3 - La boutique de Lulu

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Cela faisait un peu plus d'une heure qu'Ellynn déambulait dans les rues de Bruxellae. Après les tensions de la veille, cela lui faisait du bien de sortir de l'auberge et prendre l'air. Elle se sentait mal pour Gisèle car au déjeuner, cette dernière s'était confondue en excuses pour le comportement des deux forgerons. Elle leur avait expliqué que tout le monde était sur les nerfs à cause des disparitions et des réprimandes publiques. Et que malheureusement, Théophile et Caspian pouvaient être terriblement têtus quand ils avaient quelque chose en tête.
Nanny Mi l'avait rassurée tant bien que mal mais cela n'avait pas apaisé Gisèle. Voyant que la conversation allait tourner en rond pour un moment, Ellynn en avait profité pour s'éclipser et aller se balader seule dans les rues. Sa nourrice n'avait pas été ravie de la voir partir et lui avait demandé de la retrouver dans les deux heures chez Lulu.
Ellynn avait rarement du temps libre en ville et essaya d'en profiter un maximum en se baladant dans la rue principale. Tout était comme dans ses souvenirs. Le poissonnier vendait son poisson pas frais, le boucher était derrière son comptoir et hurlait ses ordres à sa femme, le maréchal-ferrant avait sa bouteille de whisky accrochée à sa ceinture et la taverne Le Sanglier avait déjà sa clientèle accoudée au bar. Le seul magasin qui détonait à ses souvenirs et qui s'était embelli était celui du croque-mort. D'habitude crasseux, le bâtiment avait été rénové, agrandi et la vitrine permettait aux badauds de voir les différents cercueils que le magasin pouvait offrir.
Un peu dégoutée face à ce marché macabre prolifique, Ellynn s'empressa d'aller à La Brioche, la célèbre boulangerie de Bruxellae. L'odeur qui s'en dégageait donnait envie d'y entrer et d'acheter une de leur fameuse brioche en forme d'hérisson, leur produit le plus réputé. Les enfants adoraient le fondant de la mie et les morceaux de chocolat croquants.
Comme à son habitude, le magasin était noir de monde et la file sortait jusque dans la rue. Malgré cela, il ne lui fallut pas plus de deux secondes de réflexion pour se mettre dans la queue et attendre patiemment son tour.
À chacun de ses passages en ville, Ellynn ne pouvait qu'admirer la décoration du magasin. Tout y était propre, brillant et accueillant. Le comptoir montrait toutes les créations de l'artisan boulanger. Il y avait des pièces montées, des brioches, des pains et même du massepain. Les couleurs étaient plus vives les unes que les autres et la cuisine ouverte permettait de voir comment le boulanger et ses apprentis travaillaient chaque jour. Sa femme, elle, était toujours en magasin et s'occupait de la clientèle. Elle avait un certain embonpoint et ne faisait que sourire, heureuse de pouvoir servir ses clients. Ils ne semblaient pas être atteints par les récents évènements et la clientèle ne faiblissait pas.
Soudain, des cris venant de l'extérieur sortirent Ellynn de ses pensées. Un groupe de jeunes garçons courait les uns derrière les autres. Celui qui semblait être le chef de la bande avait une sacoche dans sa main droite et la tenait en l'air comme un trophée. Les autres criaient une sorte de cri de guerre puéril et riaient aux éclats. Ils avaient certainement dû jouer un mauvais tour à l'un de leur camarade et s'amusaient de la situation.
C'est leur uniforme qui indiqua à Ellynn que le garçons venaient de l'école Saint-Pierre. Elle avait toujours rêvé de porter cet ensemble gris et blanc qui comportait l'insigne de leur école. 

- Mademoiselle ? Mademoiselle ?

Ellynn se retourna et remarqua que c'était à elle que la boulangère s'adressait. C'était manifestement son tour et plusieurs clients mécontents la fixèrent hostilement.

- Excusez-moi madame, bafouilla Ellynn qui sentit ses joues devenir rouge d'embarras. J'aimerais avoir deux hérissons aux pépites de chocolat s'il-vous-plaît.

La boulangère sourit face à son désarroi et se hâta de la servir. Elle choisit les deux brioches sortant tout juste du four et les fourra dans un sac qu'elle referma soigneusement. Face à cette délicate attention, Ellynn la remercia chaudement et s'empressa de la payer. À sa sortie, elle était ravie de son achat et de la petite surprise qu'elle réservait à sa nourrice.
Cherchant des yeux le groupe de jeunes garçons, Ellynn découvrit, à son plus grand étonnement, que le magasin situé en face de La Brioche était celui du vieux forgeron. Il n'y avait aucun doute possible car il était gravé « Forgerons Duroy & Fils » sur la pancarte en bois apposée au-dessus du commerce. Cela faisait des années qu'elle venait en ville et elle n'avait jamais remarqué cet établissement. Curieuse, elle traversa discrètement la rue et tenta de regarder au travers de la fenêtre.

Ellynn Morgan et les Chasseurs Noirs (tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant