44 - L'ardeur des sentiments

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– Isil, attendez, m'interpelle Erwin alors que j'ai fini de desseller Équinoxe.

Je me retourne pour le voir accourir, un sourire emplit de fierté aux lèvres.

– Tenez, j'ai gardé cela pour vous. Vous l'avez oublié en partant du camp.

Il me tend mon sac. Mon vieux sac qui me suit depuis ma fuite d'Imladris. Il a subit les aléas du voyage mais est toujours utilisable. Les Elfes savent faire des sacs qui durent.
Je remercie chaudement Erwin qui rougit. Il ignore à quel point cette petite attention me touche, il est vraiment devenu mon écuyer.
Je laisse le soin à Anar d'organiser les choses et j'en profite pour rentrer chez lui savourer un peu de calme. Je monte à ma chambre et je vide mon sac sur le lit. C'est fou tous ce que je trimbale, j'y retrouve même une feuille séchée qui servait à conserver les Lembas. Un morceau de papier attire mon regard. Je frémis alors qu'une vague d'émotion monte en moi : le mot de Boromir.
Il l'avait écrit afin de le donner à son jeune frère mais la mort l'a prit avant. J'aurai put le donner à Gandalf ou à Pippin, ils l'auraient remit à Faramir.
Non, c'est à moi de le faire.
Encore une raison de plus d'aller au Gondor.
Je trifouille dans mes affaires, retrouve ma vieille tunique prise à Imladris, les présents offerts à Edoras, et tous ces petits objets qui ont de l'importance à mes yeux. Ils sont les témoins silencieux de mon voyage, des épreuves que j'ai traversée pour en arriver là.
Soudain quelque chose tombe du lit puis roule au sol. Je me tourne pour voir Le Warg qui suit du regard une petite sphère ardente qui s'immobilise contre le bureau.

– Alors ça, soufflé-je en me levant.

La pierre trouvée dans les mines de la Moria. Je l'avais complètement oubliée. Je la prends puis la fait rouler entre mes doigts, elle est étrangement tiède. Je ne sais toujours pas ce que c'est, ni à quoi elle sert mais elle est peut-être remplit du feu d'un Balrog. Et donc potentiellement dangereuse.
Dans le doute je préfère la poser sur le bureau. Je ne voudrais pas qu'elle explose ou un truc du genre...
Par la fenêtre je regarde les dépendances s'agiter, les habitants se plient en quatre pour aider au mieux les Hommes du Rohan.
Il va falloir que je m'explique, que je leur dise pourquoi j'ai fait tous cela. Je veux le faire officiellement mais avec tous ce qui se passe je crains que ça ne soit pas le moment.
Je peste contre moi-même, je me cherche juste des excuses pour ne pas le faire.
Je ressors, laissant Le Warg chez Anar, et je fais un tour dans le hameau. Les gens sont plus détendus, peut-être qu'Anar leur a parlé, ou qu'ils voient que je ne suis pas un danger ?
J'aide comme je le peux et je les remercie pour tous ce qu'ils font.
Alors que je déambule, je ressens la présence des Ents dans la forêt. Je ne sais comment j'ai put l'ignorer jusque là, ils sont si présents, si imposants, peut-être est-ce parce qu'ils dormaient ?
Je vais dans la forêt.
Les voir s'animer à mon approche, déambuler, se parler, c'est merveilleux. Des arbres emplit de vie.
J'arrive dans une clairière où bon nombre sont rassemblés. Ils discutent et me paraissent plutôt énervés. Je crois savoir après qui.
Sylvebarbe me remarque et s'approche accompagné d'un grand If, Ifd'hor je crois.

– De quoi discutez-vous ?

– De Saroumane et de ses méfaits, me répond sans surprise Sylvebarbe. Nous avons une longue mémoire et notre rancœur va durer tout aussi longtemps. Il est mieux pour lui d'être prisonnier de sa tour.

– Je ne peux qu'être d'accord, c'est une bonne chose. Je ne voudrais pas que vous vous rabaissiez à le tuer. Vous n'êtes pas comme ça.

Un murmure que je juge approbateur envahit la clairière et Ifd'hor hoche la tête.

– Ce n'est pas le rôle des Ents que de décider qui doit vivre ou mourir.

– Nous sommes d'accord.

Je regarde autour de moi les Ents qui se sont approchés. Ils sont nombreux et si différents les uns les autres.

– Pourquoi vous ne vous êtes jamais montré avant ?

– Nous avons toujours été là, répond Sylvebarbe. Enfant vous nous voyez, petit Lune, puis le temps qui s'écoule nous a rendu somnolent. Il est agréable de dormir quand le monde va mal. Parfois nous vous suivions mais votre cœur était devenu trop sombre pour nous voir.

– Je comprends, j'étais trop renfermée sur moi-même, et vous trop endormis.

– On peut dire que nous nous sommes reposés sur nos racines, acquiesce Idf'hor. Cela nous a rendu passif face à ce monde qui change trop vite pour nous. Heureusement, vous nous avez sorti de notre torpeur.

– Je... Je n'ai rien fait, m'étonnai-je.

Sylvebarbe se penche sur moi comme s'il allait me faire une confidence.

– Vous êtes rentré en guerre et Fangorn aussi. Nous avons senti votre colère, elle est devenue nôtre.

– C'est quand Merry et Pipin ont été enlevés... J'étais si énervée. C'est à ce moment que j'ai décidée de me battre mais j'ignorais que vous alliez le sentir ici même. J'étais quand même loin de Fangorn.

Sylvebarbe secoue la tête.

– Qu'importe où vous vous trouvez, une part de vous est toujours en ici, en Fangorn.

– Je suis Fangorn...

Ifd'hor émet un grondement approbateur tandis que Sylvebarbe se redresse.

– Nous ne sommes qu'un. Nous formons un ensemble unit et fort.

Je ne peux que sourire.

– J'ai sentie quelque chose avait changée quand je suis revenue alors qu'on était sur les traces de Merry etPippin. C'est quand j'ai rendue sa jeunesse à la forêt que tout a changé.

– Vous avez alors plantée la graine de l'éveil des Ents, acquiesce Ifd'hor. Une graine que votre frère Soleil a entretenu puis fait germer.

La métaphore est belle mais je reste surprise.

– Je ne pensais pas que je pouvais ainsi influencer les choses. Qui peut croire que ses actes et ses convictions peuvent engendrer tant d'événements ?

– Vous êtes plus fortes que vous ne le pensez, petite Lune, sourit Sylvebarbe. Vous êtes la gardienne et le cœur de Fangorn. Vous êtes notre côté intrépide et parfois insolent, le tout rassemblé en une personne.

J'en ris.

– Ça me résume bien.

Les Ents repartent à leurs murmures, je ne comprends pas ce qu'ils disent mais je sais que c'est que du bien. Ils sont encore ébranlés, marqués par la folie de Saroumane, mais ils s'en remettront. On s'en remettra.


Je reste un instant à les écouter, à les observer, puis comme ils ne font plus vraiment attention à moi et que je ne comprends pas la langue dans laquelle ils discutent, je pars.
Je m'enfonce dans le cœur de la forêt, marchant au hasard au gré de mes envies. Je ne sais pas où aller, je veux marcher et voir le monde qui m'entoure. Tout a changé, notamment ma vision des choses. Le monde a prit de nouvelles couleurs, une nouvelle saveur.
Alors que je vagabonde entre les troncs, je ressens une présence. C'est discret et ça me suit sans bruit mais je suis sur mes terres, nul ne peut me surprendre. Pas même lui.
Amusée, j'accélère le pas. Ma robe frôle la végétation de plus en plus omniprésent tandis qu'un bruit d'eau se fait entendre.
Je m'arrête alors.

– Je pourrais vous prendre pour un ennemie et vous tuer sans peine.

Je me retourne pour faire face à Elrohir et son éternel sourire.

– Je suis tout de même chez moi.

– Cela se voit que vous êtes dans votre élément, mais je ne vous pense pas cruelle.

Je ris mais ses paroles font écho en moi, il fut un temps pas si lointain où j'étais cruelle. Lentement, je tends les bras. Je me laisse envahir par les pensées des végétaux qui attendent ma demande. Et je laisse ma puissance se déverser.
C'est comme un barrage qui sont rompt, soudain et brutal. La végétation s'active, se tord, croît et devient bien vite menaçante.
Les ronces rampent tels des serpents. Les arbres craquent et se penchent, leurs branches heurtant le sol avec fracas. Tout est mouvement, prêt à faire face. Prêt à tuer.
Je m'embrase, rendant le tableau encore plus surréaliste à Elrohir qui demeure immobile.

– Je pourrais tous détruire, soufflé-je. Avec ces plantes et mon feu, je pourrais anéantir les fortifications des Hommes, des Nains, et même des Elfes. Je pourrais prendre le contrôle, devenir un monstre de feu et de végétaux aussi nuisant que les Ténèbres actuel. Je pourrais détruire ce monde sans que personne ne soit en mesure de m'arrêter.

Je me tais, mesurant l'ampleur de ce que je dis et surtout sa véracité. Si j'étais du mauvais côté, la terre du Milieu serait en grand péril.

– C'est de cela qu'il avait peur... Saroumane me voulait à ses côtés pour ne plus me craindre, et les Peuples Libres s'apprêtaient à délibérer à mon sujet. N'est-ce pas ?

Elrohir tique, il a pâlit.

– Il est vrai que vous étiez une préoccupation dans l'esprit de mon père mais nous n'avions nullement l'intention de vous nuire.

– Mais vous me craigniez.

Mon feu s'éteint et la forêt se calme sous le poids de cette révélation.

– Vous aviez peur de moi, c'est pour cela qu'Elladan a dit me connaître et que vous êtes venu à moi. Je n'étais qu'une engeance maléfique de plus...

– Nous ne vous connaissions pas comme aujourd'hui, et nous ne savions pas qu'elle étaient vos intentions. Je n'ai pas peur de vous, Isil.

Je le dévisage alors qu'il s'approche. Toute gaieté m'a quitté, je me rends à présent compte que mon avenir aurait put être bien plus sombre.

– Vous n'êtes pas comme ça, reprend Elrohir tout près. Si vous le vouliez, vous pourriez être un grand danger mais vous avez choisi une autre voie. Vous n'êtes pas dangereuse.

– Je ne le suis plus... mais ça reste en moi.

Du doigt, Elrohir me faire relever le menton. Il y a tant de compassion et d'amour dans son regard.

– Nous avons tous notre part de dangerosité, certains mettent juste plus de temps que d'autre à la contrôler.

Je passe mes bras autour du cou d'Elrohir et je l'embrasse avec passion.
Il ignore à quel point ses paroles mettent du baume sur des blessures encore douloureuses. Il n'en a pas conscience mais il dit et fait exactement ce dont j'ai besoin, il me soutien, me rassure, me pousse vers l'avant.
Il aime, et c'est juste ce dont j'avais besoin.
A bout de souffle on se recule.

– Vous êtes si surprenante.

– J'ai juste bien plus de contrôle qu'avant.

Je tends mon bras avant de l'enflammer puis je laisse le feu me recouvrir lentement. Je suis très proche d'Elrohir mais je n'ai pas peur, pourtant quand il m'embrasse, je suis surprise.
Mon feu s'éteint et je savoure cette passion qui nous ronge, mais rapidement je dois rompre le contact. C'est parfois encore difficile.

– Vous avez fait des progrès remarquables, me souffle Elrohir dans le cou.

Je ne peux que lui sourire.

– C'est en partie grâce à vous, à mes amis, à tous ceux qui m'ont donnés leur amitié... leur amour.

Elrohir rougit mais ne perd pas contenance. Il tend la main mais ne peut me toucher, je suis encore trop ardente.

– Je suis désolée. J'aimerai être comme les autres, douces et dociles mais moi je suis abrupte et ardente.

Elrohir me sourit et ça me rassure.

– C'est ce que j'aime en vous. Cette différence, cette tendance à être toujours à contre courant, même quand cela vous pousse à vous opposer à ce qui est sans nul doute le plus puissant magicien de la terre du Milieu.

Tome 2 - La Lune Ardente de FangornDonde viven las historias. Descúbrelo ahora