Le Palais Obscur

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Je ne sais pas ce qui m'effraie le plus. Entre les deux Obscurs qui se tiennent derrière moi, leur chef qui me contraint à avancer dans la grotte terrifiante, ou le fait de bientôt me retrouver dans un repère truffé d'ennemis assoiffés de cruauté.

Impossible de réfréner les vibrations qui me parcourent. L'air est chaud. Trop chaud. Les alentours sont infiniment sombres, bien trop pour mes yeux adaptés à la lueur du soleil. Tout semble en excès.

A la limite de franchir le petit pas qui me mènerait à la folie, je m'efforce de ne pas prêter attention aux murmures mesquins qui résonnent contre les parois. Des Obscurs m'attendent-ils à quelques pas ? Quelques mètres ? Kilomètres ? Quand arriverai-je ? Et que se passerait-il si...

Je ferme les yeux. A quoi bon me poser toutes ces questions ? Quelles qu'en soient les réponses, je ne suis plus maîtresse de mon destin. C'est à ces êtres détestables, que mon cœur est désormais soumis.

L'odeur de la cendre agresse progressivement mon odorat. 

Mauvais présage.

Mon cœur bat à tout rompre, en harmonie avec mon activité cérébrale. Le premier me prie de tenter n'importe quoi pour me maintenir en vie, alors que la seconde m'encourage à provoquer mes agresseurs dans l'espoir qu'ils m'exécutent rapidement.

J'inspire l'air brûlant des environs, qui gonfle mes poumons jusqu'à saturation. Malgré l'évidente distance que mes ravisseurs maintiennent entre nous, je ne peux qu'absorber l'effusion d'excitation malsaine qui les anime.

Tout à coup, une lueur rougeâtre m'oblige à fermer les yeux. J'en demeure interdite, immobilisée par la puissante luminosité qui imprègne les lieux.

Alors que je continue à l'aveuglette, mes ravisseurs me dépassent, déversant une bouffée de sadisme écœurante sur leur passage. C'est à ce moment précis que je décide de relever mes paupières.

Une vaste étendue rocheuse s'étire à perte de vue. Fissurée de toutes parts par des fosses magmatiques, elle laisse échapper une ribambelle de geysers enflammés. Quelques gouttes fluorescentes s'échouent de temps à autres à proximité de quatre trônes. Ceux-ci, conçus à partir de roches volcaniques, ont été bâtis sur une dizaine de mètres de hauteur, au centre même de l'espace circulaire. Une tour couverte de suie les surplombe cependant, située à l'avant des édifices royaux.

Il me faut un instant supplémentaire pour réaliser une chose. Une chose capitale : le Palais est bondé d'Obscurs.

Mes yeux se mettent à papillonner çà et là, en fonction des accoutrements. Entre le rouge, le jaune, l'orange ou encore le noir, il n'est pas difficile de se croire au beau milieu d'un feu ardent.

La plupart des visages sont orientés dans ma direction. Encadrés par des mèches de lave statiques, parfois goudronnées, de fumée ou de microfibres ferraillées, aucune caractéristique physique ne m'a jamais paru aussi intimidante. Et originale. Pourtant, malgré ce patchwork capillaire déjanté, ma chevelure parvient encore à conserver son titre de « différente ».

Les retardataires se pressent autour de moi, m'analysant à la manière d'un beefsteak fraîchement grillé par la haute température du Palais. Des airs moqueurs, curieux voire meurtriers circulent d'un visage à un autre, tandis que mon quota de stress grimpe en flèche.

Cœur de ferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant