51 - Départ

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Il mangeait, riait et se congratulait.
Vautré dans l'herbe à la lueur d'un feu, il écoutait les autres hommes raconter leurs faits d'armes, leurs amourettes, leurs « conquêtes ».

– Et toi, Rutz, du nouveau ? Lança un type aux doigts dégoulinants de graisse et de bave.

Le garde ria, jeta son os de poulet hors du cercle de lumière, puis se pencha en avant.

– Avant qu'on vienne dans cette forêt morbide, je me suis fait la petite qui apportait les ragoûts.

Le ton étaient fier et les rires qui y répondaient, gras.

– Ha bon ? S'étonna un des hommes. Elle a pas du tout voulu avec moi.

– C'est que tu sais pas y faire.

– Comment t'as fait, alors ?

– Disons que je lui ai pas vraiment laissé le choix.

A nouveau ces rires gras et aucun pour plaindre ou seulement penser à la jeune fille.
A leurs yeux, elles n'étaient là que pour ça, pour satisfaire Leur besoin.
Rutz, le garde fier, rota bruyamment avant de se lever.

– Tu vas où ?

– Pisser.

A nouveau des rires. Rutz s'en alla hors du cercle de lumière délimitée par le feu. Il marcha un peu au cœur de la nuit jusqu'à trouver un buisson qu'il jugea satisfaisant. Il déboutonna son pantalon ce qui engendra une douleur au niveau de son pouce droit.

– Saleté de gamine, elle m'a pas ratée.

Il secoua la tête en caressant la plaie en arc de cercle puis urina sans gêne.
Il sourit en repensant à certaines histoires, un peu crues mais tellement plaisantes, puis quand il eut fini il retourna vers le feu.
Il n'avait fait que quelques pas quand il crut entendre du bruit derrière lui. Il se retourna et fixa la nuit dense. Il resta quelques secondes, l'oreille aux aguets, puis il se hâta vers le camp.
A nouveau il entendit du bruit, bien plus distinct. Il tira sa dague avant de se retourner. Il était certain d'avoir entendu un souffle et des pas légers dans l'herbe, mais seul la nuit et le silence lui faisaient face. Il attendit de longues secondes, le cœur battant la chamade. Il n'y avait rien. Pas un bruit, pas âme qui vive.
Maudissant cette forêt et la sorcière qui en était Reine, il se retourna. Devant lui se tenait une bête dont seul les pupilles dorés brillaient dans le noir. Il tenta de lever sa dague mais d'un puissant coup de patte, le monstre lui arracha des mains.
Il tituba en arrière tandis que devant ses yeux écarquillés se dessinait la silhouette massif d'un Warg, mais pas n'importe quel Warg. Une bête puissante et trapue au pelage argenté et aux yeux de miel. De sa maigreur d'autrefois, il n'en restait rien. C'était à présent une bête imposante, tout en muscle.
Rutz chuta en arrière et une douleur lui remonta le long de la colonne vertébrale mais c'était bien là le dernier de ses soucis.
Il voulut crier mais déjà le Warg avait retroussé ses babines, dévoilant d'énormes crocs et lui intimant au silence.
La bête approcha encore et son souffle chaud heurta le visage de l'homme terrifié. La gueule de l'animal lui frôla la gorge tandis qu'un grondement sourd vibrait dans sa poitrine. La mâchoire du Warg claqua, toujours plus près, puis il planta son regard dans celui de l'homme impuissant.
Il le fixa durant un temps qui parut infini, puis il se détourna et disparut dans la nuit.
L'avertissement était donné.


*****


Tu es celle qui brille quand les Ténèbres règnent, mais quand ceux-ci sont vaincus, ta lumière s'éteint.

Mon réveil est à l'image de ma nuit mouvementée.
Je me redresse, haletant et en sueur. Je regarde tout autour de moi à la recherche de quelqu'un qui aurait put me susurrer ces mots mais je dois me rendre à l'évidence, je suis seule. Et j'ai des hallucinations.
Je passe mes mains sur mon visage, me frottant les yeux pour chasser ma frayeur. Les événements de la veille et la perceptive du départ ont tournées toute la nuit dans mon esprit et je me sens fébrile, nerveuse.
Je me lève et je vais tirer mes rideaux. L'aube pointe à peine.
Je rassemble des affaires quand je remarque que Le Warg n'est pas là. Il a sans doute dormi dehors. Je sors sur la pointe des pieds et je vais dans la salle d'eau. J'actionne le robinet et le réservoir émet un gargouillement en remplissant la baignoire. Quand je juge le niveau de l'eau satisfaisant, je ferme le robinet puis j'allume un feu.
Je me déshabille en attendant que l'eau chauffe puis je me glisse dans la baignoire. Le silence m'apaise alors que je plonge la tête dans l'eau tiède. Je retiens ma respiration aussi longtemps que possible puis je me redresse. J'inspire une grande goulée d'air chargé d'humidité puis je me délecte de mon bain.
Je reste longtemps dans l'eau à m'efforcer de penser à rien puis je me savonne. Apaisée et toute propre, je sors de l'eau.
J'essuie la buée sur le miroir puis je contemple ma mine boudeuse. J'ai changée. Je me suis affinée et je fais plus adulte mais surtout j'aborde des cicatrices de guerrière.
Sur mon corps mais aussi sur mon visage. J'effleure la légère zébrure plus clair sur ma joue puis ma jolie marque au front. La cicatrice blafarde est encore un peu sensible, c'était tout de même un tir d'arbalète. Je tourne la tête pour voir l'ancienne plaie s'effacer dans mon cuir chevelu. C'est la pire et en même temps la plus belle de mes cicatrices. Le souvenir d'un horrible combat, et celui d'un honorable sacrifice.
Je recule d'un pas, me regarde de la tête aux pieds puis je m'habille. J'hésite puis je mets mes vêtements au sale avant de descendre à la cuisine.
Je suis surprise de trouver Le Warg allongé dans la petite entrée.

– Il était couché devant la porte. Drôle de paillasson.

Je tourne la tête pour voir Anar en train de préparer notre petit déjeuner. Je ne l'avais pas entendu se lever. Je vais m'asseoir avant de le regarder tout préparer, puis on mange en silence.
Ces moments vont me manquer. Anar va me manquer.

– J'ai quelque chose pour Le Warg.

Je me tourne vers mon frère tandis qu'il sort un ensemble de cuir d'une sacoche. Curieux, Le Warg s'approche et je vois que c'est un large collier. Des entrelacs de cuir sont relevés d'un liserer argenté et un emblème est fixé en son milieu. Anar l'attache au cou de Le Warg qui semble plutôt content.

– Comme ça on le reconnaîtra de loin. Je l'ai fait moi-même.

Je souris devant cette attention. C'est un travail délicat à la fois imposant et fin, brut et ouvragé, ça correspond bien à Le Warg.

– Merci, soufflé-je touchée.

Anar me sourit puis me prend la main.

– Ce n'est pas tout.

Surprise, je me laisse faire alors qu'il m'entraîne dehors. Sans un mot, on va dans une petite dépendance accolée à la maison. On entre et on fait face à un amas de tissu.

– J'espère que ça va te plaire, fait Anar avec une touche d'hésitation.

Il secoue la tête avant de tirer le tissu qui tombe, dévoilant une armure rutilante. Elle est magnifique, et je mets un temps à la reconnaître.

– C'est mon armure ! Celle que Saroumane m'avait donné et que Dame Galadriel avait embellit.

– C'est bien elle mais je me suis permit d'y apporter ma touche. Elle a été brossée, renforcée et j'y ai fait gravé nos armoiries, celles de Fangorn.

Je fais le tour pour voir un soleil et une lune mêlés au sein d'un cercle qui se transforme en arbre. Anar a apporté un soin à tous les détails. Fini les représentations osseuses et les pattes griffues, maintenant tous n'est que dessins d'écorces et entrelacs végétales.

Tome 2 - La Lune Ardente de FangornWhere stories live. Discover now