#9 - LOUISE

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— On devrait pas continuer... Julien serait jaloux, murmure Cons, les joues roses, le corps lourd et tremblant.

Il s'est à peine écarté d'Estéban, qui se mord les lèvres en fixant les siennes. Son regard est sombre, orageux, prêt à lancer des éclairs. Cons se dit que son cœur risque d'exploser s'il continue de le détailler de cette façon, avec cette indécence. C'est comme s'il avait subitement pris conscience d'une évidence, d'un désir qui planait sur eux, entre eux, depuis qu'ils s'étaient rencontrés, et qu'il n'avait jamais remarqué jusque-là.

— Julien est en train de se taper Louise, rétorque Estéban.

— Je sais.

Ses yeux dévient enfin de sa bouche. Ils s'observent désormais, sans bouger, à quelques centimètres l'un de l'autre. Estéban se mordille toujours l'intérieur de la lèvre. Cons déglutit.

— Me regarde pas comme ça.

Estéban souffle, peste intérieurement et s'éloigne. Désormais assis en tailleur, les fesses vissées sur le parquet, il lance :

— Ouais. T'as raison. Julien serait jaloux.

— Oui.

— Mais t'as vraiment un goût de « reviens-y ».

— Arrête, Estéban.

— D'accord.

Estéban jette à Cons un regard de chien battu, la tête en oblique, les commissures exagérément baissées. Il a trouvé une manière de s'agrandir les yeux qui le rend bien plus mignon qu'il ne l'est vraiment. Cons tente d'imiter le visage ferme de son père quand il refuse de céder à un caprice, puis il éclate de rire. Estéban le suit.

— C'est pas juste, quand même, dit-il. Julien vit sa meilleure soirée, et moi, je ne peux même pas te faire un bisou.

— Tu ne sais pas s'ils couchent ensemble.

Estéban le scrute, les sourcils dressés comme deux virgules, d'un air de dire : « Tu te fous de ma gueule ? » et Cons ajoute :

— Bon. Ils couchent probablement ensemble.

— Tu n'as pas vu la façon dont il la dévisageait, en cours. C'est pour ça que tu dis ça. Moi, à partir du moment où j'ai vu ses yeux, je n'ai eu aucun doute sur l'issue de cette soirée. Quand il a dit « Je vais voir Louise, ce soir. », j'ai failli lui répondre « Je sais. », mais je ne voulais pas passer pour un oracle.

— Personne ne te prend pour un oracle.

— Et c'est bien dommage, Con.

Cons soupire et s'allonge sur le sol. Il passe ses mains sous son crâne, admire le plafond.

— Tu veux manger ici ? demande-t-il.

— Non. Sinon, je ne partirai jamais.

— C'est vrai.

— Je dois rentrer chez moi, ce soir.

— D'accord.

— Tu me joues un morceau de piano ?

Cons se redresse sur un coude, surpris, presque méfiant.

— Ça t'intéresse ?

— Bah oui. Ça va faire deux ans qu'on est potes, et je découvre seulement maintenant que tu fais de la musique. C'est presque vexant. Je ne sais pas si tu te rends compte. C'est comme si je t'avais jamais dit que j'étais à moitié mexicain.

— Ça n'a rien à voir.

— C'est presque pareil.

Cons fait la moue.

On s'était dit qu'on préférait les fillesNơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ