d'une humeur massacrante. Il n'était pas totalement remis de l'attaque subie dans la forêt Epsilon et Neven avait refusé de l'envoyer en ville. Il restait donc au palais et protégeait Ronan.

Arya elle-même restait aux abords du palais. Son champ d'action serait les trois dispensaires situés dans l'aile ouest, près des baraquements.

Elle était sur les nerfs et elle avait besoin de se défouler.

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