Un pays lointain

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Le lendemain matin, les jeunes élèves furent éveillées par la baronne de Tramenant, qui surveillait les jeunes demoiselles et leur enseignait le latin, ainsi que le grec. Les filles se levèrent, certaines plutôt rapidement, d'autres paressaient au lit, profitant le plus possible de leur matelas et couvertures. La baronne sortit et Catherine en profita pour courir vers le lit de Juliette et lui tirer ses couvertures et la sortir de son lit. Les cris se firent entendre, et Catherine se retrouva sous Juliette, qui la frappait avec son oreiller. Inès intervint et sépara les deux amies en leur ordonnant de s'habiller. Catherine et Juliette soupirèrent mais obéirent à leur chef de classe. Inès se tourna alors vers le lit de l'étrangère, s'attendant à la voir encore assoupie, mais il n'en était rien: la jeune fille était assise sur son lit, habillée, attendant les instructions. Elle tournait un petit objet entre ses mains, ses yeux allant de l'objet aux filles de temps à autre. Inès fut surprise de ce calme, mais ne dit rien. Cependant, il fallait qu'elle lui dise quelque chose pour ses vêtements... En effet, Malia avait revêtu ses merveilleux tissus de la veille. Les mille et une couleurs qui l'enveloppaient accentuait la couleur de sa peau, de ses cheveux et mettaient en valeur ses yeux. Inès secoua la tête et s'approcha d'elle.

"Malia," dit-elle, "Vous ne pouvez pas vous habillez ainsi. Nous avons toute la même robe, c'est l'uniforme de la maison."

Malia leva ses grands yeux velouté sur la jeune française, et la regarda sans comprendre: on lui enlevait ses vêtements? Elle fronça les sourcils. Inès se tourna vers Hortense qui s'avança, portant un tissus plié entre ses mains. Elle le déroula et apparut une robe de soie bleu roi, le col et les manches garnis de dentelle blanche. Malia fixa le vêtement avec curiosité et insatisfaction en faisant la moue.

"Il faut que vous mettiez cela," expliqua Hortense.

"Mais je n'ai pas besoin de cette robe," s'écria Malia, son accent faisant rire certaines. "Mes vêtements sont suffisants, et--

"Malia, je suis navrée, mais vous devez revêtir cet habit, c'est la règle." Interrompit Inès avec agacement.

Malia la fusilla du regard et arracha la robe des mains d'Hortense qui resta interdite face au geste de colère de la jolie étrangère: elle n'avait sûrement pas bon caractère... Inès et Hortense échangèrent un regard et haussèrent les épaules. Hortense se retourna vers les autres filles du dortoir, s'assurant que tout se passait bien et si elles avaient besoin d'aide. Malia répparut bientôt, la robe sur elle, mais pas tout à fait comme les jeunes filles s'attendaient... La robe avait été mise, mais à l'envers, le corset n'était pas fermé, la dentelle retournée, les rubans défaits, et ses cheveux dans tous les sens, et son beau visage contracté par l'exaspération. Inès s'approcha d'elle, un sourire qu'elle ne pouvait contenir étirant ses fines lèvres.

"Je vais vous aider, venez." Dit-elle gentiment en guidant Malia vers la coiffeuse.

Malia grogna, mais se laissa faire. Inès l'aida à lacer le corset, à fermer sa robe, et enfin, elle lui brossa ses longs et épais cheveux, puis, avec agilité, elle les tressait, les tordait, les relevait, et enfin elle eut fini. Elle recula pour admirer son chef d'œuvre et fut satisfaite. Malia se regarda dans le miroir étonnée de l'effet que cette étrange coiffure faisait sur elle, puis se tourna vers Inès, un sourcil levé. Malia était ravissante, d'une élégance sans nom: ses cheveux donnaient beaucoup de volume, lui laissant son air exotique, bien que son accoutrement la rende quelque peu française. Malia finit par sourire à Inès en lui lançant un 'merci'. Enfin la baronne revint en tapant dans ses mains afin de rassembler les demoiselles pour commencer les leçons. Les jeunes filles descendirent le grand escalier de marbre, éclairé par quelques chandeliers muraux, pour arriver dans une grande salle couverte de parquet, de longues tables en bois sur lesquelles étaient posés des bougies et des fleurs. Chacune prit sa place, et Malia, allait s'assoir à côté d'Inès lorsqu'une grande tige s'avança et mit la main sur son bras pour l'empêcher de prendre place à côté d'Inès. Malia la regarda surprise, et ne put faire un seul mouvement, car, rapidement, la grande demoiselle l'avait remplacée. Malia fronça les sourcils et se rua sur la voleuse, qu'elle attrapa par les épaules et la plaqua au sol. Un bras contre la gorge de la française, l'autre maintenant le bras de son ennemie contre le parquet, elle approcha son visage du sien.

"Je te conseille de ne pas jouer les grandes dames avec moi," dit-elle entre ses dents.

"Marie! Que faites-vous? Avez-vous perdu la tête?! Ce ne sont pas des manières!" S'écria Madame de Maintenon en s'approchant des deux adversaires. "Relevez-vous! Adélaïde, que s'est-il passé?"

Adélaïde se releva et passa sa main sur sa robe afin d'en effacer les plis et releva la tête dignement.

"Je ne sais pas, Madame," dit-elle d'un air innocent. "Elle s'est soudainement jetée sur moi sans raison... Mais, ce n'est pas grave, Madame, c'est une sauvage, elle ne connaît pas les bonnes manières de la société française," ajouta-t-elle en lançant un regard mauvais avec un petit sourire.

Malia serra les dents et les poings, en lui lançant un regard tueur. Adélaïde n'en sourit que plus largement.

"Nous lui apprendrons ces manières. Malia, évitez de vous battre ainsi. Et Adélaïde, ne pensez pas une seconde que votre histoire m'a convaincue," continua-t-elle sèchement. "Vous y êtes pour quelque chose dans cette histoire. Cessez donc vos manière et allez vous assoir plus loin."

Adélaïde prit un air blessé mais n'osa pas répliquer, et alla prendre place à la table d'en face. Malia la regarda partir, satisfaite, et se tint à côté d'Inès qui lui sourit. Le déjeuner commença, et la journée avec. Les lessons étaient quelque chose de nouveau pour Malia qui tâcha de se concentrer, mais ses yeux se perdaient souvent mélancoliquement dans le vide, et il fallait toute la patience du professeur pour la ramener à la réalité. Les lessons de langues, de broderie, de musique, les heures de lecture, et enfin l'apprentissage de l'étiquette et des bonnes manières, tout y passa. Malia était exténuée lorsque la fin de la journée fut arrivée. Durant le jour, elle avait pu faire plus ample connaissance avec Inès et Hortense qui lui avaient fait visiter le château, l'avaient instruite sur les règles de la maison, et lui avaient raconter les quelques histoires importantes à savoir sur les élèves qui étaient présentes. Et cela, durant chaque pause, qu'elles passèrent dans les jardins. Enfin, Hortense osa poser la question qui lui brûlait les lèvres.

"Malia, d'où venez-vous exactement?"

La jeune étrangère se tourna vers elle avec un triste sourire.

"Je viens d'un pays où l'on voit la mer et le ciel se toucher, où les arbres sont courbés, où les animaux courent, libres; l'air a une odeur fruité, le vent sent le sel de la mer, que l'on voit à l'infini, le soleil chauffe le sable fin, et dore la peau des hommes qui travaillent la terre... un pays où l'on n'entend que le rire, où l'on danse sous les étoiles, où l'on chante auprès du feu... Parfois, les hommes partent sur des barques, pour pêcher le poisson, les femmes vont cueillir les fruits et surveiller les plantations... le calme règne, la paix est maîtresse, et les ancêtres guident nos pas chaque jour..."

Malia avait parlé lentement, d'une voix si douce, et son accent était si enivrant que les deux filles avaient été captivées et en étaient resté bouche bé, et le temps d'un instant elles étaient parties dans ce pays magique, exotique, qui semblait si calme et apaisant. Malia sourit et baissa les yeux.

"Mon pays me manque," soupira-t-elle.

"Malia, pourquoi êtes-vous venue ici?" Questionna Hortense, curieuse.

Malia la regarda étrangement, mais ne put répondre, car déjà Madame de Maintenon les appelait pour le souper. Malia partit en avant, et Inès et Hortense échangèrent un regard, bien décidées à en savoir davantage!

Princesse et AssassinWhere stories live. Discover now