Chapitre 43

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C'était sept ans plus tôt, par une journée pluvieuse et ombrageuse.

Les Roses ne s'étaient pas fanées. L'Empereur Kligan n'était pas encore mort. Il était alors en quête d'Isaki puissants, de bénis puissants pour renforcer son armée. C'était une course à l'armement. Une course pour le pouvoir.

Au centre de la province de Pejin, encore désolée de la récente invasion du Conquérant, une famille tentait de fuir. Leur village avait été détruit, pillé. Il ne leur restait plus rien.

Comme en écho à leur triste sort, la pluie alourdissait leur pas, rendant leur progression bien plus fastidieuse.

La route était escarpée et difficilement praticable avec un chariot. Ils longeaient un lac et la boue qui s'y accumulait les ralentissait considérablement. Les quatre chevaux qui les transportaient étaient dérangés par la pluie, le sol boueux et ne cessaient de renâcler.

Le père de famille, un homme d'une cinquantaine d'années, fort et robuste d'avoir travaillé les charpentes toute sa vie, se résigna. Ils allaient devoir s'arrêter pour la nuit. Ils pouvaient s'abriter de la pluie dans le chariot mais il allait devoir trouver un endroit au couvert des arbres où laisser les chevaux. Il ne voulait pas trop les éloigner : malgré la pluie, quelqu'un aurait pu tenter de s'en emparer. Après tout, les pillards étaient partout, à profiter du chaos des temps de guerre.

Sa plus jeune fille, âgée de trois ans et demi, se mit à pleurer. Ses deux frères ainés, l'un à peine entré dans l'adolescence, l'autre devenu un beau jeune homme, tentèrent de la calmer, lui offrant des friandises. Elle ne s'interrompit pas. Elle n'avait pas faim. Elle était seulement épuisée. Mais la pluie, le froid l'empêchaient de s'abandonner au sommeil malgré son jeune âge.

Il n'y avait qu'une chose qui fonctionnait dans ces moments-là.

Sa mère se mit à fredonner.

En quelques notes, les pleurs avaient cessé.

Quand le père revint, ayant attelé les chevaux, attendri par cette scène, où sa femme caressait les cheveux de sa jeune fille à présent endormie à ses côtés, il lui sourit. La femme, d'une cinquantaine d'année, était magnifique. Les quelques rides qui creusaient ses joues et ses yeux témoignaient de la joie qu'elle avait vécu dans ses jeunes années.

Ils avaient dû quitter leur maison mais ils étaient ensemble. Cela suffisait à leur bonheur.

Il ne durerait hélas pas.

Cette nuit-là, la femme se réveilla en sursaut, paniquée.

Ayant senti l'agitation de son épouse, le père de famille s'éveilla à son tour.

Des cliquettements, des craquements se faisaient entendre. Il y avait des gens dehors. Ils étaient pourtant très discrets. Trop pour qu'ils s'agissent de simples pilleurs.

La mère réveilla doucement ses fils, les exhortant au silence. Ils comprirent la situation à l'air inquiet de leur mère. Elle ne souhaitait pas réveiller la plus jeune, de peur qu'elle ne puisse pas s'empêcher de pleurer, effrayée.

Le mari réfléchit. Que faire ? Devait-il sortir et se battre ? Ils devaient être bien plus nombreux, il ne s'en sortirait probablement pas. Sa famille non plus. Il se fit encore une fois la réflexion qu'ils étaient incroyablement silencieux. Ils devaient avoir reçu une formation. Des assassins ? Pour quelles raisons leur en aurait-on voulu ? Ils n'étaient personne. Des mercenaires ? Des soldats ? Que feraient-ils ici et pourquoi perdraient-ils leur temps à encercler une famille de la campagne ?

Il prit sa décision.

Il hurla qu'il se rendait, les implorant de ne pas leur faire de mal, qu'il y avait des enfants. Au même moment, sa jeune fille se réveilla. Le père sortit doucement du chariot, les mains en l'air pour signifier qu'il n'était pas armé. La mère exhorta son enfant à rester calme mais elle se mit à pleurer, sentant l'angoisse dégagée par ses proches.

Combattre les LégendesWhere stories live. Discover now