4 - Premier décret (première partie)

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Pendant les deux jours qui suivirent, Ellynn et Nanny Mi restèrent cloîtrées à l'auberge pour ne pas prendre de risque inutile. Durant la nuit, les gardes avaient fouillé la ville et interrogé les rares villageois encore réveillés. Nanny Mi avait vécu une grande partie de sa vie à Bruxellae et en connaissait les moindres recoins. Elles avaient donc opté pour des rues moins fréquentées et avaient eu la chance de ne pas rencontrer de soldat lors de leur retour.
Ces deux jours de repos forcés parurent une éternité à Ellynn. Elle détestait rester enfermée et l'auberge était petite et sans grand confort. Néanmoins, elle avait décidé d'en tirer profit en discutant avec certains clients et en apprendre un peu plus sur les derniers événements en ville. Elle apprit ainsi que la situation dégénérait complètement et qu'il y avait de plus en plus d'arrestations. Manifestement, les gardes ne supportaient pas qu'un de leur suspect leur ait échappé et ils reportaient leur frustration sur le reste de la population.
Au deuxième soir, Ellynn eu enfin un peu de distraction grâce à la visite de Caspian et Théophile qui les avaient rejoints pour le souper. À cause des récents événements, elles ne s'étaient pas rendues chez eux et avaient chargé Emile de les prévenir de leur non-venue.

- Quelles sont les nouvelles ? leur demanda avidement Ellynn dès leur arrivée.
Caspian, qui était aussi crasseux qu'à l'ordinaire, tenait dans ses mains une affiche à moitié déchirée.
- Graves, répondit Théophile.

Il prit l'affichette des mains de son fils et la déposa brutalement sur la table.

PAR ORDRE DU GOUVERNEUR DE BRUXELLAE

À partir de ce jour et ce, jusqu'à nouvel ordre, tout rassemblement de plus de cinq personnes est formellement interdit.
Quiconque enfreint cette loi sera jugé coupable de haute trahison envers le gouvernement de la ville de Bruxellae.
Il n'y aura aucune indulgence provenant du tribunal.

Signé : Rodolphe Claes, Gouverneur de Bruxellae.


- Ce nouveau décret a été placardé sur tous les murs de la ville, expliqua Caspian avant même qu'elle ne puisse lui poser la question.
- Plusieurs arrestations ont eu lieu dans l'après-midi, continua Théophile en s'asseyant à son tour à table. Vous ne devriez pas rester en ville Dame Camille. Cet endroit n'est plus sûr.
- Ce n'est pas possible, murmura Nanny Mi épouvantée.
- Que vont-ils faire à ces personnes ? les questionna Ellynn révoltée.
- Personne ne le sait, répondit Caspian en contenant tant bien que mal sa rage. Il est fort à parier que bon nombre d'entre eux seront directement envoyés en prison.
- Sans jugement ?! 

Le silence qui suivit suffit à lui répondre. Les deux forgerons avaient le regard dans le vide, comme s'ils réfléchissaient au sort qui allait être réservé « aux traîtres » de Bruxellae. Tous étaient anxieux pour leur avenir. 

- Quand comptez-vous partir ? demanda Théophile en allant droit au but. 

Ellynn remarqua que sa nourrice réfléchissait sérieusement à la situation. 

- Vous ne devez pas rester Dame Camille, insista Caspian en se penchant en avant sur la table. Les risques sont trop importants.
- Nous ne pouvons pas partir comme ça... Nous n'avons plus aucun remède médical à la maison et nous en avons besoin au cas où l'une d'entre nous tombe malade ou se blesse. En plus, notre toit fuit. L'hiver a été rude et a abîmé notre maison. Nous avons besoin de matériel pour réparer tout ça.
- Et nous n'avons eu aucune réponse à nos questions, intervint Ellynn qui estimait que Nanny Mi oubliait le plus important. Qui sont ces cavaliers qui ont traversé les bois de l'Iris ? Qu'est-ce qui les amène dans notre royaume ? Pourquoi se sont-ils arrêtés à Bruxellae ?
- Ne croyez-vous pas qu'il serait plutôt judicieux de partir au plus vite ? les réprimanda le vieux forgeron. John serait furieux s'il apprenait que vous restiez en ville dans ces conditions-ci.
- Mon père a justement besoin de savoir ce qui se passe ici, répliqua vivement Ellynn.
- Peut-être... mais pas au détriment de votre vie, répondit calmement Caspian.

La réponse du forgeron modéra quelque peu ses ardeurs et elle se renfrogna sur sa chaise. 

- Ils ont raison, lança Nanny Mi après un moment. John serait furieux si quelque chose nous arrivait.
- Mais on n'a encore rien appris ! protesta Ellynn, indignée par la tournure des événements. Il suffit d'être prudentes !

Elle fulminait à l'idée qu'elles aient fait tout ce chemin pour rentrer bredouilles. Cela n'avait pas de sens. Elles étaient restées enfermées plus de la moitié de leur séjour et n'avaient eu aucune information pertinente au sujet des trois cavaliers. 

- Nous partirons demain, déclara Nanny Mi.
- Mais...
- Il n'y a pas de mais qui tienne, la coupa sa nourrice. Nous prendrons la route aux alentours de midi.

À cette annonce, les deux forgerons hochèrent la tête, soulagés. Ellynn, par contre, était juste dégoûtée.

- Avez-vous besoin d'aide dans vos bagages? proposa gentiment Gisèle tandis qu'elle déposait une assiette de ragout d'agneau devant chacun.
- Non merci. Nous étions venues avec peu d'affaires donc cela ne devrait pas nous prendre beaucoup de temps. 

Le restant de la soirée, Ellynn écouta d'une oreille distraite la conversation qui avait lieu à sa table. Ils avaient décidé d'un commun accord que Caspian les emmènerait chez l'herboriste en début de matinée et qu'elles attendraient le retour de son père pour acheter le matériel nécessaire pour réparer leur toit. Les forgerons souhaitaient qu'elles quittent la ville dans les alentours de midi pour arriver chez elles avant la tombée de la nuit.

- Souhaitez-vous que je vous prépare quelques bouteilles d'hydromel ? leur proposa aimablement Gisèle.
- Ce serait très gentil de votre part. Ma chérie, dit-elle en se tournant pour la première fois de la soirée vers Ellynn, comme nous partons tôt demain, je suggère qu'on ne tarde pas trop à aller nous reposer.
- Très bien, répliqua sèchement Ellynn en se levant. Je monte directement me coucher alors.

N'attendant aucune réponse de sa part, elle prit congé des convives et monta aussitôt dans sa chambre. Ellynn savait qu'en agissant ainsi elle leur manquait de respect. Mais elle n'en pouvait plus et préférait quitter immédiatement la table plutôt que de leur tenir compagnie plus longtemps.
C'était le comble pour Ellynn. Non seulement, elle n'avait rien appris au cours de son séjour en ville mais en plus, elle était traitée comme une vraie gamine. Tout au long du repas, elle avait remarqué les regards inquiets que lui lançaient sans cesse Caspian. Elle était sûre qu'il avait peur qu'elle n'en fasse qu'à sa tête et qu'elle leur cause de nouveaux problèmes.
Énervée, Ellynn se dépêcha de monter les escaliers pour rejoindre sa chambre et se jeta directement sur son lit. Celui-ci était froid et cela l'exacerba au plus haut point. Le printemps était déjà là mais les nuits étaient encore fraîches. Et comme sa nourrice avait tendance à aérer toutes les pièces dans lesquelles elle se trouvait, elle avait laissé la fenêtre ouverte, rendant ses draps glacés. Ellynn se releva en pestant et ferma la fenêtre d'un coup sec. Elle en avait assez d'être enfermée et voulait rejoindre Gladius. Cela faisait deux jours qu'elle ne l'avait pas vu et il devait s'ennuyer fermement aux abords de la ville. Se détournant de la vision nocturne que lui offrait la ville, elle se hâta de ranger ses affaires pour pouvoir aller dormir.
Un peu plus tard, quand Nanny Mi entra dans la chambre, Ellynn fit semblant de dormir. Elle ne voulait surtout pas subir de remontrances concernant son manque de politesse et d'éducation à table. Sa nourrice rangea rapidement ses affaires puis lui souhaita la bonne nuit. Feignant toujours son sommeil, Ellynn ne répondit pas et s'endormit tard dans la nuit. 


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Que pensez-vous qu'il va se passer après??????? :)))))) 

Ellynn Morgan et les Chasseurs Noirs (tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant