HARMONIA - Tome 1 : HERITAGE (Disponible en ebook et abonnement KINDLE)

Chapitre 29

Vivien m'attend devant l'ascenseur. Je suis encore sonnée par tout ce que j'ai appris sur le monde qui s'étend au-delà des murs des Quartiers. Une partie de moi refuse encore d'y croire. J'ai du mal à soutenir son regard et cela n'a rien à voir avec les règles que j'ai connues jusque-là.

— Tu as pris une décision ?

— Non. 

J'ai besoin de comprendre, de voir, d'assimiler toutes ces nouvelles informations qui m'apparaissent complètement dingues.  

— Il t'a affectée à une unité ?

— Non. Il m'a dit de rester avec toi.

Je m'y attendais, cette annonce ne lui plaît pas. À moi non plus. Toutefois, je n'ai aucune envie de passer mes journées à récurer le sol ou à éplucher des pommes de terre. J'ai trop de questions en tête et je veux des réponses. Je veux comprendre et voir de mes propres yeux tout ce qu'on a toujours voulu me cacher. D'accord ou pas, nous sommes pour le moment forcés de se supporter. Je ne bronche pas quand il me ramène à l'infirmerie pour que je subisse des examens complémentaires. Ombeline est toujours endormie, mais une fille avec une longue blouse blanche (la même fille que sur la photo du bureau) m'assure qu'elle va bien. Elle est jeune, pourtant elle semble à l'aise dans son rôle d'infirmière (elle se présente à moi comme telle). Elle m'accorde un sourire en m'affirmant que le rouge me va très bien et que si je le souhaite je peux même garder son pull. Je refuse poliment et le lui rends. Chaque cadeau a un prix, il n'est pas question de lui être redevable. J'évite autant que possible de croiser son regard. 

Elle tire le rideau qui me dissimule de Vivien pour m'examiner, jusqu'à ce qu'elle soit convaincue que je n'ai plus besoin de rester alitée. Elle m'encourage à aller voir un de ses collègues si je ressens le besoin de parler. D'après elle, j'ai reçu un choc émotionnel important qu'il ne faut pas prendre à la légère. J'oublie immédiatement son nom, je ne compte pas raconter ma vie à un inconnu. Ou quoi que ce soit d'autre d'ailleurs. Elle me confie ensuite des "comprimés" à avaler avec un peu d'eau. Ils m'aideront à dormir si j'en ressens le besoin. Ça ne me dit rien qui vaille. Je les accepte néanmoins pour montrer ma bonne volonté.

Vivien n'est pas resté. Je découvre Chantal qui m'attend tranquillement sur un lit pour me conduire au dortoir. Elle est ravie que je reste avec eux. Je ne sais pas ce que Vivien lui a dit exactement, mais elle est persuadée que j'ai pris la décision de rejoindre le groupe des passeurs. J'évite tout commentaire sur la directive de Lucien de les affecter à d'autres missions et je me contente de la suivre dans les longs couloirs. Ma tenue et mon visage interpellent les gens que nous croisons, mais personne ne nous arrête. Chantal marche la tête haute et, peu à peu, je finis par l'imiter. Il me faut du temps pour être totalement sûre que je ne risque vraiment rien. C'est nouveau et terriblement... grisant. Ma nouvelle camarade a un petit rire. Elle devine sans mal mes pensées.

— T'es une sacrée nana, Mélanie. D'ordinaire, quand les gens découvrent la vérité, ils ont une trouille pas possible. Et ça, c'est quand ils nous croient. Notre mission est compliquée : on doit convaincre qu'ils sont enfermés dans une cage et que nous avons les moyens de les en sortir. Pour tous, il n'y a rien derrière les murs. Quand on leur explique ce qui se passe, les réactions sont souvent un rejet pur et simple, même si on leur met des preuves sous le nez. Toi, ça n'a pas l'air de te poser plus de problèmes que ça...

— En fait, je ne suis pas sûre d'avoir tout compris, j'avoue en examinant tout ce qui m'entoure.

— Si c'était le cas, cela voudrait dire que tu travailles pour l'ennemi. (Son expression a complètement changé. Elle me dévisage comme un chat sur le point de se jeter sur une souris.) Si j'ai le moindre doute sur toi, je devrais te tuer.