45 - Explications

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Je termine de me préparer. Ce qui pour moi veut dire tout mettre en vrac, courir dans tous les sens en râlant que je ne trouve pas ce que je veux et me lamenter de mon manque de compétence dans ce domaine.
Je me suis lavée et changée, j'ai mit une jolie robe ajustée dans les tons crèmes dorés, et maintenant je me coiffe. Ou plutôt je me bats avec ma tignasse indomptée. J'en viens à regretter mes cheveux courts. Ils sont maintenant trop longs pour que j'en fasse quoi que ce soit...
Désespérée, je finis par fixer ma dague avec hésitation.
Cap ou pas cap ?
Des coups légers à la porte me sortent de mes lamentations.

– Je venais voir si tu es prête, on va être en retard... Tu as besoin d'aide ?

Anar doit le lire à ma tête dépitée.
Je ne réponds pas mais mon frère conciliant vient à mon secours. Il me brosse les cheveux puis les coiffe rapidement en quelques entrelacs délicats.

– Tu es un magicien à mes yeux.

Anar rit en déposant un fin liseré doré dans mes cheveux d'ébène.

– Chacun ses points forts.

Je souris en tournant la tête d'un côté puis de l'autre pour admirer le résultat. Magnifique.

– C'est quoi ça ?

Je tourne la tête pour voir qu'Anar désigne la petite sphère rouge négligemment laissée sur mon bureau.

– Je ne sais pas trop, avoué-je en me levant. Gandalf a dit que c'était une pierre d'élément et qu'elle était vierge, enfin quand je l'ai trouvée.

– C'est toi qui l'a emplit de ton feu ?

– Non, c'est celui d'un Balrog.

Anar se retourne, surprit.

– Comment sais-tu que c'est le feu d'un Balrog ?

Comment dire ?
J'hésite, ce n'est pas une chose aisée à expliquer mais je me suis trop avancée à présent. Cette scène mémorable me revient en tête et j'ai du mal à trouver les mots juste.

– Tu te rappelles des mines de la Moria dont je t'ai parlée ? En fait, on y a rencontré un Balrog et en voulant donner du temps à mes amis pour fuir, je lui ai plus ou moins barrée la route, et il m'a craché son feu... Et ça a remplit cette pierre.

Anar me dévisage un moment puis fronce les sourcils.

– Entre le courage et la folie la frontière est parfois bien mince.

– Tu penses que je suis folle ?

Anar me sourit et se détend.

– Tu es souvent à la frontière entre les deux mais non, tu n'es pas folle. Juste un peu trop impulsive et téméraire.

Rassurée, je souris.

– Voyons le positif, au moins maintenant je sais qu'Équinoxe et moi ne craignons pas le feu.

Anar tique puis semble bien pensif. Je laisse s'écouler de bonnes minutes avant de ne plus tenir.

– A quoi tu penses ?

– A ce que tu viens de dire. Si pour toi il est logique, même si c'est étrange, que tu ne craignes pas le feu, pour Équinoxe... c'est quand même une bien étrange capacité.

– Pas plus que d'entraîner les autres chevaux dans sa course.

En fait si, mais je suis un peu honteuse de ne pas m'être interrogé plus tôt.

– Cela fait partie de ses attributs qu'équidé, voir de Mearas, mais ne pas craindre le feu, ça c'est exceptionnel.

– Je n'y avais jamais vraiment réfléchi, avoué-je. Pour moi, ça coulait de source.

Anar me sourit.

– Je suis certain que votre rencontre n'est pas totalement le fruit du hasard. Il y a une raison à cette étrange capacité, tu ne la connaîtras que le moment venu.

Je souris à mon tour et j'enlace mon frère.

– J'aime ta logique et ton objectivité.

– Il faut bien un sage dans cette famille.

Je ris en reculant mais Anar me retient par le bras.

– Pourquoi tu t'es fait si belle, enfin pour qui ?

Je sens mes joues s'empourprer mais je tiens bon.

– Ce que j'aime le plus chez toi c'est ta discrétion.

Anar sourit, il se sait bloqué.

– Je comprends, concède t'il. Finalement je ne suis pas le seul à savoir manier les mots.

Je ris sincèrement. Anar soupire puis m'entraîne hors de ma chambre.
C'est main dans la main que l'on entre dans la salle commune transformée en salle de réception pour l'occasion.
A peine ai-je franchi les portes que je me fige. C'est le moment.
Je dois tous leur expliquer. Maintenant ou jamais.



Anar m'adresse un regard interrogateur auquel je réponds par un sourire avant de lui faire signe d'aller s'asseoir. Je dois faire vite avant que mon courage ne se défile.
Je monte sur l'estrade servant d'habitude aux orchestres. J'ai peur mais je sais que je dois le faire. Je dois boucler la boucle et rétablir la vérité, ma vérité.
J'ai le cœur qui bat la chamade mais personne ne me regardent. Je dois attirer leurs attentions. Je me concentre sur l'esprit de Le Warg qui m'a suivit et d'une pensée je le fais hurler à la mort.
Le silence tombe aussitôt.

– Désolée de cette entrée en matière mais je dois vous parler. Vous, les habitants des dépendances, vous qui m'avez connus à mes heures les plus sombres. A nouveau je me dois de m'excuser. Je sais que je vous ai fait peur, que j'ai jouée avec vos craintes et parfois même je vous ai fait du mal. De tout cela je m'excuse.

Je laisse un temps de silence où tous me dévisagent. Je ne vois pas d'animosité dans leurs regards juste une curiosité teintée par moment d'appréhension.

– La plupart d'entre vous le savent, je suis partie rejoindre Saroumane, le magicien blanc d'Isengard, mais tous vous ignorez pourquoi. En fait, j'ai jouée les espions. Certains d'entre vous se souviendront de Radagast, le vagabond de la forêt, c'est lui qui le premier m'a convaincu de la dangerosité et de la fourberie de Saroumane. Bien à l'abri dans sa tour, il complotait pour mener une guerre et anéantir les Peuples Libres de la Terre du Milieu. En secret, il s'était allié avec le Seigneur des Ténèbres et se préparait à frapper par surprise ses anciens alliés et amis. Radagast savait cela et avait besoin que quelqu'un capable du duper Saroumane, de gagner sa confiance et de l'approcher suffisamment près pour lui dérober un de ses biens les plus précieux : ses plans de bataille.

Je ne m'attendais pas à ce qu'ils soient aussi réceptifs, à ce qu'ils m'écoutent avec tant d'assiduité. Rassurée, je continue.

– Radagast m'a alors demandé de l'aide. Dupant Saroumane, je me suis infiltrée en Isengard pour voler ses plans et ensuite les amener aux Peuples Libres. Grâce à ma sombre réputation, j'étais la seule à pouvoir m'approcher aussi près de Saroumane, il m'a fait confiance me pensant comme lui. J'ai jouée un rôle que je pensais fait pour moi mais à cette époque j'ignorais beaucoup de choses. J'ignorais les vertus de l'amitié, de la cohésion, de l'unité. Je ne savais rien du sentiment de faire partie d'un tout. Je pensais me suffire à moi-même mais c'était faux. Je vous remercie de l'avoir comprit avant moi, d'avoir entouré mon frère, d'avoir comblé le vide que j'ai créée et de faire revivre ces lieux abandonnés, car oui, vous faites partie de Fangorn. Et c'est ensemble que nous formons son peuple.

Le silence tombe. Personne ne parle et tous me regardent. Je suis plus que mal à l'aise mais alors Anar se lève. Il prend un verre et le tend devant lui.

– A Fangorn.

D'un même mouvement les habitants des dépendances et les soldats du Rohan l'imitent.

– A Fangorn !

Les applaudissent suivent mais je reste hypnotisée par cette même voix provenant de tant de personnes différentes. Nous formons un tous.
Désireuse d'échapper aux regards, je m'empresse de redescendre de l'estrade et d'aller m'asseoir à ma table. Je m'installe entre Legolas et Aragorn, face à Anar et aux jumeaux.

– C'était un très beau discours, me souffle Aragorn tandis que les plats commencent à circuler.

– C'était surtout la vérité.

– Cela se voit, vous avez parlé avec votre cœur, et c'est cela qui les a touché.

Je tique avant de dévisager notre rôdeur.

Tome 2 - La Lune Ardente de FangornWhere stories live. Discover now