29 - Émotions en chaîne

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Je savoure cette course, ça faisait longtemps qu'on avait pas couru ainsi. Le Warg nous suit de loin, il ne peut pas tenir cette allure si longtemps.
La piste des Orques a été facile à trouver et encore plus simple à suivre, ils laissent un tel bazar derrière eux. Ils semblent zigzaguer au hasard, à croire qu'ils ne savent pas où aller.
Au détour d'un amoncellement rocheux, je tombe sur des corps à demi dévorés, ils se mangent entre eux. Je mets Équinoxe au pas pour examiner les morceaux restants. Je me demande ce qui se passe en Isengard pour que ces Orques n'y retournent pas ?
Quoi qu'il en soit, c'est la débandade parmi eux. Je relance Équinoxe vers une colline que l'on gravit sans mal. Je regarde à l'horizon mais je ne vois pas Isengard, ou Fangorn. On est encore un peu trop loin, les dernières collines me bloquent la vue.
On repart et on continue à suivre la piste jusqu'à un village en ruine. Je vois sans peine le passage des Monstres mais ils ne se sont pas attardés ici. Ils sont, à présent, assez loin du camp et j'hésite à continuer. Je fais tourner Équinoxe pour regarder les habitations détruites et je frémis envoyant des gens en sortir.

– Avez-vous vu des Orques ? Demandé-je alors qu'ils s'approchent de nous.

– Ceux en errance ? Ils sont passés mais ne se sont pas arrêtés, ils semblent en déroute.

Je hoche la tête, c'est aussi ce qu'il me semble, ils errent sans but.

– Il y a un camp monté par le Roi et ses hommes non loin, si vous partez maintenant nous pourrez y être avant la nuit. La route dégagée.

Un homme amaigrit appose sa main sur l'épaule d'Équinoxe et m'adresse un sourire las.

– Merci, gente Elfe, est-ce les deux cavaliers qui vous envoient ?

Hein ?

– Quels cavaliers ? M'étonnai-je.

– Deux cavaliers Elfes sont passés il y a peu, j'ai cru qu'ils étaient vos compagnons.

– Il n'en est rien et je n'ai croisé personne... Vous devriez vite partir, je vais essayer de localiser les Orques.

L'homme hoche la tête avant de m'adresser un dernier sourire puis il fait signe au sien de se préparer au départ. Je les regarde rassembler le peu d'affaires qui leur reste puis je repars.
Je suis surprise de la présence de cavaliers Elfes, qui sont-ils ? Des Lothlorien ?
Peut-être...
Je vois mal des gens d'Elrond venir jusqu'ici. Je souris en imaginant Elladan et Elrohir débouler dans notre camp de fortune. Ça serait marrant, ou pas...
Et voilà que j'ai perdu la piste des Orques...
Je fais et refais le chemin mais impossible de la retrouver. On tourne un moment puis je décide de rebrousser chemin. La nuit ne va plus tarder et c'est inutile d'errer comme ça. On repart au pas en contournant le village, j'espère que les villageois sont déjà parti.
On marche un long moment en suivant en parallèle la piste des Orques. Alors qu'on chemine, j'aperçois Le Warg au loin. Il trotte tranquillement vers nous puis me fait des fêtes. Il est content de me voir et c'est réciproque.

– As-tu croisé des cavaliers ? Demandé-je, curieuse.

Le Warg me répond qu'il n'a rien vu ou entendu, hormis des villageois. J'arrête Équinoxe pour réfléchir deux secondes mais il me transmet son impatience, c'est bientôt l'heure de sa ration d'avoine.
Il y a peut être-des choses plus urgentes, non ?
Il n'en démord pas et je mets pied à terre. Je grimpe alors sur une bute pour regarder à nouveau l'horizon qui se nimbe des couleurs du crépuscule. Le Warg se colle à ma jambe et je le caresse machinalement alors que mes méninges carburent.
J'ai perdu la trace des Orques mais j'ai apprit qu'il y a des Elfes en vadrouille dans les parages. Je devrai peut-être rentrer en informer les autres ?
Soit rationnel, Isil...
Les Orques ne représentent, à mon avis, pas un danger immédiat. Quant à la présence d'Elfes si loin de leurs terres ce n'est pas non plus un danger mais ils sont peut-être porteur de nouvelles intéressantes ?
Et alors ? Est-ce vraiment si important ?
Je ne vais pas me lancer à leur recherche alors que je ne sais même pas quand ils sont passés par le village en ruine, ni la direction qu'ils ont ensuite prit.
Non, le plus sage est de rentrer au camp.
Je suis contente de mon raisonnement, je peux enfin dire que je suis sage. Je souris avant de balayer une dernière fois le paysage du regard.

– On va rentrer, acquiescé-je. C'est le mieux à faire. Équinoxe, tu te sens de galoper encore un peu ?

Pas de réponse...
Je baisse les yeux vers Le Warg qui regarde autour de nous. Plus une trace d'Équinoxe.
Surprise, je tourne sur moi-même avant d'envoyer mon esprit vers celui de mon cheval. Il me rejette, seul son envie d'avoine me parvient.
Il est sérieux, là ? Il m'abandonne au milieu de nul part pour des graines ? J'en reviens pas !
J'aimerais être en colère contre Équinoxe, lui en vouloir vraiment, mais il a tant fait pour moi... Il ne peut pas être parfait non plus.

– Je suis bonne pour rentrer à pied, soupiré-je.

Le Warg se frotte à moi, il est content que l'on passe un peu de temps juste tous les deux.
Génial...
Je le caresse quand même puis je me mets en route. Au vu de ce que l'on a galopé, je vais en avoir pour un moment avant de rentrer au camp.




Mon estomac gargouille, j'ai faim et la route me paraît interminable.
Je marche depuis ce qui me paraît une éternité tandis que Le Warg trotte autour de moi, jovial.
Équinoxe va me le payer...
En plus, les autres doivent être inquiet de l'avoir vu rentrer seul. Ils doivent se demander ce que j'ai encore fait, se faire du soucis pour moi, peut-être même qu'ils sont partis à ma recherche ?
Je me les imagine arriver à mon secours puis me ramener au camp, soulagés.
Mais non... Il n'y a personne et je dois marcher.
Parfois, je déteste Équinoxe...
Le Warg revient à moi et dépose un truc un sol avant de me fixer, l'air ravi. Je mets un temps à comprendre ce que je vois : un mulot rachitique, mort.
Il m'apporte de la nourriture. Je suis partagée entre le dégoût et l'émotion, c'est gentil de sa part.

– Ça va, je n'ai pas très faim.

Mon ventre gargouille bruyamment, je suis certaine qu'il l'a entendu mais je fais mime de rien.

– Va s'y mange le toi.

Le Warg ne se le fait pas dire deux fois et globe le pauvre mulot sans plus de cérémonie. Je le regarde, perplexe, tout en maudissant encore Équinoxe.
Résignée, je me remets en marche quand soudain j'entends du bruit. Ça vient de devant moi, quelque chose avance entre les gros buissons. La présence des Orques me revient en tête et je tire ma lame tandis que Le Warg se tend, prêt à l'attaque.
La « chose » avance encore, lentement. Soit elle est hésitante, soit elle prépare quelque chose.
Je me tends, je dois me tenir prête à toute éventualité.
Je m'aime pas attendre, la patience n'est pas mon fort, d'autant plus que je ne vois pas mon adversaire. Je me mordille la lèvre inférieur, me forçant à rester concentré. L'envie de tous brûler monte en moi, me faisant hésiter. Ça serait plus rapide mais si jamais ce n'était pas un ennemi ?
Ça m'étonnerait un peu mais ma sagesse, récemment acquise, m'intime de patienter.
Je sens le feu couver en moi, j'ai envie de tous cramer.
Cette pensée me surprend, je ne me connaissais pas des penchants pyromane. En même temps c'est logique venant de quelqu'un qui maîtrise le feu...
Reste concentré, Isil. C'est pas le moment de divaguer.
Je me recentre tandis que des fourmillements me parcourent les mains.
Tous cramer...
Le vent me caresse le dos et agite mes cheveux tandis que Le Warg commence à grogner. Sans que je puisse le contrôler mon feu apparaît aux creux de mes mains et vient enflammer lentement mes bras.
L'envie de le laisser jaillir est plus forte que jamais. J'expire pour la calmer puis je projette mon esprit vers les buissons. En fonction de ce qu'ils vont m'apprendre, je crame tous.
A travers eux, je vois une forme petite et courbée qui avance lentement, la respiration haletante. Ça correspond à un Orque.
C'est parti.
Je concentre mon feu sur mes mains et je m'apprête à tous balancer. J'inspire quand soudain une silhouette jaillit des buissons, quelques mètres devant moi. Le Warg charge, toutes crocs dehors tandis que je réoriente mon feu.
C'est alors que je le reconnais.

– NON !

Mon cri m'écorche la gorge mais Le Warg se stoppe dans une glissade tandis que je laisse courir mon feu au sol. La petite silhouette en armure de cuir tressaute,resserre sa prise sur une épée grossière puis chute en arrière.

– Qu'est-ce que tu fais ici ? M'écriai-je en m'approchant à grandes enjambées.

Seul un sanglot me répond. Je m'approche, remarque que l'armure n'est qu'un amoncellement de pièces de cuir cousues un peu au hasard, puis je me campe, main sur les hanches.
Le petit être recroquevillé à mes pieds lève une main tremblante vers son casque difforme dont il relève la visière.
Erwin est pâle comme un linge, des larmes coulant sur ses joues.

– Je... je...

– Tu te rends compte que j'ai failli... te tuer, et lui te dévorer ?

Je désigne Le Warg qui, penaud, renifle le petit Homme.

– Je suis désolé... Je voulais juste...

Un sanglot le secoue de la tête aux pieds tandis qu'il pleure à chaudes larmes. Mon cœur se serre et ma colère se dissipe.

– Aller, calme toi, repris-je en m'agenouillant. Tu as prit de gros risques, c'est insensé. Qu'est-ce que tu fais ici ?

Erwin renifle, essuie ses larmes du revers de la main puis tente de soutenir mon regard avec assurance.

– Je voulais venir vous retrouver... Vous aider...

Sa voix se brise et un nouveau sanglot le secoue.

– C'est très noble de ta part mais je t'ai prit pour un ennemi. Des Orques rôdent dans les parages, c'était dangereux de m'approcher ainsi.

– Je ne savais pas que vous étiez là, je... Je me suis un peu perdu.

Tiens, on dirait moi...
Malgré moi, je souris. Je lui ébouriffe les cheveux avant de l'aider à se relever.

– C'était inconscient mais gentil de ta part de venir à ma recherche.

– Les autres n'ont pas jugés cela nécessaire parce qu'Équinoxe a foncé manger sa ration d'avoine. Ils ont dit que vous rentreriez à pied.

C'est sympa, merci l'entraide...

– Tu aurais dût en faire de même.

– Mais si vous aviez été en danger ?

– Je m'en serais sorti mais toi tu aurais put te faire blesser ou pire... Il faut que tu réfléchisses à ça avant d'agir.

– Désolé, souffle Erwin en baissant les yeux. Je ne voulais pas vous causer du soucis, je ne suis pas un bon écuyer.

– Si mais tu as encore beaucoup à apprendre. Et d'où vient cette armure ?

Erwin relève un regard brillant de fierté.

– Je l'ai fait moi même avec les chutes de cuir que j'ai put récupérer. Elle est bien, non ?

Pas vraiment, surtout que j'ai faillit le prendre pour un Orque. Je frémis en pensant à ce qui aurait put se passer si j'avais usé de mon feu.
Mieux vaut ne pas y penser...

– Elle est pas mal, repris-je. Et comment es-tu sorti du camp ?

– J'ai dit aux gardes en faction que le Roi les faisait demander de toute urgence.

Pas bête le môme, mais c'est consternant de voir qu'un stratagème aussi banal a suffit...

– Aller, rentrons.

– Vous m'en voulez ?

– Non mais tu dois me promettre d'être plus prudent.

– Je vous le jure ! Je vous ferais honneur.

– Je n'en doute pas mais évite de recommencer ça, s'il te plaît.

– Je ne peux malheureusement pas vous le promettre, me répond Erwin avec un soudain sérieux. Je vous ai beaucoup observé ces derniers jours et vous faîtes toujours ce qui vous paraît le mieux, même contre l'avis des autres. Alors comme vous, si cela me paraît nécessaire, je recommencerai.

Je le dévisage, incrédule.
Non seulement ce petit bonhomme me tient tête mais en plus il me sort des arguments imparables. Je ne peux pas lui demander de ne pas faire ce que moi je fais...
Je souris, je me reconnais presque en lui. Le même entêtement, la même détermination, je fais ce que j'ai à cœur de faire. Rien de plus, rien de moins.
Je m'agenouille devant lui, il me dépasse tant physiquement que sur le plan mental. Il sait déjà ce que je viens à peine de comprendre.
Sans un mot, je l'enlace. Je ressens sa surprise puis ses petits bras se refermant sur mon dos. J'inspire son odeur d'enfant et le souvenir de mon frère me revient. Il me fait penser à lui et à moi en même temps.
Je le serre contre moi comme je le faisais avec Anar quand c'était encore possible, quand je voulais l'apaiser mais là c'est moi qui m'apaise.

– Vous pleurez, souffle Erwin alors que je me recule.

– C'est rien, c'est ce qui arrive quand on aime fort quelqu'un et que l'on ne veut pas qui lui arrive quelque chose.

Erwin me dévisage puis me sourit. Je lui rends avant de me relever. Je lui prends la main, contrôlant mon feu, puis je lui serre.
Je suis responsable de lui, et surtout redevable.

– On est loin du camp ? Demandé-je alors qu'on marche côte à côte.

– Un peu, oui. Vous ne marchez pas très vite.

Je baisse le regard, Erwin se contente de regarder Le Warg qui trotte devant nous mais je vois son petit sourire en coin.
Voilà qu'il me taquine.
Je le pousse ce qui le fait rire et on se chamaille tout en marchant.



Erwin n'avait pas exagéré, on était assez loin du camp.
On marche tout en discutant de tout et de rien. J'apprends ainsi qu'Erwin aime la pêche, une passion transmise par son père. Je n'ose pas trop aborder ce sujet mais j'ai l'impression qu'il pense vraiment les retrouver, un jour ou l'autre.
Je l'espère aussi, pour lui...
On finit par arriver aux abords du camp. Des soldats en faction nous adresse un signe de tête, ça ne doit pas être ceux roulés par Erwin mais celui-ci prend quand même la précaution de se cacher derrière moi.
Alors qu'on arrive tout près des tentes, j'aperçois la jeune fille, amie d'Erwin, qui semble examiner le sol dans la pénombre qui s'installe.

– Comment elle s'appelle ? Demandé-je alors qu'Erwin la regarde aussi.

– Aglaë. Elle doit chercher des fleurs, elle adore les violettes.

Je souris avant de m'accroupir au sol. J'y appose mes mains puis je me concentre. J'ai vraiment gagné en contrôle, j'arrive sans peine à faire jaillir du sol de grosses fleurs violettes. J'en cueille une dizaine que je tends à Erwin qui me fixe, les yeux écarquillés.

– Va lui offrir.

Le regard du garçonnet passe des fleurs à moi puis au sol et inversement, il est émerveillé. Ses yeux brillent et il me sourit. Un sourire radieux, plein de reconnaissance et de vie.

– Merci.

Il dépose un vif baiser sur ma joue avant de filer. Amusée, je le regarde rejoindre la belle Aglaë. Ils sont trop mignon tous les deux.
Soudain Le Warg redresse la tête et hume l'air avec insistance.

– Qu'est-ce que tu sens ? Soufflé-je en lui effleurant l'oreille.

Il me répond de la Magie, une étrange magie. Perplexe, je décide de remonter sur la colline. La nuit est en train de tomber et je ne vois plus aussi loin que tout à l'heure mais je sais que derrière l'horizon vallonné se tient Isengard, et Fangorn.
Chez moi...
On devrait y être demain, j'ai hâte à présent.
Le vent frais me fait frissonner. Je ne ressens pas la magie dont parle Le Warg mais je la devine sans peine.

– Isil, vous pouvez venir ?

Je me retourne pour voir Legolas me faire de grands signes. Il a l'air bien content ce qui m'interpelle. Curieuse, je redescends de la colline, peut être un peu trop vite car je manque de déraper dans les gravillons fourbes cachés par les herbes. Je parviens à rétablir mon équilibre et je prie pour que personne ne m'ait vu.

– Vous avez toujours sut faire des entrées remarquées, Isil.

Surprise par cette voix moqueuse qui me rappelle vaguement quelque chose, je relève le regard puis je me fige, stupéfaite.

– Bonjour, Isil, me fait alors Elrohir.


Fin du chapitre
Là, vous me maudissez ? Me haïssez ?
Je le sais et j'aime bien ça xD

J'adore couper aux meilleurs moments pour vous faire languir ! (oui, en fait, je suis méchante ^_^)

Tome 2 - La Lune Ardente de FangornWhere stories live. Discover now