Quand la reine s'appuie sur le cavalier

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PDV Ecclésia

Mes neurones fonctionnels me font le luxe de réaliser qu'on a repoussé ma main avec une force suffisante pour surpasser mon ancrage et déclencher ma chute.

-Prénem ! hurle une voix féminine.

Alors que j'envoie mes membres en direction du tronc, la vue ravagée par la lumière verte du Grand Cèdre, une prise de fer cible mon poignet puis me hisse contre un corps inébranlable. La tête penchée au-dessus du vide, il m'est à présent possible d'observer mes pieds se balancer à plusieurs mètres de hauteur...ainsi qu'un mâle rejoindre le pied de l'arbre. De longs cheveux blonds, un bermuda vert. Pas besoin d'être doté d'une vue perçante pour deviner que de fines plantes grimpantes se mêlent à ses cheveux, et que son accoutrement a été conçu à partir de feuilles sauvages. Prénem.

Tout à coup consciente du fait que mon sauveur puisse être mal intentionné, je lève la tête et ai tout juste le temps d'observer sa grande main s'enfoncer dans le creux. Alors, une bombe de lumière jaillit de l'encoche. Elle se diffuse à la vitesse de l'éclair jusqu'aux racines du tronc volumineux, comme si ce dernier avait joué le rôle d'un fil conducteur frappé par la foudre. Le phénomène efface la teinte verte de l'arbre au profit d'une blancheur immaculée. Un hurlement déchirant accompagne la propagation de la Lumière, qui poursuit sa course dans la terre, conquiert la végétation alentour, mais aussi le bras de mon sauveur, dont les cordes vocales semblent sur le point de rompre. Bientôt, un nuage de Lumière nous noie de la tête aux pieds. Impossible de percevoir le bout de mon nez.

Enfin, nous chutons. Puis percutons le sol. Une violente onde de choc traverse mon squelette, quand mon corps rebondit sur le mystérieux individu.

Qui a cessé de hurler.

Mes oreilles sifflent, ma tête souffre.

Je me recroqueville sur moi-même, dans l'espoir de calmer le martèlement furieux qui sévit sur mon crâne.

-Prénem ! s'égosille-t-on à nouveau.

-Des Obscurs ! Nombre de plantes se sentent agressées, Célia !

Des bruits de pas pressés retentissent. L'écorce éclatante de blancheur dans laquelle est emmitouflé l'arbre mythique s'estompe peu à peu, tandis que je rampe vers le buisson le plus proche. Blanc, tout blanc. Pareils aux herbes, aux cailloux, aux insectes fous. Arrivée à mi-chemin, je me rends compte que la mystérieuse divinité ne me suit pas. La silhouette abstraite du voleur, vêtu de blanc, reste en effet étendue au sol, loin derrière moi. Me sentant redevable, j'entame un demi-tour afin de lui prêter assistance, quand la forêt s'éteint.
Littéralement.

C'est le noir complet.

-Célia ? hurle Prénem.

-Ils sont deux ! s'écrit la déesse de garde. Fais appel aux végétaux souples pour les ralentir, ils sont affaiblis !

-Je ne vois rien ! L'état inquiétant de la nature rejaillit sur moi...je suis incapable de générer un traître faisceau de Lumière, l'alarme-t-il.

La méthode employée par les sentinelles Lumineuses stipule que l'un d'eux se doit de conserver sa Lumière en prévision de soins à dispenser d'urgence.

-Par tous les dieux, geint-elle, si stressée que son pouls atteint mes tympans. Dans ce cas, suspendons-nous et laissons-les œuvrer contre la menace.

-Je ne peux leur demander d'attaquer sans avoir en tête d'images précises à leur fournir. Si les plantes s'en prennent à tout ce qui bouge, elles pourraient cibler les animaux. Nous ne pouvons décemment pas prendre le risque de les blesser !

Cœur de ferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant