Chapitre 2 : Adieu, richesse

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Jamais je n'aurais pu imaginer Constantin si rapide. Il galope dans la montagne avec l'aisance d'un cabri. Estéban et moi avons passé la matinée à lui courir après, en nage et essoufflés. Cette fois-ci, je n'ai même pas pu faire semblant de maîtriser la situation. C'était trop d'effort pour mon corps délicat.

Du haut de la montagne s'étend un éblouissant panorama de la campagne. J'aime les panoramas. Un fleuve zigzague entre les maisons. L'herbe disparaît dans l'horizon comme un océan de verdure. La terre et le ciel se mêlent au loin.

— On est bientôt arrivés ? demande Estéban, exsangue.

— Oui, répond Cons d'un ton enthousiaste. L'arbre à vœux n'est plus très loin !

Nos tenues n'ont plus aucun sens. Nous sommes partis avec notre imperméable de rigueur, nous nous retrouvons en tee-shirt, pantalon de ski, gants et bonnet. Même Estéban a retroussé les manches de son col roulé.

Cons nous guide sur des sentiers escarpés, puis il quitte la route principale pour s'enfoncer au centre de la montagne. L'excitation me gagne à mesure qu'on avance sur le chemin mystérieux. Et si l'arbre s'avérait réellement magique ? Je dois faire un vœu, dans le doute. Mais quoi ? Je n'y ai même pas réfléchi. Je n'ai pas de besoin particulier. Je pourrais demander de l'argent. On n'en a jamais trop. Enfin si, Bill Gates, peut-être qu'il en a trop. Je dirais qu'on peut considérer qu'on est trop riche quand on dépense la moitié de sa thune dans des œuvres caritatives, mais qu'on possède toujours assez pour remplir son parking de cinquante places de Ferrari. Soyons clair, je suis loin de cette situation. Je vais prier pour de l'argent.

— Quitte à souhaiter un truc qui ne marche pas, je vais demander à l'arbre de mettre fin au réchauffement climatique, me dit Estéban d'air très sérieux.

Il a cessé de courser Constantin pour venir à ma hauteur. Notre ami avance vingt mètres devant, et cueille des champignons au passage. Mon pote est un vrai petit campagnard.

Maintenant qu'Estéban m'a annoncé son vœu, je me sens un peu nul. D'un autre côté, si je gagne de l'argent, j'aurai plus de chances d'agir sur le problème du réchauffement climatique qu'avec mon petit pécule... Ma propre excuse ne me convainc même pas. Je suis juste un connard égoïste.

— Et toi, qu'est-ce que tu vas souhaiter ? demande le brun.

Devenir un connard égoïste riche.

— Si je le dis à voix haute, ça ne fonctionnera plus.

Il glousse.

— C'est un truc sale ?

— Hein ? Comment ça, sale ?

— Je sais pas... Pécho Cons, par exemple.

— Pardon ?

Je rougis d'outrage. Je ne comprends pas pourquoi mon corps me fait un coup aussi mesquin, mais désormais, on dirait vraiment que j'entretiens un béguin secret sur Cons. C'est horrible, en plus d'être faux. Enfin, je crois. Il parle si souvent des filles que c'est un répulsif naturel.

Estéban me détaille d'un air sournois. Je bégaye de la merde, et prie pour qu'il croit que mes rougeurs sont dues à la randonnée. Vu sa tête, c'est peine perdue.

— On est juste amis, Cons et moi.

— Vous faites plein de blagues de cul.

— Comme tout bon hétéro ouvert d'esprit qui se respecte. Trop d'ambiguïté tue l'ambiguïté, tu vois ?

Il ne voit pas.

— Mmh...

— Et puis toi aussi, tu fais plein de blagues de cul.

On s'était dit qu'on préférait les fillesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant