Chapitre 16

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Il y a une petite cour arrière, entourée de vieux murs suffisamment hauts pour me convaincre de ne pas tenter l'escalade. J'ai beau tendre le cou, je ne vois que des bûches entassées sous un abri au toit en tôle, une énorme caisse vide, une brouette sans roue et les toilettes extérieures en bois, où paraît-il les gens de la campagne se soulageaient dans un seau. J'avoue que l'odeur qui se dégage de cet endroit ne m'a jamais donné envie de pousser mon inspection plus loin.

Jusqu'à aujourd'hui.

Je suis prête à creuser la terre avec les dents s'il le faut.

Si la neige tombe de temps à autre, la cour est comme la grande place : avec les passages réguliers, la terre est recouverte d'une fine couche de boue. Contrairement à Pauline, Nazaire ou Vivien, j'ai des petits pieds, alors pas question de laisser des traces de mon passage dans ce périmètre. Je vais devoir me montrer prudente.

Il n'y a pas de bruit dans la maison. Soit Pauline est silencieuse, soit elle est sortie. Il n'y a qu'une seule façon d'en avoir le cœur net. Je m'avance vers la porte et j'y colle une oreille. Après une dernière hésitation, j'abaisse lentement la poignée et je jette un coup d'œil dans le couloir. Il est désert. Je vérifie les chambres, le salon et la cuisine. La tante de Vivien a tout laissé en plan. Elle se dit probablement qu'elle aura assez de temps devant elle pour faire ses petites affaires et rendre la maison impeccable avant mon réveil.

Dehors, les femmes se sont rassemblées. Elles passent d'une maison à une autre pour prêter main forte, ranger ce qui doit l'être et, surtout, clouer des planches aux fenêtres pour empêcher le froid de s'infiltrer dans les logements. Encore une différence importante avec la ville : d'où je viens, personne n'aurait levé le petit doigt pour aider sa voisine.

J'aperçois Pauline. Elle discute avec une vingtaine de villageoises. Ou plutôt, elle tente de les calmer. Même sans les entendre, je sais de quoi elles parlent. Et de qui. Des mains se lèvent pour désigner ma nouvelle maison. Je suis tentée à plusieurs reprises de me réfugier au plus vite sous ma couverture, mais cela ne me sauvera pas. Pauline peut toujours m'assurer qu'elle me défendra contre le village, si ces femmes décident malgré tout de débarquer en force ici, elle ne pourra rien faire pour les en empêcher. J'ai beau savoir mentir comme une arracheuse de dents, je suis convaincue qu'elle sait que je ne lui ai pas tout dit. La drogue dans la boisson le confirme, elle ne me fait toujours pas confiance. À juste titre.

Mon sang tambourine plus fort dans mes tempes. J'essuie mes mains moites sur ma robe et je me force à prendre une grande respiration. Je n'ai pas le droit de flancher. Aubry ne me le pardonnera pas.

Arrête de réfléchir, Mélanie, et fais ce qu'il te demande !

Je serre les poings et je refoule la culpabilité qui me ronge en songeant que Pauline n'hésiterait pas à me tuer pour protéger Nazaire et Vivien, et tout ce qu'ils cachent.

Ma seule chance de m'en sortir est de frapper la première.

Je suis désolée.

Le temps presse. Je mets mon plan à exécution et j'inspecte les toilettes en ignorant chaque partie de mon corps encore douloureuse et l'odeur infecte qui m'entoure. Je tape du talon le sol. Il est gelé sans le moindre indice que la terre ait été retournée. Cet endroit est aussi large qu'un lit simple. À une autre époque, ce devait être un luxe de ne pas s'écraser les genoux contre la porte une fois assis. Quoi qu'il en soit, il est clair que les toilettes ne sont plus utilisées depuis des lustres. Je peste. Nazaire n'est pas assez bête pour cacher de la nourriture ou des armes dans un endroit aussi accessible et évident. Ou bien chez ses voisins, qui pourraient le trahir n'importe quand. Ce n'est pas le genre d'homme à accorder sa confiance facilement. Tout comme Vivien. Tout comme moi.

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