Deux contre douze

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Précédemment :

Alicante s'est mis en tête de se rapprocher du second morceau d'épée. Situé aux abords d'une cascade, selon les dires de Cassandra, il s'est rendu sur les lieux accompagné d'Ecclésia. Les révélations sur son enfance chaotique s'enchaînent, éprouvantes, humiliantes, mais permettent au Prince de réaliser son attachement pour la déesse. Sentiment qu'il illustre par le don de la chevalière en argent, autrefois offerte par son père, qui lui est très chère. Par ailleurs, malgré les mises en garde d'Ecclésia, il a tout de même jugé bon de s'approprier le fragment. En effet, étant donné que ce morceau d'épée-ci n'a pas perdu autant d'énergie que celui du Grand Cèdre, Alicante estimait ne pas avoir à lui en fournir énormément. Et il avait vu juste. Seulement, le voilà plus affaibli qu'auparavant.
Problématique, sachant que douze Obscurs ratissent les environs pour le capturer...

Après avoir pris la fuite, alors qu'Ecclésia et lui s'octroyaient un repos bien mérité, l'un des douze missionnés les retrouve.

***

PDV Ecclésia

Une femelle aux cheveux courts s'extirpe d'un buisson, une étincelle de malice illuminant le fond de ses yeux noirs. Qu'ils se déplacent à douze est une chose, qu'ils se dispersent à douze en est une autre. Cette alternative nous prend tous les deux au dépourvu. Car il s'agit d'Obscurs ; de brutes réputées pour ne se servir de leur crâne que pour en briser un autre.

Un mâle agile surgit d'un arbre, appuyé par une chorale d'onomatopées animalières.

Ils arrivent.

Nous nous relevons à la hâte.

De ce point de vue, impossible de manquer leurs fines armures. Des casques aussi solides que légers sont maintenus entre une hanche anguleuse et le creux d'un coude, en ce qui concerne la femelle ; quand ils ne pendent tout simplement pas aux bouts de doigts crispés, à l'instar de celui du nouvel arrivant.

Assez confiant pour dévoiler son identité, le duo vaniteux ne cherche pas à camoufler son assurance. Qui qu'ils soient, leurs équipements sur mesure signifient que Sa Majesté n'excusera aucun échec. Oh non, ce coup-ci, le Roi Obscur ne sortira pas bredouille de sa pêche au fils fugueur.

Les dieux envoyés sont protégés de la tête aux pieds contre la fureur du feu. Ils le sont en tout cas plus que s'ils en avaient été dépouvus, car je doute que les flammes soient incapables de venir à bout du métal. Il n'en demeure pas moins que l'exercice demanderait une perte de temps considérable.

Je jette un coup d'œil à Alicante, qui m'ignore. Bien que stoïque, ses yeux me donnent la nette impression de vouloir perforer les armures noires et mates que les individus revêtent. L'atténuation du sourire de la déesse me conforte dans l'idée.

Le regard d'Alicante a beau être d'acier, sa santé, elle, n'est pas de fer. A nous deux : le Prince hors service et la nouvelle titularisée, autant dire que l'expertise ne sera pas au rendez-vous.

En revanche, la Mort n'hésitera pas à se manifester. Mais...frappera-t-elle à la porte de l'ennemi ou à la mienne ? Ils sont venus pour Alicante ; ils ont besoin de lui vivant. Son père a besoin de lui vivant. Alors que moi, enquiquineuse à plein temps, incarne le genre de parasite que l'on éradique si ça chante, ou neutralise si l'idée de tacher ses vêtements rebute.

Le temps que nous les analysions, neuf divinités supplémentaires ont le loisir de s'étirer autour de nous. Dans les arbres, adossés à un tronc, accroupis ou debout, ils contemplent leur proie.

Alicante se voit tout à coup projeté dans la peau d'une gazelle.

Comme en écho à mes pensées, sa mâchoire se contracte, dessinant des arêtes marquées sous sa peau piquetée de courts poils bruns.

Cœur de ferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant