10 - Rubis (première partie)

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Ellynn était comme prise dans un tourbillon qui l'empêchait de réfléchir correctement. 

- Comment ça mon père n'est pas un inconnu chez les elfes ? demanda-t-elle d'une voix faible.

Aucun des deux ne répondit. Timolas regardait Amos, attendant de voir ce qu'il allait lui répondre. 

- Alors ?
- Je ne pensais pas qu'il allait te cacher autant de choses, dit Amos apparemment ennuyé. Je suis même étonné qu'il soit parvenu à te contenir autant de temps à Bruxellae sans que tu ne tues quelqu'un avec ton pouvoir et qu'il ne soit forcé de t'emmener à Aeolus Tann'ynn.
- C'est quoi Alus Tanin ?
- Ae-o-lus Ta-nnynn ! épela lentement Timolas, comme s'il s'adressait à une enfant.
- HA ! Aeolus Tann'ynn est une île où vit la plus grande communauté d'elfes sur Terre. Notre Conseil s'y trouve et toutes les décisions concernant notre peuple sont prises là-bas.
- Pourquoi devrais-je vous accompagner jusque-là ? J'aimerais retourner chez mon père. Il ne sait toujours pas que – elle dut se retenir pour ne pas fondre une nouvelle fois en larmes – que Nanny Mi est décédée... Il a le droit de savoir.
- Et tu sais où il se trouve ? Parce que si tu as cette information, je serais ravi que tu la partages avec moi, petite.

Une nouvelle fois, Ellynn ne sut quoi lui répondre. 

  - HA ! Je me disais aussi.

Elle garda la tête baissée un long moment. Les flammes du feu dansaient devant ses yeux et l'empêchaient de sombrer à nouveau dans la tristesse. Pour s'occuper, elle s'attaqua à l'une des brochettes que Timolas avait mises sur le côté. 

- Il faudra que tu acceptes un jour cette situation, petite. 

Ellynn releva la tête mais ne dit rien. Son visage était dénué d'expression, la fatigue émotionnelle reprenant à nouveau le dessus. Elle avait l'impression de ne plus avoir aucun repère. Nanny Mi et son père avaient été les siens tout au long de sa vie et le fait qu'elle se retrouve isolée la déboussolait complètement. Les dernières paroles de sa nourrice avait été claires mais elle avait du mal à les appliquer. Elle ne connaissait pas Amos et sa brutalité ne l'aidait pas à se sentir à l'aise en sa présence. 

- Sur place, nous tenterons de joindre ton père. Attilius devrait pouvoir nous aider. HA !
- Et quoi, commença Ellynn hésitante, je suis une elfe alors ?

Timolas renifla bruyamment comme si c'était la question la plus idiote qu'il ait jamais entendue.

- Non, petite.
- Mais, je ne comprends pas... Comment se fait-il que je contrôle le pouvoir de la Terre alors ? Cela veut dire qu'il y a d'autres hommes ou femmes qui possèdent ce pouvoir également ?!
- Non, lui répondit Amos catégorique. Tu es la seule humaine à posséder ce pouvoir. Je suis certain de ce que je te dis – il la coupa avant même qu'elle ne puisse mettre en doute ce qu'il venait de lui dire – mais on n'en parlera pas aujourd'hui. 

Son Amicus s'était posé sur son épaule, à nouveau sous la forme d'un furet. Il attendait sagement sur son épaule, fixant longuement Ellynn de ses yeux vides, identiques à ceux de son maître.

- C'est quoi ça ? lui demanda-t-elle en désignant du menton le furet.
- Mon Amicus ?
- Oui.

Timolas regardait Amos, également avide de connaitre la réponse.

- HA ! C'est une longue histoire, dit-il en effleurant son Amicus de sa main droite, comme s'il le caressait. Il y a un peu plus de dix ans, j'ai perdu la vue au cours d'une bataille. Il s'en est fallu de peu pour que je n'en ressorte pas vivant. Quand mes blessures se sont cicatrisées – et croyez-moi, cela a mis beaucoup de temps – j'avais eu le temps de réfléchir à une solution à mon nouvel handicap. J'ai créé un compagnon à partir de particules d'air, matérialisé par une sorte de poussière rouge, qui pouvait prendre n'importe quelle forme et devenir mes yeux. Je ne compte pas le nombre de fois où j'ai failli baisser les bras. Je ne sais pas où j'ai trouvé la force mais j'ai continué inlassablement... Puis, petit à petit, j'ai réussi à matérialiser ce que je cherchais désespérément à faire. J'ai mis des années pour le rendre aussi parfait.
- Comment est-ce possible ? lui demanda Timolas qui n'en revenait pas.
- HA ! C'est l'une de mes plus brillantes inventions, répondit Amos en souriant. Et ce n'est pas peu dire.
- Vous n'êtes pas réellement aveugle alors ? le questionna cette fois Ellynn qui s'était posé cette question depuis leur rencontre, intriguée qu'un aveugle puisse courir aussi rapidement. Et Amicus, c'est le prénom de votre furet ?
- Non. C'est le nom que je lui ai donné. Il est mes yeux, une partie de moi-même qui peut être projetée très loin.
- C'est extraordinaire, murmura-t-elle admirative.

Ellynn Morgan et les Chasseurs Noirs (tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant