Second round

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J'hésite entre lui être reconnaissante et lui sauter à la gorge. Finalement, le premier l'emporte.
Un chouïa.

-Tout à fait logique.

Je réprime un rire nerveux.

-Je ne suis pas Delta et je n'ai pas à renforcer tes aptitudes musculaires, répond-il en haussant ses volumineuses épaules. En même temps, je doute qu'une vie en tant que dieu suffise à effectuer de telles prouesses.

-Allez voir ailleurs si j'y suis.

Le soulagement, mêlé à l'irritation, me lèguent l'étrange impression de posséder une double personnalité. L'une ne se refuserait pas un bon coup de poing, quand l'autre le serrerait bien dans ses bras.

Il s'avance d'un pas, assez pour que le repliement de ses membres supérieurs entraîne le contact de ses coudes contre les miens. Krux me défie du regard, moi, petite chose surmontée d'une touffe bleue, qui pourrai parfaitement me cacher derrière lui lors d'une partie de cache-cache. Pour peu qu'il m'étreigne, j'aurai été introuvable.

-Je doute de pouvoir t'y trouver.

-Amusant.

Je m'applique à afficher un air neutre, destiné à accentuer le ridicule de sa boutade. Mais, contre toute attente, un voile de légèreté transforme la dureté habituelle de ses traits, les adoucissant peu à peu, au point d'étirer les commissures de ses lèvres. Soudain, l'une de ses grosses mains s'accroche à ma joue. Surprise, je le dévisage sans comprendre, jusqu'à ce qu'il se mette à pincer ma pommette captive. Et la tiraille par à-coups.

Les bras m'en tombent.

Le mâle se penche un tantinet, de façon à ce que sa tête soit placée face à la mienne puis m'adresse un sourire lugubre.

-Je n'aime pas beaucoup le ton qu'emploie Ecclésia, non non non ! Il va falloir être très polie avec tonton Krux si elle veut recevoir ces petits conseils !

Ses paroles, complètement incompatibles avec sa voix d'ogre, dénoyaute tout bonnement les yeux de mon crâne. Une vague d'hilarité déferle en arrière-plan, quelque part, engloutie par le raz-de-marée honteux qui ne cesse d'enfler à mesure qu'il asticote ma joue.

Tu parles d'une revanche ! Aucune personnalité ! Mais si ce plaisir fugace le conforte dans l'idée de m'épauler, alors, soit, qu'il me malaxe la joue ; je lui tendrai la seconde !

Fatalement impuissante face à cette perfide attaque joufflue, je ne daigne ni bouger, riposter ou même me plaindre. Bientôt, son autre main entreprend d'attaquer la moitié rescapée de mon visage, jouant avec ma bouche, les plis de ma peau, jusqu'à ce qu'il juge -un jour, je garde espoir- sa pathétique vengeance terminée.

Je me contente alors d'étudier son air d'abruti fini.

Il me libère enfin. Son expression triomphale m'ahurit une bonne fois pour toutes.

-Vous vous sentez mieux ? craché-je en m'escrimant à masser mon visage engourdi.

-Ce n'était qu'un amuse-bouche. Ce qui s'est passé à l'infirmerie restera à jamais gravé là-dedans, dit-il en tapotant son crâne.

-N'énervez pas le Prince une seconde fois.

-Ici. Quatorze heures tapantes, lâche-t-il en ignorant prodigieusement ma menace.

J'émets un faible hochement de tête, mâchoire serrée, tout en exécrant la démarche vaniteuse qu'il utilise pour s'éloigner. Mais, à peine s'est-il éclipsé, que mes yeux partent à la recherche d'un regard moqueur. Pour mon plus grand plaisir, le rez-de-chaussée est toujours aussi vide.

Cœur de ferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant