Chapitre 50

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Un manteau luminescent et opaque enveloppa la jeune femme tout entière.

Ses bras et ses jambes se recouvrirent de ce pardessus blanc-orangé, augmentant sa taille, sa largeur. Arya s'éleva de quelques centimètres du sol, en lévitation, la robe la protégeant telle une épaisse seconde peau.

Son visage s'habilla d'un masque d'albâtre translucide aux yeux aussi azurs que l'océan et dépourvus de pupilles. Des crocs s'étirèrent de babines retroussées, des oreilles en pointes touffues se dressèrent sur son crâne poilu. La tête du renard immatérielle se superposa à celui de la jeune femme. Son corps flottait à l'intérieur de cette silhouette de légende.

Ses neuf queues, qui étaient jusqu'à présent les seuls témoignages de cette bénédiction, s'élargirent encore et semblèrent s'enflammer, auréolées d'or et d'argent. Leurs pointes s'illuminèrent comme tirées des flammes du Dragon elles-mêmes.

Plus loin, un soldat bafouilla :

— Est-ce que c'est...

Incapable de terminer sa phrase, il s'interrompit. C'est Madame Jupiter qui réussit à concrétiser à voix haute l'apparition qui leur faisait face.

— Le Kistune.

Le renard à neuf queues s'élança alors vers le Dragon. Son point d'appui se brisa, fissurant le sol, incapable d'en supporter la puissance. La vitesse du déplacement le rendit flou, personne n'était capable d'appréhender cet état et, le temps d'un clignement de paupières, le renard attaqua. Il s'éleva dans les airs, faisant fî de la gravité et, comme s'il flottait, il atteignit l'Isaki.

Sa patte avant gauche, pourvue de griffes bien plus longues, bien plus tranchantes, visa immédiatement l'œil droit du monstre cracheur de feu. Surpris, ralenti par sa lourde masse, le Dragon ne réagit pas suffisamment vite.

Son œil fut arraché.

Un arc de cercle rouge colora le ciel bleu terni par les fumées. Le rugissement du Dragon secoua l'ensemble de la cité. Les hommes alentours se bouchèrent les oreilles, leurs tympans agressés par le son déchirant. Une traînée de feu illumina les environs en représailles. Mais l'attaquant était déjà loin.

Le renard à neuf queues retomba au sol, indemne, comme s'il avait effectué un simple bond.

Arya sourit de toutes ses dents, surexcitée par ce revirement de situation, et l'image d'un renard souriant donna des frissons dans le dos aux hommes en face d'elle.

La Rose pouvait désormais blesser le Dragon. C'était tout ce dont elle avait besoin. Ses blessures la faisaient atrocement souffrir mais, l'adrénaline aidant à inhiber les douleurs auxquelles elle s'habituait, maintenant elle jouait à égalité avec une légende.

De plus, la jeune femme n'était pas seule.

Derrière elle, avançant lentement, comme pour prendre la mesure de ce nouveau corps, Neven la rejoignait. Elle savait que c'était lui, métamorphosé par le Glamour que Juliette avait appliqué. Si elle n'avait pas été au courant, la créature de cauchemar qui approchait l'aurait faite fuir.

Il ne restait de l'homme qu'une vague silhouette humanoïde. Tout son corps était recouvert d'écailles d'obsidienne noire qui semblaient absorber la lumière. Il était fait d'ombres, de ténèbres.

A l'inverse du véritable Dragon, aucune pointe ne dépassait de son dos et sa peau écaillée était aussi lisse que la mue d'un serpent. Sa longue queue de reptile trainait au sol, stabilisant la silhouette démoniaque. Cette dernière avançait la colonne voutée, en appui sur ses deux pattes arrière seulement, témoignage de l'homme bipède qui se trouvait sous ce masque. De plus, sa manière d'avancer le trahissait. Ses membres semblaient trop fins proportionnellement au reste du corps. Ses mains et ses pieds étaient toujours semblables à ceux d'un homme, à la différence de leur épaisseur et des griffes qui en sortaient.

Combattre les LégendesWhere stories live. Discover now