Ellynn Morgan et les Chasseurs Noirs (tome 1)

8 - Salomon le Fou (première partie)

Le réveil du lendemain ne fut pas du tout à son goût. Sa nuit avait été tellement agitée qu'elle ne s'était endormie que tôt au matin, la plongeant dans un profond sommeil. Timolas en avait profité pour la réveiller en sursaut, en lui faisant croire qu'ils se faisaient attaquer par une bande de mercenaires. Ellynn et Gladius avaient bondi sur leurs pieds, prêts à se battre, quand ils l'avaient vu se tordre de rire contre un arbre. Elle l'avait alors insulté de tous les noms tellement son cœur avait frisé la crise cardiaque.
Les heures qui suivirent, Ellynn refusa de lui adresser la parole. En même temps, ce n'est pas comme si cela avait l'air de le gêner. Son loup et lui avançaient bien plus vite qu'eux et maintenaient une bonne distance entre eux. Gladius faisait son possible pour les rattraper mais cela ne suffisait pas et Timolas profitait de chaque occasion pour se moquer d'eux ou pour se plaindre de leur lenteur.
En début d'après-midi, le paysage changea complètement. La vallée était à nouveau rocailleuse et les sentiers étroits et glissants. Ellynn et Timolas n'eurent d'autre choix que de descendre de leur compagnon et continuer momentanément à pied. Prudente, Ellynn se cramponnait à tout ce qu'elle pouvait pour ne pas tomber. À contrario, Timolas se déplaçait avec une facilité déconcertante et se mouvait tel un félin. Placée juste derrière lui, elle voyait bien comment ses mouvements étaient fluides et ressemblaient étrangement aux cavaliers de Bruxellae. C'était comme si ses pieds foulaient à peine le sol. 

- Comment s'appelle-t-il ? lui demanda Ellynn en montrant son loup du doigt, quand il l'attendit pour la première fois en haut d'un rocher.
- Pas il, elle ! la corrigea Timolas. Elle s'appelle Mila.

Ellynn rougit. Elle n'avait même pas été capable de remarquer que c'était une femelle.

- C'est joli, dit-elle pour se donner un peu de contenance en regardant avec délectation un buisson de baies rouges.

Timolas approuva de la tête, caressant le garrot de sa louve.

- Ne mange pas les baies, lui indiqua Timolas en reprenant la route. Elles sont mortelles.
- Je sais ce genre de choses, merci ! mentit Ellynn.
- Ah bon ? ricana-t-il, en montant sur le dos de sa louve. J'avais des doutes vu la difficulté que tu as pour savoir reconnaître un mâle d'une femelle.

Timolas partit dans un franc éclat de rire puis s'éloigna à la hâte, l'empêchant de cracher tout son venin.
Les deux jours suivants ne différèrent pas du premier. Timolas n'en ratait pas une pour se moquer d'elle et profitait de chaque opportunité pour la rabaisser un peu plus. Au matin du quatrième jour, ils arrivèrent enfin au pic Vert, le fameux col de montagne si difficile à franchir. Pour une fois, il n'avait pas exagéré. Il n'y avait aucun chemin qui menait jusqu'en haut, les obligeant à redoubler d'agilité et de prudence.
L'ascension fut un vrai challenge pour Gladius. La largeur de ses pattes le désavantageait fortement pour pouvoir prendre ses appuis sur les petits cailloux qui jalonnaient la pente. Il glissait plus facilement, forçant Ellynn à devoir le guider pour éviter qu'il ne tombe et se blesse.
Une fois au somment, son inquiétude décupla. Alors qu'elle pensait avoir fait le plus dur, Ellynn se rendit compte que la descente allait être encore plus périlleuse.

- Il va se tuer ! s'exclama-t-elle horrifiée en voyant l'autre versant de la montagne.
- Arrête de toujours dramatiser la situation !
- Moi ?! Je dramatise la situation ? Mais tu as vu la pente ?!
- Arrête de pleurnicher et aide-le à descendre ! répliqua Timolas sans pitié, en entamant la sienne.

Ellynn ravala une tirade de jurons et suivit tant bien que mal le même chemin qu'il avait emprunté avec sa louve. Bien qu'elle l'assistait un maximum, Gladius glissa plusieurs fois, le faisant dégringoler de quelques mètres à chaque fois. Elle pouvait sentir qu'il était tendu et qu'il se concentrait pour ne pas l'entraîner avec lui.