Attirance dangereuse (1)

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Troublée, je passe une main sur mon front : zone qui vient de percuter la musculature thoracique du Prince Obscur. Le geste n'atteste pas d'une douleur, mais plutôt d'un contact hors du commun.

Ses prunelles, dont l'encre opaque noie les pupilles, entament une trajectoire descendante des plus élogieuses. Le concentré de sex-appeal me déshabille ouvertement du regard.

La neutralité néanmoins transmise par sa plastique enchanteresse, ne bloque pas le millier de picotements brûlants qui s'affaire à suivre son tracé visuel éprouvant.

Durant toute la durée de l'expertise, la foule travailleuse prend des allures de brouhaha visuel, d'agitations sans intérêts ou encore de sources d'attention minimes reléguées au second plan. Même mon ouïe hypersensible perd peu à peu en netteté, attentive à l'apparent statisme de ses lèvres jointes. La moindre sonorité échappée de sa bouche ne m'échappera pas. Rien qui émanera de sa prestance ne sera en capacité d'échapper aux filets sensoriels mis en œuvre par mon corps.

Je me statufie. Et lorsque mes poumons se gonflent d'un trait, agissant en conséquence, son regard s'aimante à ma poitrine. L'air reste bloqué à l'intérieur puis s'échappe au moment précis où ses yeux d'onyx ont la décence de quitter mes attributs pour s'intéresser à mon visage.

Son tee-shirt manches longues noir, en plus d'être incroyablement moulant, offre une vue imprenable sur le commencement de ses pectoraux saillants. La main fourrée dans l'une de ses poches, l'autre pressant encore le bouton de l'ascenseur, sa chevalière dépasse de la coupe nette qui équipe son jean sombre.

Cet être irradie de noirceur. Cet être est noirceur.

Là encore, sa beauté diaboliquement hypnotique me coupe le souffle.

-C'est bien la première fois que j'ai eu affaire à un spectacle aussi pitoyable, finit-il par avouer.

Il se redresse afin de libérer le boitier de l'ascenseur, étirant par la même occasion ses ailes aussi titanesques que métalliques.

Je ne m'appesantis pas plus sur les tintements stupéfiants qu'elles produisent. Car l'aveu me pétrifie une seconde fois ; cependant, pour des raisons bien différentes. L'Humiliation me contraint à baisser la tête et ma peau à s'échauffer.

Une Obscure se doit d'être attirante. Mais si une Obscure, en plus d'être attirante, parvient à séduire le Prince lui-même, c'est un tout autre niveau. Quelque chose que j'ai eu la naïveté d'espérer.

-Se battre, Lumineuse, ne consiste pas à être celui qui encaisse le plus de coups, reprend-il crûment.

Surprise, j'élève la nuque puis relie ses paroles blessantes à mes actes. Le fait que nous soyons proches, que je doive me tordre le cou pour distinguer son visage, que son aura irrésistible bousille mes défenses, embrume peu à peu ma si friable raison. Mes joues se réchauffent davantage tandis que sa focalisation visuelle m'oblige à racler le sol du bout du pied.

Le Mythe s'adresse à moi et à moi seule. Et il a beau me réprimander, ce constat narcissique me gorge d'une satisfaction difficilement dissimulable. Celle-ci prend en ampleur à l'entente de son timbre de voix libidineux.

-Faites-vous référence au combat ?

-A quoi d'autre ? réplique-t-il, acerbe.

Un silence s'installe, ponctué par mon haussement d'épaules fictivement nonchalant.

-A rien, rien du tout.

Je secoue la tête, déroutée par ma bêtise. L'espoir -le vrai- daigne enfin frapper à ma porte.

Cœur de ferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant