Chapitre 13

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L'eau est glacée. Plus je me débats et plus on m'enfonce la tête dans la cuve. J'essaye de retenir ma respiration, mais très vite je n'y arrive plus.

Soudain, l'air s'engouffre à nouveau dans mes poumons. Mon cœur est sur le point d'exploser. Le simple fait de respirer m'arrache des larmes. Je perds l'équilibre, mais des mains me rattrapent et me maintiennent de force au-dessus de la cuve.

— Encore.

D'instinct, je ferme la bouche. Je n'ai pas le temps de prendre ma respiration. Je suis à deux doigts de perdre connaissance.

Puis, une nouvelle fois, on me tire brutalement la tête en arrière. Des points noirs s'agitent devant mes yeux. J'ai si froid que je tremble de tous mes membres. Ma gorge me brûle. De l'eau me dégouline des cheveux et me coule sur le visage. J'arrive à peine à garder les yeux ouverts.

L'homme en costume m'écartent doucement les mèches qui retombent sur mon front. Je ferme les yeux pour ne pas croiser son regard.

Et je respire.

Je respire autant que je peux. Vite. Bruyamment.

— Mélanie Collin. Depuis le temps que j'entends parler de toi... Je suis ravi de faire ta connaissance. Allons, nous pouvons bien faire une petite entorse à la règle de temps en temps. Regarde-moi. Obéis, ne m'oblige pas à me montrer brutal avec toi.

Je soulève lentement mes paupières.

C'est la première fois que je vois un Veilleur sans son uniforme. Sans un masque pour dissimuler son visage. Sa peau est rougie, comme s'il était resté toute une journée sous un soleil de plomb. Ses cheveux courts sont d'un blond presque roux et ses yeux bleus témoignent de son amusement.

Il fait signe au Veilleur qui me tient de me relâcher.

— Mon nom est Adam Aubry. Je suis le coordonnateur des opérations de surveillance du Deuxième Quartier. Tu me pardonneras ces méthodes un peu archaïques, je veux juste m'assurer que j'ai toute ton attention.

— Mélanie fera tout ce que vous voulez !

Mon coeur fait un bond dans ma poitrine. Je tourne la tête pour découvrir mon frère entouré de deux Veilleurs. Il ne porte aucune marque de blessure, mais son visage trahit son angoisse.

— Ta sœur a eu assez de temps. Quatre jours ! Et que m'a-t-elle apporté comme information ? Absolument rien.

Le canon d'une arme se presse contre ma tempe. Pierre est poussé sauvagement vers moi. Il s'écroule à mes côtés. Aussitôt, un Veilleur le menace de son fusil.

— Il faut croire qu'elle est aussi inutile que toi.

— Attendez ! Mélanie... Elle n'est au courant de rien, je ne voulais pas qu'elle se trahisse dès son arrivée ! Elle a juste besoin de temps. Un jour. Peut-être deux ! Je sais qu'elle pourra les faire tomber. Laissez-lui deux jours, je vous en prie !

Nos regards s'accrochent. Ses mâchoires se crispent.

Je ne comprends pas.

Je ne veux surtout pas comprendre.

— J'allais tout lui expliquer ce matin. Au marché. Je vous assure ! Nazaire est très méfiant, il ne laisse personne l'approcher. Sa famille non plus. S'infiltrer... c'était la seule solution ! Mais si Mélanie s'était fait prendre, tout aurait été fichu ! En ne lui disant rien tout de suite, elle aurait fini par gagner leur confiance ! Peut-être même qu'elle aurait fini par intégrer leur réseau d'une manière ou d'une autre !

Il marque un arrêt pour me lancer un regard décidé.

— Je sais que ce plan peut fonctionner. Vivien commettra forcément une erreur, ce n'est qu'un gamin. Si Mélanie joue la gentille petite épouse, il finira par baisser sa garde, il lui confiera des choses. Vous aurez vos renseignements.

L'autre reporte son attention sur moi.

— Très bien. Si tu ne veux pas que notre accord soit remis en cause, ta sœur a plutôt intérêt à assurer son rôle jusqu'au bout.

Pierre hoche la tête.

— Je vais vous laisser en discuter tous les deux. Assure-toi qu'elle me donne ce que je veux et très vite. Ma patience a des limites.

— Elle nous aidera.

— Je vous donne deux jours, pas un de plus. C'est la dernière chance que je te donne.

— M... Merci, bafouille Pierre. Je vous promets qu'on réussira.

On me retire mes menottes. L'instant d'après, je me retrouve seule avec mon frère.

Je ne songe pas un instant à baisser les yeux devant lui, je suis trop choquée par son absence de culpabilité. Il ne fait pas un geste vers moi. Il se contente de me fixer comme s'il était prêt à se défendre à la moindre attaque.

Je ne peux pas le croire.

Je refuse d'y croire !

Je secoue la tête. Ce n'est pas possible. Non ! Mon frère n'est pas un traître. Mon frère est gentil.

Mon frère est un héros.

Et pourtant.

Des larmes me montent aux yeux.

— Tu... Tu travailles pour eux...Tu... tu es un traître !

Ce dernier mot le renfrogne.

— Ne me regarde pas comme ça. Quand nos parents sont morts, j'étais un gamin, et toi n'en parlons pas. Nous n'avions pas d'argent, tous les biens de papa étaient confisqués. Ce que j'ai fait, les décisions que j'ai prises, c'était pour nous. Pour toi ! Pour qu'on survive. Je n'ai eu pas le choix.

Je me recroqueville sur moi-même. Je ne veux plus l'entendre. Je me bouche les oreilles. Il m'écarte de force les mains. Je lutte pour qu'il ne me touche plus. Ses doigts se resserrent autour de mes poignets.

— Ne joue pas à ça avec moi. Tu veux berner tout le monde avec tes airs innocents, mais je ne suis pas idiot. Je t'ai élevée, je sais qui tu es derrière cette façade que tu aimes tant montrer aux autres. Tu n'es pas une héroïne, Mélanie. Dès que ça sent le grabuge, tu t'empresses de vite passer ton chemin. Tu ne vaux pas mieux que moi, alors ne me juge pas.

Il me relâche. Ma vue est brouillée par des larmes. De colère, cette fois. Contre lui. Contre moi. Je serre les poings.

— Tu n'as pas la moindre idée de ce que j'ai dû faire pour te sauver à chaque fois que tu te comportais comme une sale gamine. J'ai peut-être du sang sur les mains, mais c'est aussi ta faute.

— Qu'est-ce que tu as fait ? j'articule avec difficulté. 

HARMONIA - Tome 1 : HERITAGE  (Disponible en ebook et abonnement KINDLE)Where stories live. Discover now