21 - Le cinquième jour

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Je clopine plus que je ne cours, le Warg trottinant à mes côtés.
Les Uruk tirent avec des sortes d'arbalètes géantes qui projettent d'immenses grappins directement sur nos remparts. Ils s'accrochent aux créneaux et les monstres n'ont plus qu'à hisser de grandes échelles. L'air est déchiré par le claquement qu'elles font en se figeant dans la pierre.
Le bastion sera bientôt pris.
Je dérape en arrivant sur les remparts, attrape un arc et me joint à Legolas pour sectionner les cordes : il fait faire tomber ces échelles !

– Je suis content de vous voir, me lance l'Elfe. Et vivante.

– J'en suis aussi ravie que vous. Quelle est notre situation ?

– Pas terrible, je le crains. La muraille a une faille et nous sommes en train de perdre les remparts.

Finalement j'étais pas si mal sur mon chemin de ronde désert...

– La porte est perdu !

Le cri explose dans la cohue des combats. Il est reprit en écho et je ne peux m'empêcher de frissonner. C'est de pire en pire.
Je peste mais soudain j'aperçois Aragorn et Gimli dehors dégageant le devant des portes.

– Qu'est-ce qui font là ? M'écriai-je surprise.

– On doit les faire remonter ! Répond Legolas. Aragorn !

Il lance une corde que le rôdeur empoigne aussitôt. Gimli s'accroche à lui et les Hommes commencent à les hisser sur le bastion. Les échelles continuent à s'accrocher et les Uruk arrivent en vagues, toujours plus nombreux. Je couvre comme je peux ceux qui tirent, on doit faire vite. La panique m'enserre mais je tiens bon, je dois me battre.
Le Warg attrape à son tour le bout de la corde et se met à tirer. Il sent aussi l'urgence. Sa force aide les Hommes et Aragorn et Gimli ne tardent pas à apparaître au créneau.

– Isil ! S'écrit le Nain en accourant. Vous allez bien ?

– On va dire que oui... Aragorn, à quel moment on considère que la situation a mal tournée ?

Le rôdeur me dévisage avant de jeter un regard autour de lui.

– On va dire maintenant...

– Qu'est-ce qu'on fait ?

Ma question est idiote mais j'ai besoin de savoir. Il me faut la suite des événements.

– Repliez-vous ! Repliez-vous !

Les cris envahissent les remparts propageant l'annonce de notre défaite. Soudain, comme pour nous achever, les portes cèdent. Le bois vole en éclat et les Uruk pénètrent en masse. Ils sont partout et nous complètement bloqués.
Les cris s'enchaînent en un tel brouhaha que j'ai du mal à comprendre.
Figée dans l'horreur, je regarde les Uruk envahir les rues et monter jusqu'à la cour du bastion. Les Hommes se replient, fuient vers l'intérieur des salles.
Aragorn m'agrippe le bras, faisant gronder le Warg, et m'entraîne à leur suite. On court comme des lapins en fuite et on se réfugie dans la dernière salle. Les portes claquent juste derrière nous et je prends conscience que je pleure.
Avons-nous perdus ?
Je regarde les Hommes présents, nous ne sommes plus guère nombreux. Les Uruk nous submergent largement et nous sommes acculés. Nous sommes encore en vie mais pour combien de temps ?
Bien peu, je le crains...



Dehors les Uruk brandissent l'étendard d'Isengard, la main blanche de Saroumane. Ils ont pris le haut du bastion de Fort-le-Cor et tentent d'enfoncer la porte de la dernière salle. Les Hommes mettent tous ce qu'ils trouvent en guise de barricades mais je les sens désespérés.
Ils ont perdus l'espoir...
Je reste planté là à les regarder se débattre comme des poissons hors de l'eau.

– La forteresse est prise, tout est fini.

Je me retourne pour voir Théoden, le visage atterré, debout au milieu de la salle.

– Vous avez dit que cette forteresse ne tomberait pas tant que vos Hommes la défendrait ! Rétorque Aragorn.

Legolas et lui apportent les bancs pour barricader les portes. Malgré le désastre de notre situation, ils continuent à lutter.
Théoden dévisage Aragorn comme s'il le voyait pour la première fois.

– Ils la défendent encore ! Ils sont morts en la défendant ! S'énerve le rôdeur face à l'absence de réaction du roi.

La peur se propage comme un gaz dans l'air. Je la sens prendre possession des cœurs de Hommes. Je ne sais pas quoi faire... Je me trouve idiote à rester en retrait avec le Warg mais je ne sais pas quoi faire d'autre. Comment les aider...

– N'y a t'il pas un autre moyen pour les femmes et les enfants de sortir de ces cavernes ? Continue Aragorn. Y a t'il une autre issue ?

– Il existe un passage, répond Hamà. Il conduit dans les montagnes mais ils n'iront pas loin, les Uruk-Hai sont trop nombreux.

– Faites dire aux femmes et aux enfants de passer par les montagnes et barricadez l'entrée !

– Autant de morts, mais que peuvent les Hommes face à tant de haine ? Souffle alors Théoden.

Je crois qu'on l'a perdu, là...
Il est complètement atterré et n'arrive plus à faire face. Compatissant, Aragorn pose sa main sur son épaule avant de reprendre plus calmement.

– Venez avec moi. Venez à leur rencontre.

– Quoi ? Tiqué-je. Mais c'est du suicide... et c'est peut-être aussi notre seul espoir.

A bien y réfléchir, on a rien de mieux à faire. Rester ici à attendre notre fin n'est pas la solution. Sans espoir pas de force...
Cet espoir est fou mais il est là.

– Pour la mort et la gloire, reprend Théoden après un temps.

– Pour le Rohan. Pour votre peuple, enchaîne Aragorn.

C'est de la folie mais je ne dis rien. Il n'y a rien à dire. Le Warg se frotte contre ma jambe et je remarque alors une douce lueur provenant de derrière moi. Je me tourne pour voir qu'elle entre par un petite fenêtre.

– Le soleil se lève, fait Gimli assit non loin.

Aragorn se retourne à son tour et je vois un éclat traverser son regard. Soudain je comprends, cette fenêtre donne sur l'Est, et nous sommes le cinquième jour.
Les paroles de Gandalf résonnent dans mon esprit : Attendez ma venue aux premières lueurs du cinquième jour. A l'aube, regardez à l'Est.
Théoden s'avance, animé d'une nouvelle force.

– Oui. Le cor de Helm, mes amis, va retentir dans le gouffre une dernière fois.

Gimli et moi on pousse un cri d'approbation. On est pas encore mort, on peut encore lutter !
Théoden, remotivé, répond à l'étreinte d'Aragorn.

– Voici venue l'heure de tirer l'épée ensemble.

Le rôdeur sourit puis lui serre la main.

– Isil, venez avec moi, fait alors Gimli.

Je baisse le regard vers lui alors qu'il me fait signe de le suivre. Je ne sais pas où il va, ni ce qu'il attend de moi, mais je le suis.
On emprunte une porte dérobée donnant sur un étroit escalier qu'on grimpe aussi vite que possible. On arrive, essoufflés, tout en haut d'une tour exiguë où trône un immense cor. Je suis impressionné par ses dimensions, on doit pouvoir l'entendre dans toute la vallée.

– Il est énorme, soufflé-je ébahie.

– Juste de bonne taille, me répond Gimli guère impressionné.

– Mais regardez ça, je doute d'avoir assez de souffle pour le faire sonner.

Gimli rit en s'avançant.

– C'est un travail de Nain, pas d'Elfe.

Je lève les yeux au ciel alors qu'il grimpe sur l'estrade.

– Vous savez qu'anatomiquement mes poumons sont plus grands que les vôtres ? Mais bon, je vous laisse l'honneur de le faire résonner.

Gimli rit à nouveau.

– Vous êtes trop bonne, gente Elfe.

Je lui adresse une grimace et on se marre comme des enfants, faut dire qu'on a un sacré jouet devant nous.
Gimli prend une grande inspiration. Je le regarde, piaffant d'impatience, mais soudain, j'entends les portes céder : les Uruk sont là !
Gimli sonne le cor et malgré moi je sursaute face au bruit titanesque.
Le Warg se jette dans mes jambes tandis que je me bouche les oreilles. Le son est si fort qu'il fait vibrer mon corps tout entier, je suis comme traversé par une onde sonore.
Je me penche sur le parapet juste à temps pour voir la charge des Rohirim. Ce qu'il reste des cavaliers chargent et jaillissent de la salle sous le son du cor. J'encourage les chevaux, chassant la peur dans leurs esprits et je les regarde arriver jusqu'à la chaussée et foncer dans la masse des Uruk-Hai.
C'est impressionnant même si c'est une véritable boucherie... Les Uruk sont comme une falaise sur laquelle les Hommes, simples vagues, viennent se fracasser.
Je frissonne devant l'espoir fou qui les anime, c'est alors que je remarque un cheval à l'horizon. Jonché sur une haute colline, à contre-jour, il semble observer la bataille d'un œil impassible.
Avec la lumière dans les yeux je n'arrive pas à bien le distinguer mais c'est une bête de grande carrure. Gris-poil peut-être ?
Gandalf arriverait-il juste à temps ?
Soudain l'animal s'agite, sautille, puis se cabre de toute sa hauteur. Je le reconnais alors : Équinoxe !
Son hennissement semble couvrir le bruit des combats pour venir m'envelopper. Il est là et il est prêt.
Prêt ? A quoi ?
Comme pour répondre à ma question, un cavalier apparaît à ses côtés.
Un cavalier blanc...

– Gimli ! Gandalf est là !



Fin du chapitre
Isil rejoint ses compagnons et tente d'aider autant que possible malgré la situation qui dégénère.
Et enfin Gandalf arrive...
^_^




Tome 2 - La Lune Ardente de FangornWhere stories live. Discover now