Après l'effort, le réconfort...ou presque

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Je recule d'un pas, chancelante, de façon à ce que le bout de mon nez se déniche de son buste. Il sent étrangement bon. Un Obscur lambda dégage de faibles relents cendrés ; alors que lui rejette un fumet bien plus doux. Plus agréable. Il revêt un fin tee-shirt noir, assez peu fourni en tissu pour percevoir le détail de ses pectoraux et abdominaux saillants. Ses grandes ailes ferraillées sont de justesse contenues par la pièce, étirées à partir de son dos musclé.

Arrivée à l'observation du pantalon de coton –d'ailleurs un peu trop abaissé sur ses hanches- je relève aussitôt la tête puis m'éclaircis la gorge.

-Votre titre vous confère le droit de ne pas frapper aux portes ?

Il ne répond pas. Ses iris définis emprisonnent les miens dans un duel visuel éprouvant. Les mèches antérieures qui jaillissent de sa chevelure picorent une partie de ses orbes oculaires, tandis que de courts poils de barbe envahissent les contours de sa bouche railleuse et de sa mâchoire forte. L'une comme l'autre attire l'intérêt de ma vision périphérique, libérant une goutte de sueur à l'arrière de ma nuque. Je ferme les paupières, une seconde. L'effet qu'il produit sur le monde ne devrait pas être légal.

L'est-il au moins ?

-Davantage lorsque la personne qui se plaint occupe cette chambre grâce à moi, répond-il enfin, d'un air suffisant, sous ses longs cils si noirs.

Le temps que son aura malfaisante cesse de perturber mon cerveau, je me surprends à gratter mon avant-bras sans en éprouver l'envie. Ceci, en le dévorant des yeux. Cela ne semble pas l'interpeller. Il faudrait pourtant avoir de sérieux problèmes de vue pour ne pas le remarquer.

J'acquiers enfin la présence d'esprit nécessaire pour me précipiter sur le peignoir étalé sur le lit, l'enfiler à toute vitesse et lui faire à nouveau face. Mes cheveux bleus, plus foncés humides, imbibent assez le tissu pour exacerber l'envie de me gratter. C'est en tout cas l'explication que je favorise, en dépit de l'intense nervosité qui m'envahit. Car le Prince se trouve seul, dans ma chambre, sous vitrine textilisée, et s'évertue à réduire la distance qui nous sépare par des pas félins. Son bassin effectue des mouvements lents, trop lents, trop dessinés, trop sensuels pour servir cet être machiavélique. Et la ceinture de son pantalon s'abaisse un peu plus.

-Je connais le corps d'une femelle dans ses moindres détails, vous savez.

-Je l'entends, surtout, contré-je, acide.

Mes mains se crispent sur les battants du peignoir.

La commissure de ses lèvres se soulève légèrement, lorsqu'il s'avance encore, une main longeant le bord du lit, de façon à ne pas me dominer uniquement de façon autoritaire mais aussi sur le plan métrique.

-Vos propos résonnent comme un reproche.

J'envoie un pied en arrière à chaque fois qu'il progresse.

-J'espérais qu'ils fassent plus que résonner.

-Ne s'agit-il pas du doux parfum de la Jalousie ?

Il avance d'un grand pas, je recule autant. Et je suis certaine que ma peau n'arbore plus qu'une humiliante teinte cramoisie.

-Pas le moins du monde. Faites joujou avec bon vous semble.

-Vraiment ? s'enquit-il d'une voix affreusement rauque, un sourcil arqué au-dessus d'un œil mutique.

Il se rapproche davantage, si bien que je m'écarte une nouvelle fois, jusqu'à ce que le bord d'une commode me rentre dans le bas du dos. Piégée, je l'observe placer ses deux mains de part et d'autre du meuble, tandis que mon corps se penche en arrière dans l'espoir de maintenir une distance respectueuse entre nos deux visages.

Cœur de ferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant