Le bal

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"Monsieur le Duc de Nantes!" S'étonna Malia.

"Mademoiselle," répliqua le Duc en s'inclinant et en lui embrassant la main, "je suis ravi de voir que vous avez pu venir."

Malia était embarrassée. Elle se tourna vers Inès et Hortense qui affichaient un immense sourire. Malia les fusilla du regard, ce qui n'eut pour effet que d'accentuer leur sourire. La marquise de Montespan vint à la rescousse de la jeune fille.

"Je propose que nous y allions, venez mes enfants." Dit-elle avec gaieté.

Les demoiselles la suivirent, Malia au bras du duc, qui était fier d'accompagner une si jolie jeune fille. Le petit groupe gravit les grandes marches de marbre, et arrivèrent devant les immenses portes dorées du château, gardées par deux gardes, dans leur uniforme flamboyant de mousquetaire. La salle de bal, immense, brillant de mille feux, illuminée de centaines de lumières, de chandeliers de cristal descendant du plafond où avaient été peints une myriade d'anges dans un ciel étoilé, était impressionante. Les nombreux nobles déjà présents avaient revêtu leurs plus beaux atours, et les couleurs chatoyantes de leurs merveilleux costumes donnait à la pièce un aspect plus magique encore.

"Madame la marquise de Montespan!" Annonça un garde haut et fort, faisant taire l'assistance.

Tous les regards se tournèrent vers la marquise qui s'inclina légèrement. A ce moment, des murmures se mirent à parcourir l'assemblée, il y eut un léger mouvement et une clameur.

"Le Roi!" Disait-on.

La foule se fendit en deux et apparut un homme de haute taille, richement habillé, d'or et de bleu: une sorte de pantalon de soie blanche s'arrêtant juste en-dessous des genoux, serrés par un ruban doré, des bas de la même couleur, des souliers bleu foncé ornés d'un nœud d'or; une veste bleu-roi, brodée d'or, une chemise de soie blanche, ornée de dentelle de la même couleur, une ceinture de la même matière, dorée elle aussi, il avait à la main un bâton de bois vernis, sur lequel avait été posée une boule d'or. Ses cheveux de jais, bouclés, descendaient sur ses épaules; son visage aux traits fins, avait un air à la fois sévère et doux. Son regard avait quelque chose de royal, une magnanimité à l'intérieur, et ses lèvres formaient un léger sourire. Le Roi était là. Sa Majesté, le Roi Louis XIV! Malia ne le quittait pas des yeux, et pour la première fois depuis qu'elle était en France, elle admirait. Le Roi de France, mais son roi à elle aussi, parce que son pays était une colonie. Elle avait vu et rencontré des officiers royaux, des chevaliers, des hommes d'honneur, des nobles, mais personne ne pouvait jamais rivaliser avec la magnificence de ce roi, avec sa grandeur et sa noblesse. Le noble être se dirigeait vers les demoiselles de Madame de Maintenon. Malia, aussi étrange que cela puisse être, ne paniquait pas. Au contraire, elle n'attendait qu'une chose, saluer son roi. Louis XIV, le Roi-Soleil, était devant elles. Il se saisit de la main de la marquise de Montespan, et s'inclina en l'embrassant. La marquise se prosterna en une belle révérence et les trois jeunes filles l'imitèrent. Le Roi les releva et offrant son bras à la marquise, il dirigea ses pas vers le centre de l'immense salle. Les musiciens entamèrent une valse, et l'on se mit à danser.

Malia, Inès et Hortense avaient la bouche entre'ouverte, les yeux écarquillés et toujours rivés sur le monarque, ayant du mal à se réaliser de ce qu'il venait de se passer.

"Pourriez-vous me faire l'honneur de m'accorder cette danse?" Demanda le Duc de Nantes à Malia en lui offrant sa main.

Tirée de ses pensées, la jeune fille ne réfléchit pas et prit la main du galant qui l'emmena et la guida dans une valse effrénée. La robe aux tissus légers et princiers de Malia volait et lui donnait un aspect féérique. La lumière jouait avec les petits diamants incrustés dans les fins tissus de gaze, et faisait scintiller le magnifique costume. Son pied semblait frôler le sol sans le toucher, ses gestes étaient grâcieux et précis à la fois, et elle se laissait emporter par la musique enivrante. Le duc était envoûté par son charme et sa beauté; il en était ravi. Mais à sa plus grande déception, il ne put profiter de sa compagnie autant qu'il l'aurait voulu: Malia avait été remarquée, et les nobles jeunes hommes de la cour se précipitaient pour obtenir d'elle une danse, un sourire, une parole. Elle était entourée par de nombreux courtisans, et n'eut pas un seul moment de répis. Elle réussit toutefois à rejoindre ses deux amies au cour du bal. Ces deux dernières étaient entrain de rire, une coupe à la main, quelques beaux jeunes hommes auprès d'elles. Malia était sur le point de les interrompre lorsqu'un homme d'un certain âge déjà, s'approcha d'elle.

"Mademoiselle, veuillez me suivre s'il vous plaît." Dit-il.

Malia eut un instant d'hésitation, mais se résigna à suivre l'officier. Ils se frayèrent un chemin à travers le foule, passèrent quelques tables sur lesquelles avait été posé mille et une friandise, des petits plats, et Malia reconnut des fruits exotiques qui venaient de son pays, et entre autre, des noix de coco. Il fallait qu'elle y amène ses deux amies! L'officier s'arrêta devant un petit groupe de courtisanes et frappa son bâton deux fois sur le sol. Les femmes se turent et se tournèrent vers le vieillard et Malia, qu'elles contemplèrent avec curiosité, et non sans une certaine admiration. A ce moment, Malia remarqua la présence d'un homme, et ce fut avec surprise qu'elle se rendit compte que cet homme n'était autre que le roi lui-même. Son admiration pour le monarque prit le dessus sur toutes ses bonnes manières, et elle en oublia la révérence règlementaire. Au plus grand étonnement de ces dames, le grand Roi-Soleil ne lui en tint pas rigueur. Au contraire, il s'approcha de la jeune étrangère et lui sourit, d'un sourire magnifique et que seul les êtres royaux savaient esquisser.

"Malia," dit-il doucement. "Je ne rêve pas, c'est bien vous?"

Malia sentit sa bouche s'assécher, et les mots restaient bloqués dans sa gorge. Elle finit par hocher la tête. Le Roi lui tendit la main en lui faisant signe de le suivre. Malia prit la main du monarque et se laissa entraîner. Au centre de la salle qui s'était tue, Louis guida Malia dans une valse lente et légère. Ils n'étaient que deux, les courtisans avaient cessé leurs activités, et les chuchotements avaient commencé. Un flot de murmures parcourut l'assemblée admirative et suspecte à la fois. Inès et Hortense manquèrent de lâcher leur coupe à la vue du spectacle qui s'offrait à leurs yeux, par ailleurs écarquillés de surprise. Lorsque la musique s'arrêta, Malia regarda son roi dans les yeux, un sourire au lèvres, bien que ses yeux soient plein de questions et que ses sourcils soient légèrement froncés. Le monarque s'inclina et lui embrassa la main, avant de s'éloigner vers le groupe de courtisanes qu'il avait abandonné. La musique continua sur une danse plus rapide, et certains se remirent à danser. Mais Inès et Hortense refusèrent la main que leur offraient des officiers afin d'en savoir plus sur ce qu'il venait de se passer entre Malia et le Roi.

"Malia!" S'écria Inès lorsqu'elle fut arrivée à sa hauteur. "Qu'est-ce que cela signifiait? Comment avez-vous pu attirer l'attention du Roi ainsi?"

Une main aggripa soudain celle de la jeune étrangère et l'entraîna vers le centre de la pièce dans une danse endiablée. Inès et Hortense en restèrent bouche bée, et quelque peu agacées. Les deux officiers rejetés quelques instants plus tard allèrent insister auprès d'elles pour une danse, et elles ne purent qu'accepter.

"Monsieur!" Dit Malia entre ses dents. "Que voulez-vous? Comment osez-vous faire ce que vous venez de faire!

"Je vous ai sauvée d'un interrogatoire qui s'avérait devenir pénible, vous devriez m'en être reconnaissante!" Répondit le jeune homme avec un sourire.

"Qui êtes-vous?" Demanda Malia en fronçant les sourcils.

"Le marquis d'Aubagne, à votre service! Je suis un ami de Monsieur le Duc de Nantes. Il m'a beaucoup parlé de vous."

Malia rougit légèrement. Elle leva ses grands yeux aux reflets argentés vers le jeune homme qui lui sourit.

"Et bien, Monsieur, je suppose que je vous dois un remerciement en effet. Je vous remercie, vous m'avez en effet sauvée." Rit la jeune fille.

Ils continuèrent à danser et à parler, à rire et à goûter aux merveilles exposées sur les tables. Malia fit découvrir les fruits exotiques de son pays au jeune homme qui les aima instantanément. Au milieu de la soirée, un homme de haute taille, certainement un officier, s'approcha et les interrompit.

"Charles, il est l'heure," dit-il sèchement.

Le marquis d'Aubagne leva la tête vers lui, lui sourit et s'excusa auprès de Malia avant de suivre le jeune homme. Le Duc de Nantes retrouva Malia et se tint près d'elle, regardant les deux courtisans s'éloigner.

"Qui était cet homme?" Demanda Malia.

"Je ne sais pas," répondit le Duc. "Il est très rarement présent, toujours très discret et renfermé..."

Malia ouvrit la bouche, ses lèvres formant un "ah!", mais qui resta silencieux. Ses yeux regardaient le mystérieux jeune homme s'éloigner.

Princesse et AssassinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant