6 - Avis de recherche (deuxième partie)

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Les jours qui suivirent, Gladius et elle évitèrent autant que possible les villages qu'ils croisèrent. La diversion des forgerons avait dû fonctionner car personne ne les poursuivait. Elle profita des longues heures de voyage pour rassembler ses idées. Les derniers événements s'étaient déroulés tellement rapidement qu'il était difficile pour elle de les comprendre et de les assimiler.
À la demande de sa nourrice, ils se dirigeaient vers le sud mais Ellynn ne voyait pas le but d'un tel voyage. Elle essayait de se remémorer les conversations qu'elle avait eues avec son père pour voir s'il avait un jour mentionné le prénom d'Amos mais rien ne lui revenait, ce qui la frustrait au plus haut point. Par moment, cela la désespérait et elle se demandait si Théophile n'avait pas eu raison quand il avait osé dire que sa nourrice ne savait plus ce qu'elle disait.
Les jours défilaient et se ressemblaient. Ellynn et Gladius se levaient aux aurores, parcouraient le plus de distance possible vers le sud en se repérant grâce à la mousse sur les arbres et trouvaient un abri tard dans la nuit pour se reposer quelques heures. Ce rythme de vie la fatiguait fortement et elle ne mangeait pas du tout à sa faim. Gladius savait facilement lui ramener de quoi manger mais elle ne pouvait pas faire de feu afin de ne pas attirer l'attention sur eux. Elle était donc réduite à manger les fruits qu'elle reconnaissait et avait même volé deux morceaux de pain à de pauvres villageois afin d'avoir un peu de nourriture consistante dans son ventre.
Un matin, lorsqu'ils arrivèrent aux abords d'Orléans, Ellynn se posta sur une colline et observa la ville durant toute la matinée. Elle n'était pas très encline à s'y rendre mais devait absolument s'acheter de nouveaux vêtements. Les siens tombaient en lambeaux et elle commençait à attirer l'attention sur elle quand elle posait des questions à des passants pour s'assurer qu'elle descendait bien vers les Pyrénées. 

- Bon, je ne la ferai pas longue, dit Ellynn en caressant le garrot de Gladius. Je serai de retour dans moins d'une heure. 

Gladius gronda, désapprouvant complètement sa décision. 

- Je ne peux pas continuer ainsi, se justifia Ellynn en soupirant. Mes vêtements tombent en pièces et ma cape ne me protège plus suffisamment la nuit.

Il rehaussa ses narines et détourna la tête. 

- Je reviens dans moins d'une heure, promis ! dit Ellynn en descendant déjà la pente. Sois prêt à partir directement. 

Une dizaine de minutes plus tard, Ellynn arriva à ce qui semblait être l'entrée de la ville. Il n'y avait ni portail, ni rempart, ni droit d'entrée. Par contre, un immense pont menait directement dans la bourgade.
Alors qu'elle traversait le viaduc, Ellynn vit un groupe de personnes et décida de s'en rapprocher. Elle ne voulait pas attirer l'attention sur elle et marcha dans les pas d'un jeune couple. Ils semblaient tous les deux exténués et traînaient les pieds derrière les autres. La femme était maigre, emmitouflée dans une large cape appartenant à son mari, et conversait à voix basse avec son époux.

- ... je n'ai pas envie d'aller...
- ... verras, ils sont très gentils et vivent près du centre...

Ils se rendaient manifestement au cœur de la ville, ce qui lui facilitait grandement la tâche. Ellynn ne voulait pas être trop longtemps éloignée de Gladius et était ravie d'avoir enfin un peu de chance.
Ellynn n'avait jamais voyagé de sa vie et fut ravie de découvrir une nouvelle ville en dehors de Bruxellae. Orléans était plein de charme. Ses cottages n'étaient pas très grands mais étaient lumineux et donnaient envie aux passants de rester dans les rues et de s'y balader. Les gens saluaient et souriaient aux étrangers, comme s'ils vivaient dans une bulle débarrassée de tout problème. Le contraste avec Bruxellae était assez saisissant et lui faisait du bien. Cela faisait trop longtemps qu'elle n'avait pas côtoyé du monde et sentir cette atmosphère plus joyeuse la détendait un peu.
Le soleil était au zénith quand ils arrivèrent dans la rue commerçante. Elle était très large et permettait de se déplacer avec aisance, sans se bousculer les uns les autres. Les boutiques étaient alignées les unes derrière les autres et emmenaient les visiteurs vers l'église de la ville qui était juste majestueuse.
Trop absorbée par la grandeur du clergé, Ellynn ne vit pas le couple s'arrêter et elle les percuta de plein fouet. 

Ellynn Morgan et les Chasseurs Noirs (tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant