Chapitre 25

1.6K 192 12
                                    

Bonjour, les amis !

Cette fois-ci, j'interviens maintenant pour prévenir que ce chapitre comporte des scènes de violence qui peuvent heurter la sensibilité de personnes fragiles ou vulnérables.

**************************************************

Aubry porte à sa bouche un petit bâtonnet blanc et en brûle l'extrémité. Une odeur désagréable me pique les narines lorsqu'il souffle une fumée grise dans ma direction. Son sourire me glace le sang. Il m'a reconnue. La bile me monte à la gorge. Je suis terrifiée à l'idée qu'il parle, qu'il me dénonce, qu'il annonce à tout le village que je travaille pour lui. Tout ça l'amuse.

Deux Veilleurs sont postés près de lui, en attente des ordres.

— Rassemblez tout le monde.

Ses hommes s'exécutent au pas de course. Ils pénètrent dans toutes les maisons pour obliger la population à se rendre sur la grande place. Même les malades, les enfants en bas âge et les vieillards. Le corps de Marcelle est découvert et balancé comme un vulgaire sac poubelle dans la rue. Un juron et une menace filtrent entre les lèvres de Pauline et je suis encore plus terrifiée qu'on puisse l'entendre.

Des pleurs et des cris s'élèvent. Pauline m'intime du bout des lèvres de ne pas faire un geste, pendant que de jeunes enfants courent en criant vers le corps inerte de Marcelle. Deux femmes parviennent à les rattraper et à les contenir dans leurs bras. Où que je regarde, je ne vois que des Veilleurs, des armes, des caméras et des véhicules de toute sorte. Le village est cerné.

Un coup de feu me fait sursauter d'effroi. Une jeune fille vient de s'écrouler, une balle en pleine poitrine. Je n'ai pas vu ce qui s'est passé. Une autre dénotation se fait entendre : un Veilleur a tiré en l'air pour intimider un vieillard qui tente d'aller aussi vite que possible, tout son poids appuyé sur sa canne. D'autres détonations se succèdent. Tous ceux qui ne peuvent se rendre sur la place, qui refusent ou qui cherchent à s'enfuir sont exécutés.

Je suis tétanisée. Le vent souffle, glacial. Mon manteau et mon écharpe ne suffisent plus à me réchauffer. Des caméras circulent entre nous pour capter nos visages, nos expressions. Elles s'imprègnent de nos peurs et s'en délectent. Ces hommes ne portent pas l'uniforme des Garants de la Grande Moralité, mais des cagoules de couleur sombre et des lunettes foncées d'ouvrier, pour qu'on ne puisse pas les reconnaître sur les images retranscrites. L'un d'eux se penche pour mieux enregistrer chaque trait de mon visage. Je crispe les paupières, comme si cela allait changer quoi que ce soit.

Je tremble de tous mes membres.

Sous les ordres d'Aubry, nous sommes séparés en deux de chaque côté de la rue et je comprends vite comment : les plus forts d'un côté, les plus faibles de l'autre. Des enfants sont arrachés des bras de leurs mères. Je suis bousculée brutalement dans le deuxième groupe, mais Pauline me tire à elle, tandis qu'un Veilleur passe près de nous sans me voir. Nous nous serrons l'une contre l'autre pour que j'intègre le sien in-extremis. Je me retrouve coincée entre  Ombeline et sa mère, tandis que Pauline me dissimule autant qu'elle peut avec son propre corps.

On nous ordonne de nous tenir tranquilles, le dos tourné à la place. Au milieu de toutes ces femmes, j'étouffe. Je suis la plus petite, la plupart me dépasse de plusieurs têtes. Marie a vu les Veilleurs me pousser dans le premier groupe, comme si j'étais une femme ordinaire et inconnue. Nous nous affrontons en silence. Elle a compris. Ses mâchoires se crispent, mais elle ne desserre pas les dents. Discuter des mensonges maintenant ne nous aidera pas.

— Est-ce que tu sais quelque chose ? me murmure Pauline à l'oreille.

Je ne songe pas à me retourner, je ne peux pas. Je secoue la tête, nerveusement.

HARMONIA - Tome 1 : HERITAGE  (Disponible en ebook et abonnement KINDLE)Where stories live. Discover now