Prologue 2 - La Mouette

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Cela faisait plusieurs jours que l'équipage du Crâne Noir se relayait jour et nuit pour avancer le plus rapidement possible alors que le Capitaine se trouvait la plupart du temps dans sa cabine. Ses ordres avaient été clairs et il avait besoin de calme pour réfléchir. Malgré qu'il retourne le problème dans tous les sens, il ne parvenait pas à trouver une solution et à contacter le Conseil. Son agacement se ressentait et ses hommes veillaient à ne pas le déranger.
Alors que John était enfermé depuis de longues heures dans sa cabine, Emeric vint le tirer de ses pensées en lui annonçant qu'ils étaient bientôt à bon port et que la côte était en vue depuis le pont du bateau. John le remercia et commença à ranger le peu d'affaires qu'il possédait pour pouvoir rejoindre La Mouette dès leur arrivée.
Un léger sourire apparut sur ses lèvres quand il pensa à sa femme et ses deux enfants. Cela faisait un peu plus d'un mois qu'il ne les avait pas vus. Leurs visages lui manquaient et il avait hâte de les embrasser. Il commença à imaginer la réaction d'Elena en le voyant arriver à l'improviste à la maison. Vu l'heure, elle devait très certainement se balader avec Elionel et Ellynn dans leur propriété et il espérait pouvoir la surprendre si elle n'avait pas vu le Crâne Noir arriver. En y songeant, il rit intérieurement car il était, en effet, impossible de rater un bateau qui amarrait dans la petite bourgade portuaire.
La maison des Morgan était belle et située sur la plus haute colline qui entourait le village. La vue qu'elle offrait était sans pareille et il avait passé de nombreuses soirées à regarder le soleil couchant avec Elena. Elena... Rien que son nom sonnait comme une douce mélodie à ses oreilles. Leur rencontre remontait à un peu plus de sept ans et cela faisait six ans qu'elle était devenue sa femme et sa confidente. Après une année de mariage, elle lui avait donné un fils, Elionel, avant d'être rejoint quatre années plus tard par Ellynn, leur adorable fille. En peu de temps, celui-ci avait atteint un bonheur extrême mais malheureusement, ses années en mer le maintenait loin de chez lui et sa famille lui manquait. Il avait hâte de pouvoir à nouveau les serrer dans ses bras.
Perdu dans ses pensées, il sursauta quand Emeric fit irruption dans la pièce. Étonné, il leva son regard vers son quartier maitre et compris immédiatement que quelque chose n'allait pas. Il haletait et paraissait chercher ses mots.

- Que se passe-t-il Emeric ? lui demanda calmement John qui sentit son cœur accélérer.
- C'est votre maison mon Capitaine...

John le fixa quelques instant, puis, pour la première fois depuis de nombreuses années, perdit son calme et courut à la hâte sur le pont de son bateau. Ses marins et officiers y étaient déjà et fixaient le large. Pour voir ce qui se passait, John dut se frayer un chemin parmi ses hommes et en pousser plusieurs pour qu'on le laisse passer. Arrivé à la rambarde, il comprit immédiatement l'hébétude de son marin.
D'ordinaire si belle, sa maison était en feu et des villageois se battaient contre les flammes en formant une chaîne humaine depuis le puits qui se trouvait au fond de son jardin. Malgré la distance, il pouvait déjà voir que le manoir n'était plus qu'un amas de bois. Des débris tombaient du toit et un fin brouillard noir enveloppait les villageois. Vu du large, la scène semblait sortir tout droit de l'enfer.
Passé la consternation, le Capitaine reprit ses esprits et hurla des ordres à son équipage pour rejoindre le plus vite possible le port du village. Ceux-ci s'activèrent et redoublèrent d'efforts pour arriver à la côte rapidement. Emeric secondait le Capitaine en s'assurant que leurs hommes n'avaient pas besoin d'aide alors que John tenait la barre de son bateau en essayant de se calmer intérieurement. Il tentait de se convaincre qu'Elena et ses enfants étaient en sécurité. Il ne pouvait pas en être autrement. Elena était une femme remarquable et c'était certainement elle qui avait dû constater le feu et prévenir les villageois. « Oui, cela ne peut être que ça » se dit-il.
Les minutes lui semblèrent des heures et l'impuissance le submergea. Il savait que chaque minute comptait et que les villageois avaient besoin d'aide. Ses hommes faisaient l'impossible pour avancer mais il ne put s'empêcher de crier de nouveaux ordres pourtant inutiles. Emeric prit le relais et ordonna à Peter de prendre la barre à la place du Capitaine car ils approchaient dangereusement du port.
Quand enfin ils accostèrent, John n'attendit pas que la nacelle soit sortie pour sauter hors du bateau et se précipiter vers le haut du village. Durant sa course, il remercia le ciel que les rues ne soient pas bondées comme à leur habitude. La Mouette était un petit village de pêcheurs qui avait été construit sur le versant d'une colline et qui avait des rues un peu trop étroites pour le nombre de voyageurs qui y passaient. De jour, il n'était pas facile de se déplacer rapidement. Le marché occupait la rue principale et les marchands bloquaient les rues avoisinantes pour stocker leurs chariots et marchandises. Mais vu les circonstances, tout ce monde devait se trouver chez John pour tenter d'éteindre l'incendie et cela facilitait grandement leur ascension.
Concentré sur sa destination finale, il ne se rendit pas compte de la vision qu'il devait donner aux derniers villageois restés chez eux. Derrière lui, une quinzaine de membres de son équipage l'accompagnaient. Ils ne lâchaient par leur Capitaine et ceux-ci devaient avoir l'air menaçants vu leurs habits abîmés et leurs armes à la ceinture.
La traversée du village fut rapide mais la montée demanda plus de temps à cause des routes sinueuses et de mauvaise qualité. John connaissait ce chemin par cœur et se maudit pour la première fois de s'être autant isolé avec sa famille. Il traversa le petit bois qui bordait sa propriété et rencontra quelques personnes qui tentaient de rejoindre son manoir.
Passé le bois, le Capitaine arriva enfin dans sa propriété. La scène qui se déroulait devant lui était chaotique. Les hommes hurlaient des ordres confus ; les femmes soignaient tant bien que mal les blessés ; et les enfants se tenaient immobiles, à l'écart du feu. La chaleur était insoutenable et la fumée attaquait les yeux. John continua d'avancer et chercha du regard Elena et ses enfants tandis que son équipage se scinda en plusieurs groupes pour aider les villageois à stopper les flammes et à évacuer les blessés.
En marchant, le Capitaine se rendit compte que son manoir ne survivrait jamais à cet incendie. Les dommages étaient beaucoup trop importants et les flammes semblaient toucher les nuages. Il se fondit dans la masse pour continuer à chercher sa famille et tenta de reconnaître une personne dans la foule.
Au bout de quelques minutes, il aperçut au loin la silhouette familière de la boulangère du village.

Ellynn Morgan et les Chasseurs Noirs (tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant