Chapitre 7

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— Je... je ne cache rien ! je réponds paniquée.

Ses mains m'enserrent le cou. Et serrent. Si fort que très vite je ne peux plus respirer. J'essaye de lui faire lâcher prise mais je n'y arrive pas. Je suffoque. Même à travers mes larmes, son expression haineuse me terrifie. Je suis à deux doigts de perdre connaissance quand il me relâche. Je m'écroule par terre en prenant de grandes respirations douloureuses. Vivien s'agenouille près de moi en ricanant. Son souffle me glace le visage.

Je dois m'échapper. Courir sans m'arrêter. Je me fiche de savoir ce qui va m'arriver ensuite. Mais je n'arrive pas à bouger. Je suis prise au piège. Les pierres s'enfoncent dans mon dos et ce fumier me barre le chemin. Je n'ai pas réussi à lui faire relâcher sa prise, ce serait illusoire de croire que j'ai une chance de le repousser. Même en y mettant toute ma force.

— Je sais qui tu es, Mélanie. Tu ne trouveras rien à leur mettre sous la dent ici. Tes copains vont être sacrément déçus. (Il m'a chuchoté ces mots dans l'oreille. C'est pire que s'il les avait criés.) Qu'est-ce qu'ils t'ont promis en échange pour ton frère ? De la nourriture ? Des médicaments ? Du bois ? Tu ne serais pas la première à venir ici comme espionne.

— Je... je ne travaille pas pour les Veilleurs...

J'ai beau essayé de ne pas y penser, mon cerveau me hurle qu'avec tous ces champs à perte de vue, dissimuler un corps doit être un jeu d'enfant.

Rien de ce que je pourrais lui dire ne convaincra Vivien qu'il se trompe : je débarque dans sa vie un beau matin alors qu'il n'a rien demandé, même moi je me poserais des questions. Pourtant, je ne peux pas lui dire la vérité. Si j'avoue que mon frère a payé le prix fort pour m'obtenir cette union, il sera traqué et exécuté pour avoir transgressé je ne sais combien de lois. Même s'il a réussi à se mettre un Veilleur peu scrupuleux dans la poche au sein du bureau des renseignements, il est clair que cet homme ne lèvera pas le petit doigt pour l'aider. Pire, Pierre disparaîtrait vite pour qu'il n'ait pas le temps de donner le moindre nom. Perronne se retrouverait veuve avec un bébé sur les bras. Son dossier sera placé en bas de la liste pour une nouvelle union. Et alors, qui les nourrira ? Qui prendra soin d'elles ? Je me moque du sort de ma belle-sœur, mais de sa survie dépend celle d'Emma.

Je dois protéger mon frère et ma nièce coûte que coûte. 

Je sens monter en moi un courage trop longtemps étouffé. L'espace d'un instant, j'oublie ma peur. Les règles. Qui je suis. Je relève la tête et je braque mes yeux dans les siens. Mon frère et Emma doivent vivre. 

— Je ne ferai rien qui puisse vous mettre en danger. Toi, ton oncle... Personne.

— Tu mens.

— Je dis la vérité. Je ne suis pas venue vous espionner.  

— Tu mens !

J'inspire. J'expire. Doucement. Paniquer ne m'aidera pas. Vivien a les mâchoires serrées, mais il écoute.

Je ne suis pas idiote. Ici comme ailleurs, la vie, les lois, sont tellement dures que personne ne peut se vanter d'être blanc comme neige. On fait juste en sorte de ne pas se faire prendre.

— Peu importe ce que ta famille essaye de cacher. Des stocks de nourriture volés ou un commerce illégal... Je ne vous dénoncerai pas. Tu es mon époux, vous êtes mon unique famille maintenant. Je ne suis pas ici à cause des Veilleurs. Je suis ici parce que ma belle-soeur ne veut plus de moi chez elle.

Une demi-vérité, c'est mieux qu'un mensonge qui se retournerait contre moi. Je la laisse atteindre son cerveau. Je lui laisse le temps d'imaginer tout ce que la femme de mon frère a pu faire pour obtenir mon union. Tout ce qui peut se passer entre un homme et une femme. Les Veilleurs sont les garants de la Grande Moralité, mais certains plus que d'autres. J'ai entendu des rumeurs comme quoi certaines femmes trompaient leur époux pour un légume en plus. Pierre me l'a dit. Même en disséquant un coeur, on ne sait jamais à quoi s'attendre... Mélissa était le portrait craché de Perronne. Et elle est morte. Qui sait quels secrets pourris ma belle-soeur cache dans son coeur ? 

Je me tais et j'attends. La gifle. La répudiation. N'importe quoi. Vivien me jauge et me juge sans émettre le moindre son. Je tiens bon. Je ne tremble pas. Je ne baisse pas les yeux. Je ne cille même pas. Je me moque de ce qui peut arriver à Perronne, c'est sa faute après tout. Tant pis pour elle. Mon frère pourra toujours demander une autre épouse pour s'occuper d'Emma s'il lui arrive quoi que ce soit. 

Vivien semble hésiter entre l'envie de me secouer pour me faire avouer tous mes secrets et celle de me jeter dehors.

Mais aussi celle de me croire. Il hésite. Son regard glisse sur mon visage, mes joues creuses. Nous le savons tous les deux, ça ne prouve rien. Si tous les espions étaient en bonne santé, ils seraient facilement repérables.

— Disparais de ma vue.

Il m'abandonne pour faire sauter le cadenas de ma valise. Je me détourne pour me rendre dans la cuisine pendant qu'il vide son contenu. Qu'il cherche, il ne trouvera rien de compromettant.

Je me relève en m'accrochant au mur. Mes mains sont moites. Je les essuie discrètement sur ma robe, en m'empressant de filer. La moindre parcelle de mon courage a fondu.

Du bruit me parvient de la cuisine. Pauline est de retour. 

Sous ce toit, on ne veut clairement pas de moi. J'ai commis des erreurs avec Perronne. Je vais devoir faire des efforts avec cette femme, si je ne veux pas que cette journée soit la dernière.


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Coucou les amis, 

Ce court chapitre m'a donné du fil à retordre. J'espère qu'il vous a plu. Mélanie devait se défendre sur sa situation sans pour autant se montrer complètement impolie. C'est plus facile quand l'héroïne peut hurler son innocence. lol 

Certains m'ont dit que Vivien faisait partie de la Résistance. La théorie est intéressante. En avez-vous d'autres ? ^^

Je vous dis à la semaine prochaine pour un nouveau chapitre.

Bisous.

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