38 - Altercation et rencontre

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Assise sur les marches de la maison de mon frère, je rêvasse.
Par le portail resté ouvert, je vois l'activité des dépendances sans y participer. Ça me fait bizarre de me retrouver ici mais je suis contente.
Surtout que Feaurl m'évite. C'est la meilleure chose qu'il pouvait faire...
Plongée dans mes pensées, j'ai un sursaut en voyant Legolas s'arrêter devant le portillon.

– Nous n'allons plus tarder à partir pour l'Isengard.

Enfin une bonne nouvelle.
Je me lève et le rejoins.

– Vous êtes des nôtres ? Me demande t-il alors que j'arrive à son niveau.

– Pour sûr.

Legolas me sourit avant de se tourner vers la rue. Je suis son regard et je vois mon frère qui discute toujours avec Théoden.

– Le Roi est impressionné par le fonctionnement des dépendances, m'apprend Legolas. C'est une communauté collaborative très bien pensé.

– Anar a toujours d'excellentes idées quand il s'agit de faire vivre des gens ensemble. Tout le contraire de moi...

Legolas se permet un rire que je prends mal. Je le fusille du regard mais rien ne le fait se départir de son sourire.

– Anar est aussi avenant que vous êtes méfiante et aussi sociable que vous râleuse.

Merci...

– J'adore votre façon de me complimenter, soupiré-je. Vous tentez d'imiter un Nain ? Vous y arrivez très bien, Gimli devrait vous jalouser. D'ailleurs où est-il ?

Soudés par nos voyages éreintants et toutes nos récentes batailles, il est rare qu'ils ne soient pas ensemble, surtout quand il s'agit de me taquiner.
Legolas rit de bon cœur avant de reprendre.

– Il est en train de dévaliser les réserves de votre frère.

Mon rire se joint à celui de Legolas, j'imagine que trop bien Gimli en train de se goinfrer sans vergogne.
Alors qu'on se calme, Elladan et Elrohir arrivent vers nous.

– Quelle est la raison de cette hilarité ? Demande Elladan curieux.

– C'est une longue histoire, répond Legolas, enjoué. Une histoire d'amitié taquine.

Il me pousse du coude et j'enfonce mes doigts dans ses côtes.

– C'est surtout vous qui est taquin, répliqué-je.

– Qui aime bien, châtie bien.

Je pouffe avant de reprendre.

– J'ai pas oubliée le coup du distributeur de boissons chaudes.

Legolas s'esclaffe et je l'imite.

– Visiblement on a raté pas mal de choses, mon frère, reprend Elladan en nous regardant.

– Des choses hilarantes, enchaîne Legolas. Mais nous devrions nous en arrêter là avant de faire naître de la jalousie.

Il sourit à Elrohir qui s'empourpre aussitôt. Le pauvre, il n'a rien dit mais ça fait rire Legolas et Elladan. Je lui adresse un sourire s'excuse, on est devenu un véritable sujet de moquerie de ces deux harpies.
Penaud, Elrohir se contente de hausser les épaules.

– Il n'y a vraiment que les Oreilles-pointues pour jacasser ainsi !

Je me tourne pourvoir Gimli, saucisson en main, arriver vers nous.

– Et les Nains pour se faire remarquer alors qu'ils pillent un garde manger, répliqué-je.

Gimli cache le saucisson dans son dos mais je ne me démonte pas pour autant ce qui l'oblige à reprendre.

– Vous savez, moi j'ai besoin de manger et pour une Elfe qui est censée aimer les mets raffinés, vous ne cuisinez pas beaucoup, donc. Remarquez, vous risqueriez de tout carboniser.

Ces crétins d'Elfes s'esclaffent à nouveau tandis que je tique. Il est pas bien ce Nain ?

– Je vous trouve bien ingrat pour un Nain que j'ai sauvée de la noyade, dans une flaque d'eau qui plus est.

Gimli rit bruyamment vite imité par Legolas et les jumeaux.

– Isil, pourquoi tourmentes-tu ce pauvre Nain ?

Je tourne la tête pour voir qu'Anar en a finit avec le Roi et vient vers nous. Je bafouille et Gimli me prend de vitesse.

– Si vous saviez ce qu'elle me fait endurer. Elle ne rate jamais une occasion...

Il a perdu la tête ou quoi ?

– Mais non, c'est pas vrai !Je suis une des première à prendre votre défense et...

Soudain je comprends.

– Vous vous foutez de moi ?

Un rire commun me répond.
Pour Legolas et Gimli, j'y suis habituée et les jumeaux suivent assez souvent mais Anar... il m'a bien eu.

– Je vous déteste... soufflé-je, honteuse.

Leurs rires s'accentuent et je me concentre sur le bout de mes bottes.
Lorsqu'enfin ils se calment, Anar m'effleure la joue. Il se régale de la situation et je ne peux lui en vouloir.

– Vous allez venir avec nous en Isengard ? Lui demande alors Legolas sur le ton de la conversation.

Anar m'interroge du regard, ce qui est étrange. Il est libre de faire ce qu'il veut et qu'il me demande mon avis me touche.

– Je n'y vois pas d'inconvénients, tant que tu es prudent.

– C'est toi qui me dis ça, s'amuse t'il.

Je ris mais alors je vois que Théoden et Aragorn parlent à Feaurl. Mon hilarité s'estompe quasiment aussitôt. Je doute que Feaurl parle de moi en bons termes.

– Ces dépendances sont vraiment un bel endroit, reprend Elladan. Il fait bon vivre ici.

– J'ai fait de mon mieux, je suis content que cela vous plaise.

Je les écoute d'une oreille et je ne peux m'empêcher de frissonner quand Aragorn, suivit de Feaurl, vient à nous.

– Nous allons partir pour Isengard, mes amis, nous apprend notre rôdeur.

– Qu'allez-vous faire là-bas ? Demande alors Feaurl.

Je ne sais si Aragorn ne l'avait pas entendu le suivre ou si c'est son ton sec qui lui déplaît, mais il se stoppe et lui fait face. Feaurl semble soudain hésitant. Aragorn dégage une aura bien plus impressionnante que la mienne.

– Nous allons nous confronter à Saroumane, fait alors Gandalf en arrivant avec Théoden. Puis nous prendrons la route du Gondor.

Théoden ne dit rien mais je le sens mécontent. Visiblement, il n'a toujours pas prit sa décision.
Feaurl jette un regard en biais au magicien avant de fixer avec sévérité Anar qui se sent obligé de se justifier.

– Je... je vais les accompagner, puis nous reviendrons.

Je n'aime pas la manière dont Feaurl s'impose à mon frère. Il lui met la pression et le met volontairement mal à l'aise. Je connais très bien ce regard qu'il lui adresse, il tente de le faire culpabiliser pour qu'il fasse ce que lui veut.

– Vous n'irez pas en Isengard, il...

– Il fait ce qu'il veut.

Je n'ai pas put m'en empêcher et je soutiens le regard de Feaurl. Il peut s'en prendre à moi mais pas à Anar. Et malheureusement, je n'ai pas son caractère docile.
Le silence tombe comme un brouillard. Mes amis sont interdis, seul Gimli semble amusé et Aragorn le fixe d'un regard entendu.

– Il est assez grand pour décider où il veut aller, repris-je tout bas.

Feaurl fulmine. Je ne sais pas s'il aura le cran de s'énerver devant autant de personnes, ce n'est pas comme crier sur une enfant apeurée. Je ne suis plus une enfant apeurée.
Feaurl fait un pas en avant et je l'imite aussitôt. Hors de question qu'il gagne du terrain sur moi. Ma réaction le surprend et sa colère lui échappe.

– Vous ne pouvez pas revenir ainsi et penser que tout va changer juste parce que vous le voulez !

– Je ne veux rien et je sais très bien qu'il n'y a rien à avoir de vous.

Feaurl tique, surprit, et je me permets un nouveau pas en avant. Je le défis du regard sans ciller tandis que les autres nous regardent sans oser intervenir. C'est à moi de régler ça.
Feaurl recule avant de s'agiter.

– Vous... Vous ne vous souciez de rien d'autre que vous ! Vous n'êtes qu'un oiseau de malheur !

Cette phrase fait écho en moi, elle me rappelle un mauvais rêve, une vision d'horreur. Un frisson me remonte le long du dos mais je sais qu'il a tord, je ne suis pas comme ça. Je le sais à présent.

– Vous n'êtes qu'une égoïste qui pense que le monde entier doit souffrir parce que vous vous souffrez ! Je...

– Vous en êtes en partie responsable ! M'écriai-je. Si l'enfant apeurée que j'étais est devenu une personne sombre et malheureuse c'est parce que vous n'avez rien fait pour m'aider ! J'avais besoin qu'on apaise, qu'on m'apprenne, pas qu'on me rabaisse et qu'on me rejette comme vous l'avez fait ! Vous et votre incompétence pathétique avez fait de moi ce que je suis.

– Je ne suis pas responsable de ce que vous êtes ! J'ai tenté de...

– Alors pourquoi il a fallut que je partes au confins de la terre du Milieu pour apprendre qui je suis ? C'est lamentable mais j'ai plus apprit en quelques mois loin de vous qu'en plusieurs décennies en votre compagnie, alors remettez vous en question.

J'avance encore, confrontant Feaurl qui n'a d'autres choix que de reculer. Il craint mon feu plus que quiconque.
On se fusille du regard comme des chiens prêts à se battre. Je sais que ça peut déraper à tous moments mais je n'ai pas peur. Je ne baisserai plus les yeux, je ne me laisserai plus faire maintenant que je connais la bienveillance d'un ami, le soutien dans l'épreuve.
On se fixe sans ciller durant quelques secondes puis Feaurl reprend son calme.

– Faites ce que vous voulez mais Anar...

– Anar fait ce qu'il veut, ce n'est pas votre fils et c'est Mon frère.

– J'aurai préféré que ça ne soit pas le cas, vous auriez dut mour...

– Feaurl !

Plus que l'horreur que s'apprêtait à dire Feaurl, c'est le cri qui me fait sursauter. Je fulmine, prête à cramer ce vieil Elfe déglingué, mais je préfère me retourner. Les autres ont la mine grave, je lis la désapprobation sur leurs visages, les paroles de Feaurl ne passent pas.
Anar a pâlit, sûrement choqué par ce qui allait se dire. Il fixe Feaurl puis s'avance, me devance et se place devant moi.

– J'ai du respect pour toi mais il y a des choses qu'il ne faut pas dire.

– La colère m'a échappée, répond Feaurl à nouveau maître de lui. Venez, nous devons organiser l'accueil de tous ces Hommes.

– Tu n'as pas à décider pour moi. J'ait oujours suivi tes directives sans rien dire mais aujourd'hui les choses sont différentes. Je vais en Isengard, avec Isil.

Le ton calme d'Anar m'impressionne. Il est posé, clair et réfléchit, même Feaurl ne trouve rien à répliquer. Il bafouille puis s'agite mais Anar le stoppe d'un geste.

– Tu as peut-être du ressenti envers ma sœur mais elle n'est pas contre nous. Tu dois le comprendre. Maintenant laisse nous.

Feaurl ne sait visiblement plus quoi penser, il se contente de fixer Anar. Je vois toutes les émotions, la surprise, l'incompréhension puis la colère dans ses yeux. Il m'adresse un regard assassin auquel je réponds en me penchant en avant. S'il veut se battre je suis prête. Anar me prend le bras comme pour me retenir tandis que Feaurl reporte son regard sur lui. Il le fixe, tentant certainement de le faire changer d'avis puis, voyant qu'il n'a plus d'influence sur Anar, il s'en va sans un mot.
Je n'en reviens pas. Déjà Anar a prit ma défense puis il a défait Feaurl juste avec des mots. Moi, j'étais prête à lui encoller une...
C'est ma forme de diplomatie.

– Ça va ?

Je reconnais la voix d'Elrohir dans mon dos.
J'ai le souffle court et je sens mon feu couver sous ma peau mais je hoche la tête. Je sais me contrôler.

– Il fallait que ça sorte... Il a juste fait revenir le relent d'un mauvais rêve.

– Vous avez bien gérée, fait Elrohir, hésitant. Surtout au vu de ce qu'il vous a... fait.

– C'est surtout ce qu'il n'a pas fait qui me déçoit.

Je secoue la tête avant de m'en aller sans un mot de plus. Je reste droite malgré tous les regards que je sens braqués sur moi.
J'ai mal mais j'ai dit ce que j'avais à dire. Je ne suis pas la seule responsable de mon isolement social et de ma difficulté à gérer mes émotions. Je sais maintenant de quoi j'ai manquée.
Moi, je n'étais qu'une enfant mais Feaurl était un adulte, il avait le devoir de m'aider. Et il ne l'a pas fait.

Tome 2 - La Lune Ardente de FangornOnde histórias criam vida. Descubra agora