L'attente

661 58 3
                                    


Le lendemain matin, Malia s'était levée tôt et avait eu le temps d'écrire une lettre en réponse à celle de Louis-Joseph. Ce dernier avait fait preuve de réelle tendresse et de profonde amitié et grande affection envers la jeune fille qui se sentait heureuse, plus qu'elle ne l'avait jamais été depuis le départ de Baudouin.

En descendant les escaliers pour remettre sa lettre à un courrier, Malia se rappela de la nouvelle de son frère, et l'idée d'en aller prévenir sa belle-mère traversa son esprit. Elle trouva le courrier, lui tendit la lettre en l'informant du destinataire, et remonta les escaliers pour se diriger vers les appartements d'Hélène. Cette dernière répondit d'une faible voix lorsque Malia frappa à sa porte.

"Hélène," dit Malia doucement, "je voulais vous dire que j'ai reçu une lettre de Baudouin hier..."

Hélène tourna vivement la tête vers sa belle-fille, ses yeux rouges et fatigués à force d'avoir pleuré, s'illuminant soudainement d'une lueur d'espoir. Malia esquissa un léger sourire et continua.

"Il m'a dit qu'il revenait dans une semaine."

Hélène porta la main à sa bouche et en étouffa un cri de joie. Elle se leva, lentement, s'approcha de Malia et la serra dans ses bras, en pleurant. La jeune fille, bien qu'elle aimât sa belle-mère, trouva ce soudain élan peu agréable. Lorsqu'Hélène lâcha enfin sa belle-fille, un sourire avait apparu sur ses lèvres pâles. Malia lui rendit son sourire et se retira rapidement pour rejoindre son père et Philippe dans la grande salle à manger afin de déjeuner.

"Malia," appela le duc. "J'ai vu le messager partir ce matin..." un sourire au coin de ses lèvres, il continuait d'étaler le beurre sur son pain. "Était-ce un message pour l'une de tes amies?"

Philippe lança un regard malicieux vers sa sœur qui rougit, puis se reprit et levant la tête, afficha un immense sourire.

"Non, père," répondit-il. "Un message pour un soldat. Savez-vous que Baudouin revient dans une semaine?"

Le duc leva la tête et sourit.

"Je ne doutais pas un instant qu'il reviendrait," dit-il. "Nous organiserons une immense fête en son honneur lors de son retour! J'enverrai des invitations aujourd'hui. Dis-moi qui tu aimerais voir à cette célébration...," ajouta son père avec le même sourire narquois.

Malia leva les yeux au ciel mais ne put s'empêcher de sourire. A la surprise générale, Hélène apparut dans la salle à manger, habillée, coiffée, un sourire sur ses lèvres. Elle alla embrasser Philippe puis prit place auprès de son époux qui ne pouvait détacher son regard de sa femme, tant son étonnement était grand. Malia se pencha vers son père.

"Je lui ai annoncé la nouvelle," chuchota la jeune fille.

Le duc hocha la tête en souriant et se redressa. Le reste du déjeuner se déroula calmement et dans la joie, et l'atmosphère était plus détendue à la grande satisfaction de Malia. Attendre son frère et ses frères d'arme s'annonçait moins pénible qu'elle ne le pensait. La journée passa, tranquille, interrompue par le messager remettant des lettres à Malia de la part de Louis-Joseph, et portant des messages à ce-dernier de Malia. Et il en fut ainsi toute la semaine.

Deux jours plus tard, le jeune homme se présentait aux portes du château, à l'immense joie de Malia qui put le présenter à sa famille. Le duc, à son habitude, se montra avenant mais aussi taquin. Malia se sentit d'abord mal, mais lorsqu'elle vit Louis-Joseph répondre sur le même ton, restant tout de même respectueux envers le duc, frère du roi. Hélène était charmante à son habitude, et Malia fut ravie de voir à quel point Louis-Joseph était attentionné, et bon joueur. Il passa même du temps avec Philippe et la petite Bertille. Malia ne s'était jamais sentie aussi heureuse auprès de ce jeune homme. Sa présence la détendait, la rendait joyeuse, la rassurait. Lorsqu'elle était auprès de lui, il semblait que le monde pouvait s'écrouler autour d'elle, peu importait tant qu'il était là.

Durant toute la journée où Louis-Joseph était là, il semblait que le temps s'était arrêté, et Malia ne désirait rien d'autre que de rester aux côtés du jeune homme. Les instants qu'elle passait avec lui étaient si précieux, et elle les chérissait plus que tout. Plus elle apprenait à le connaître, plus elle tombait éperdument amoureuse de lui.

Lorsque le soir tomba et que le temps des séparations arriva, Malia retourna heureuse dans ses appartements. Assise devant sa coiffeuse, brossant ses longs cheveux elle se mit à réfléchir. Les moments de la journée passèrent devant ses yeux, laissant un sourire rêveur sur les lèvres de la jeune fille. Mais elle sentit un pincement dans son cœur... car elle savait que cet amour qu'elle éprouvait avait des chances de l'éloigner de son but, et elle savait qu'elle devait se l'interdire. Mais elle savait aussi qu'au point où elle en était, il n'y avait pas de retour possible...

La semaine s'écoula, lente mais dans une atmosphère détendue. A la fin de cette semaine, Malia tentait de tenir en place, mais cela s'avéra bien difficile! Hélène donnait des ordres pour décorer le château, pendant que le duc envoyait les invitations pour célébrer le retour de son fils héritier. Cependant, il n'y avait toujours pas signe de retour des trois cavaliers, et tout le monde commençait à s'impatienter. Pour oublier cette émotion désagréable, Malia passait son temps dehors à tirer avec son arc et ses flèches, à lancer des dagues au milieu de cibles, et à se battre avec son epée, contre un des gardes de son père. Elle avait progressé, et pouvait être fière d'elle. Son père cependant, s'inquiétait des motifs qui poussaient sa fille à vouloir s'entraîner de la sorte, mais n'osa lui en toucher mot tant que son fils n'était pas rentré. Lorsqu'elle ne pratiquait pas l'art de manier les armes, Malia lisait, écrivait à Louis-Joseph, ou se promenait dans les jardins du château, parfois à cheval, parfois simplement à pieds, seule ou accompagnée de Philippe.

L'attente était longue et difficile, et plus le temps passait, plus la jeune fille s'inquiétait du sort de son frère et de ses compagnons. Elle tentait de contrôler sa folle imagination, mais il lui était cependant difficile de ne pas penser à tout ce qui pouvait leur arriver... peut-être étaient-ils blessés? Morts? Prisonniers? Toutes ces possibilités angoissaient Malia de plus en plus, et elle se prenait plusieurs fois le soir à pleurer dans son lit avant de s'endormir, épuisée par les larmes. Elle ne voulait que personne ne connaisse son désarrois. Personne ne devait la voir pleurer, il en était hors de question. Elle devait être forte, elle ne devait pas laisser place à l'émotion et aux sentiments, bien que cela paraisse souvent impossible.

Un matin, alors que Malia s'était résignée à ne plus revoir son frère, elle était allée se promener dans le jardin lorsqu'elle entendit des cris, et des bruits de galop. Lorsqu'elle tourna la tête, elle vit que l'on ouvrait les grandes grilles du château. Son cœur se mit à battre plus vite, et elle sentit son ventre se nouer. Pourtant, elle se retint de courir vers les nouveaux arrivants, mais marcha simplement à leur rencontre. Dans la poussière et la lumière éblouissante du soleil levant, Malia vit apparaître trois cavaliers. Plissant les yeux, elle put distinguer les traits de chaque visage: le marquis, le sourire aux lèvres, l'air triomphant malgré la fatigue qui se peignait sur ses traits, et son frère. Le soulagement et la joie qu'elle ressentit à ce moment furent si grands qu'elle crut qu'elle allait en défaillir. Ses yeux se portèrent ensuite sur le troisième cavalier. Le comte, son ennemi juré, qu'elle ne pouvait s'empêcher d'admirer malgré tout. Mais elle sursaute légèrement lorsqu'elle se rendit compte que quelque chose n'allait pas... le comte semblait ne plus avoir le contrôle de son cheval... il semblait même ne plus être de ce monde tant sa pâleur était grande. Le comte se mourrait.

Princesse et AssassinWhere stories live. Discover now