Un accueil brûlant

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-Krux ! hurle Alicante.

Le fameux monstre musculeux répond à l'appel. Il se déplace jusqu'à nous. Alicante s'écarte, murmure quelque chose à mi-voix : parole que le destinataire obéissant assimile d'un bref hochement de tête.

Ceci fait, le Prince déploie ses grandes ailes métallisées. On aurait dit qu'une centaine de lames de poignards lui servent de plumage.

Je me permets d'observer ses gestes, tout à fait consciente du regard insistant que Krycléine me voue. Et, lorsqu'Alicante replie ses genoux, prêt à prendre son envol, l'envie lui prend de marquer une soudaine pause.

-Krycléine, nous avons à faire, lâche-t-il avant de décoller.

La bourrasque de vent qu'il produit, manque de me faire trébucher.

-J'aurai à faire lorsque je le souhaiterai ! contre-attaque-t-elle, assez fort pour qu'il puisse la percevoir.

Ce-dernier ne réplique pas, s'éclipsant déjà à l'intérieur d'une crevasse sombre, creusée à l'opposé même du Palais malfaisant.

Soudain, la rigidité désagréable d'un ongle se presse contre ma joue. Surprise, je recule d'un pas puis observe la Princesse audacieuse rabaisser sa main. Un nouveau pivot de la nuque, de sa part, dégage de longues et brillantes mèches brunes de son torse. Quelques paillettes argentées s'en décrochent, retombant en minuscules poussières d'étoiles.

-A bientôt, Ecclésia.

Je pose ma main à l'endroit exact du contact et n'y trouve aucune plaie. Pas même une irritation. C'est alors profondément intriguée que je l'observe sourire, étirer ses ailes majestueuses, puis s'envoler en direction de la crevasse empruntée par son frère. Je demeure un instant interdite, la main collée sur mon visage interloqué.

Je ne suis qu'une friandise, à ses yeux. Le joujou du siècle. Il suffit de ressasser la dernière phrase que m'a adressée le Prince pour m'en persuader : Dans ce cas, amusons-nous. Ou bien le terrifiant : Laisse-moi encore m'amuser un peu, prononcé par sa sœur sadique. Mais, au moins, je ne meurs pas. Pas tout de suite. C'est sûrement le principal.

-Il existe deux ou trois règles fondamentales que tu dois connaître.

Je sursaute avant de me rendre compte que Krux me fait face. De courts cheveux bruns, des épaules monumentales, un buste en V, une lueur de férocité dans le regard : il est important. Le pauvre tissu sombre de toile qu'il arbore, semble sur le point de craquer sous sa masse musculaire. Les multiples effilochements du vêtement en témoignent. Sans parler des bracelets de cuir usés qui lui enserrent les poignets.

-Premièrement, on obéit à la famille royale. Quel que soit l'ordre qui nous est assigné. Deuxièmement, on ne conteste jamais la décision d'un membre de la famille royale. Troisièmement, on remplit tous une tâche à effectuer au sein du Palais, pour le bien de la population et la satisfaction de la famille royale. Quatrièmement...

-Deux ou trois règles ? je lâche, sarcastique.

L'Obscur se met à me toiser avec un tel dédain, que je me suggère intérieurement de ne jamais plus le couper. Très bien, on ne donne pas dans l'humour, ici.

-Quatrièmement, on n'interrompt jamais un combat. Et cinquièmement, on respecte l'heure des couvre-feux ainsi que les emplois du temps. Suis-moi.

Je ne rechigne pas. Même lorsque les larges jambes de Krux s'étirent si vite que je peine à le rattraper. Nous contournons quelques cratères, jets et marres de lave, avant de nous retrouver au pied de la fameuse tour crasseuse et vertigineuse. Celle-ci se termine en un large plateau rocheux. Autour de nous, les regards curieux vont bon train.

Cœur de ferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant