Retour au château paternel

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"Monsieur d'Anjou!" S'écria Madame de Montespan. "Monsieur!" Répéta-t-elle en faisant une révérence. "Marie! Voulez-vous bien vous tenir et ne point importuner Monsieur! Et descendez-moi cette robe comme il convient! Vous êtes d'une indécence--

"Madame la Marquise!" Interrompit Monsieur le frère du Roi avec un léger sourire, "gardez votre sang-froid! Je sais à qui j'ai à faire, Madame, croyez-moi," ajouta-t-il en riant et en serrant Malia contre lui. "J'ai ordonné de sonner l'alarme. Ces demoiselles seront prises en charges très rapidement, et ramenées dans leurs familles respectives." Reprit-il avec sérieux. "Quant à moi, je suis navré mais je dois vous quitter, et j'emporte mon enfant avec moi, cette fois-ci!"

"Je t'avais dit que j'avais quelque chose d'important à te dire," chuchota Hortense à Inès.

"Le duc d'Anjou est son père?? Et vous le saviez?" S'exclama Inès.

"Pas exactement," répondit Hortense. "Je l'avais deviné.

"En savez-vous davantage?

"J'ai peut-être une information, mais je ne sais si cela nous sera utile...

"Tout peut nous être utile."

Monsieur le Duc d'Anjou recouvrit les épaules de sa filles avec sa longue cape noire et l'aida à monter son cheval qu'il monta lui même à sa suite. Saluant la marquise de Montespan d'un signe de tête, il éperonna sa monture et s'en fut au galop.

**********

Une semaine s'écoula. Malia était heureuse dans le château de son père. Elle passait le plus clair de son temps dans les jardins, et avait demandé à son père de pouvoir suivre un entraînement spécial afin de savoir se battre comme un homme. Son père avait ri, mais avait pris sa requête très au sérieux, et avait enrôlé un de ses meilleurs soldats afin de donner des cours à sa fille. Malia y prenait beaucoup de plaisir et progressait rapidement. Elle apprenait l'art de manier une épée, un poignard et un pistolet. Le tir à l'arc était une détente, et elle ne manquait jamais sa cible. Ah! Cet art de manier les armes lui avait tant manqué! Quel bonheur de ne plus avoir à suivre des règles constamment et faire attention à ses manières!

Debout, droite, une main derrière le dos, l'autre allongé, parfaitement horizontal, tenant un pistolet, un œil fermé, Malia visa la cible posée par son professeur, et tira une seconde fois.

"Vous faites d'excellent progrès, Mademoiselle!" S'exclama le Baron de Neverre. "Essayez plus loin encore." Ajouta-t-il en éloignant la cible de quelques mètres.

Malia sourit, regarda la cible, pointa son arme dans sa direction, se concentra et tira. De nouveau, elle ne manqua pas la cible. Le baron était ravi, et la félicita de nouveau, puis recula la cible. Malia reprit sa position.

"Mademoiselle! Mademoiselle!" Cria une domestique en courant dans leur direction.

Malia se retourna vers elle.

"Votre père vous demande, Mademoiselle," dit la domestique en faisant une révérence.

"Merci, Pauline. J'y vais de ce pas." Répondit Malia en souriant. "Baron, vous joindrez-vous à nous pour le souper?

"Avec plaisir, Mademoiselle," répondit le baron en souriant.

"Bien! Je vous verrai tout à l'heure! Merci, comte!"

Malia releva ses jupes et courut vers le château paternel. Un garde lui ouvrit, et Malia allait se précipiter dans le grand salon, lorsqu'elle se souvint des leçons de son tuteur et de Madame de Maintenon. Elle passa sa main sur sa robe afin d'en effacer les plis, mit rapidement les quelques mèches rebelles derrières ses oreilles, et se fit annoncer. Elle fut surprise de voir que son père n'était pas seul, mais son étonnement ne tarda pas à s'envoler lorsqu'elle reconnut les visiteurs.

"Malia," commença son père, "tu te souviens de mon épouse, Hélène.

"Bien sûr! Comment pourrais-je oublier!" S'exclama la jeune fille avec un grand sourire. "Et Bertille et Philippe sont là aussi!" Ajouta-t-elle avec enthousiasme. "Mais Baudouin, n'est-il pas revenu?

"Point encore," répondit son père. "Nous attendons son retour avec impatience.

"Malia, mon enfant!" Interrompit Hélène en se levant et en tendant les bras vers Malia.

La jeune fille rendit l'étreinte, et laissa Hélène l'embrasser.

"Vous n'avez point changé depuis la dernière fois que je vous au vue! Seulement en beauté je dirai," sourit-elle.

Les deux femmes allèrent s'assoir.

"Bertille, venez donc dire bonjour."

La petite fille, intimidée, s'approcha de Malia et la regarda sans vraiment comprendre. L'enfant avait alors cinq ans, et était peu habituée à voir tant de personnes dans une pièce. Cependant, elle ignora sa peur et s'avança courageusement vers l'intimidante étrangère et embrassa sa joue. A son grand étonnement, Malia se saisit d'elle et la plaça sur ses genoux. Bertille n'osait pas bouger, mais elle finit par prendre confiance, et elle se mit à parler. Philippe, de dix ans son aîné, n'était guère étranger à cette jeune fille, et il alla l'embrasser à son tour.

"Philippe, je suis si heureuse de vous revoir!" Lui dit Malia avec un grand sourire. Puis en baissant la voix: "Quand viendrez-vous vous battre avec moi?

"Je suis de même très heureux, Malia," répondit Philippe d'un air cérémonieux, feignant le sérieux. Ses yeux le trahissaient avec une lueur espiègle au fond. "Libérons-nous et allons dans les jardins!" Chuchota-t-il dans son oreille.

Un sourire, un léger signe de tête, les deux filous se comprenaient.

"Père," dit Malia soudainement, au bout de quelques minutes, "puis-je être excusée?

"Bien sûr, mon enfant," Le Duc d'Anjou sourit.

"Mère?" Demanda Philippe en soutenant le doux regard de sa mère.

Cette-dernière hocha la tête.

"En passant, faites appeler Thérèse, qu'elle s'occupe de Bertille, je voudrai parler à votre père," ajouta Hélène.

Malia et Philippe s'éclipsèrent, et après avoir prévenu Thérèse que Madame la demandait, ils s'en furent à toutes jambes dans les jardins du château. Le soleil brillait encore, et chauffait les pelouses et les parterres dont les jardiniers prenaient soin. Malia et Philippe couraient, et ils ne s'arrêtèrent que lorsqu'ils furent hors d'haleine. Ils riaient et Malia serra Philippe dans ses bras.

"Pourquoi ne m'as-tu pas écrit?" Dit-elle sur un ton de reproche atténué d'un sourire.

"Mère nous avait emmenés à Versailles pendant un long temps, afin que fasse mon entrée chez les mousquetaires du Roi. Je n'ai point eu tant de temps que cela...

"Il va falloir que tu me racontes tout cela!"

Assis sur un banc, laissant le soleil chauffer leurs corps fatigués, Philippe et Malia parlaient et riaient. Pauline les interrompit pour leur indiquer que le souper était servi.

"Nous aurons encore du temps demain, petit frère," sourit Malia.

"J'y compte bien!"

Malia prit le bras de son frère, et l'entraîna gaiement vers le château.

Princesse et AssassinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant