Départ pour la guerre

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Le lendemain matin, le comte se leva, enfila une tunique de lin blanc, un pantalon de coton brun, attacha une ceinture de cuir marron, enfila ses chaussures, et sortit. Le vent du matin était froid, et le fit d'abord frissonner. Se dirigeant vers les écuries, il scella son cheval, monta et s'en fut au galop, vers la forêt. Il chevaucha pendant plus d'une demi-heure, et soudain, s'arrêtant, il descendit, attacha sa monture et se mit à courir, en une foulée courte et rapide. Une heure s'écoula, la sueur perlait sur son front et ses tempes, et enfin il revint vers son cheval. L'enfourchant une seconde fois, il retourna vers le château où l'attendait un serviteur muni d'une épée, d'un pistolet, et à son bras gauche un linge blanc. Le Comte descendit de sa monture, tendit les rennes à un écuyer, et se dirigea vers la serviteur à grandes enjambées. Le serviteur le salua d'un signe de tête et lui remit les armes; tous deux allèrent ensuite sur la pelouse où se tenait un homme entre deux âges, tenant une épée dans sa main droite. Le comte et l'homme se saluèrent d'une accolade fraternelle et virile, et se mirent en position. L'homme fut le premier à attaquer. Les deux soldats commencèrent alors un combat sans merci. Le Comte bondissait avec une légèreté et une dextérité peu commune, se baissant, se jetant sur le côté, se déplaçant d'une rapidité digne d'un elfe, assénant les coups tel un guerrier redoutable, les évitant avec une facilité déroutante. Au bout d'un certain temps, essoufflé, sa tunique collant à sa peau, dessinant les muscles de son dos, et de ses bras, le jeune homme s'arrêta, et se saisit du linge blanc que le serviteur tenait toujours, pour s'en essuyer son visage trempé de sueur, et écarter ses cheveux bruns de son beau visage. Le soleil commençait à se faire voir, et éclairait d'une lumière dorée l'herbe verte, faisant scintiller les gouttes de rosée, telles des diamants dans un océan de verdure. Les yeux bleu-nuit du Comte embrassèrent le parc du château, et le jeune homme en admira la beauté matinale; le serviteur lui tendit un gobelet d'eau fraîche que le Comte accepta avec plaisir et but lentement. L'homme qui s'était battu avec le Comte se pencha vers lui, et lui murmura quelques mots. Un bref signe de tête, une poignée de main échangée, et chacun alla de son côté. Lorsqu'il atteignit le château, le jeune homme fut surpris d'y voir Malia, un chapeau de paille sur la tête, une pomme dans la main, habillée de manière très simple : une robe de coton blanc aux manches longues et larges, serrant ses poignés, un corset noir lacés sur le devant. La jeune fille le fixa un instant, puis lui adressa un léger sourire, auquel le Comte répondit par un bref hochement de tête. Pas un mot. Le Comte ne s'attarda pas plus longtemps auprès de Malia, et entra dans l'immense demeure princière.

Malia le regarda s'éloigner, son visage impassible; elle ne détestait pas le Comte, mais elle ne le portait pas dans son cœur non plus. Lorsqu'elle tourna la tête, elle fut heureuse d'apercevoir le Marquis en compagnie de son frère, tous les deux dans une discussion qui paraissait importante. Elle s'approchait, et ce fut à ce moment qu'elle se rendit compte avec peine qu'ils parlaient de la guerre que le roi menait en ce moment, et qu'ils allaient bientôt rejoindre. Malia n'avait qu'un désir, fuir. Elle refusait d'accepter cette trop grande douleur, celle de voir partir son frère vers une mort certaine, ce frère qu'elle n'avait pas vu depuis si longtemps, et dont elle ne pouvait profiter. Elle détestait la guerre, elle détestait le fait que les hommes puissent se haïr à tel point qu'il dussent se battre jusqu'à la mort. La paix était si douce, si agréable... Dans son pays, la guerre n'existait pas ; du moins jusqu'il y a quelque temps. En effet, les colonies françaises avaient rompu la paix qui régnait depuis des siècles sur cette petite île qu'était son royaume, en y semant le trouble et l'incertitude, en y amenant des armes, en y corrompant les plus sages... Malia savait que sa vision des choses n'était pas tout à fait juste, et même parfois exagérée, parce qu'elle devait reconnaître que ces Français avaient partagé des connaissances que les habitants de son île ignoraient jusqu'à présent, connaissances qui s'étaient avérées plutôt utiles. Mais elle ne devait pas oublier la raison pour laquelle elle avait été envoyée en France, sa mission était importante, elle le savait; elle même avait choisi de partir, en toute connaissance de cause, malgré une immense souffrance à l'idée de quitter son pays chéri pour aller dans un pays lointain, inconnu, où tout était différent. Malia secoua la tête: elle n'était pas une lâche, loin de là. Le courage, la hardiesse, étaient des qualités qu'elle cherchait à transformer en vertu chez elle. Je n'aurai pas peur. Cette pensée l'aidait à garder la tête haute en toutes circonstances, même les plus effrayantes et personne ne devait la voir pleurer; pleurer était un signe de faiblesse, selon elle, et la force était son alliée. Elle ferma les yeux un instant, pris une grande inspiration, ouvrit les yeux à nouveau et s'avança vers les deux compagnons, qui l'accueillirent avec un immense sourire.

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