Chapitre 23 : Les grandes festivités

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Ce week-end s'annonce exceptionnel. Trouver du soleil à la fin du mois d'octobre, en Normandie, c'est forcément un bon présage. Il ne fait même pas froid. Je baille, ensommeillé et endormi par le voyage. Le train était à six heures, et je n'ai pas dormi de la nuit. Un vrai gamin avant le départ pour Disneyland. J'étais trop excité pour fermer l'œil. Evidemment, une fois dans le train, avec les genoux de Cons contre les miens, et la main d'Estéban sur ma cuisse, j'ai sombré en cinq minutes.

— Je te dis que c'est vers la gauche !

— Tu m'emmerdes, Estéban ! C'est moi qui gère les voyages, ici. L'hôtel est en face de la plage, et le son de la mer vient de là-bas.

— Ce n'est pas ma faute si ton téléphone indique la direction opposée !

— La géolocalisation est à l'envers !

Estéban souffle. Cons le darde, l'air furieux, les poings sur les hanches.

— On fait comme tu veux, Con, mais si on se trompe, il ne faudra pas venir te plaindre.

— Au pire, tu auras marché vingt minutes dans la journée. Ça ne devrait pas te tuer.

— Moi, je ne mourrai pas, mais toi, par contre, il pourrait t'arriver des bricoles dans ton sommeil.

Cons soupire et se met en route sans plus écouter personne. Nous le suivons et constatons en arrivant devant l'hôtel qu'il avait raison, ce qui semble le satisfaire. Il affiche un petit sourire enjoué, tandis que nous pénétrons dans un hall grand comme une gare parisienne, avec, en prime, des lustres dorés qui pendent dix mètres au-dessus de nous. Le comptoir en marbre de la réception n'en finit pas. A peine sommes-nous entrés qu'une serveuse nous propose des mini-croissants. Ravi, j'en prends quatre. Ils sont meilleurs que les croissants de taille normale.

La bouche pleine et les doigts gras, je m'arrête pour contempler tous les tableaux, les lumières, les fauteuils en velours noir, béat d'admiration, émerveillé à l'idée qu'on puisse dépenser tant d'argent pour épater des clients qui ont déjà décidé de séjourner là.

Estéban s'est avachi dans un fauteuil, les bras croisés, toujours fâché d'avoir eu tort, et Cons, indifférent au luxe, discute avec la réceptionniste. Il me sourit quand je le rejoins. La jeune femme entoure des zones au stylo sur le petit plan qu'elle lui montre. Elle le dévore des yeux. Cons n'a même pas l'air de s'en rendre compte. Je serais bien incapable de déterminer si elle est consciencieuse dans son travail, ou si l'arbre fait déjà effet sur son cerveau. Dans tous les cas, son regard me rend paranoïaque.

— Ici, vous trouverez le spa. Il est ouvert de dix heures à dix-huit heures, contrairement au sauna et à la piscine, disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour les résidents. Le petit-déjeuner a lieu jusqu'à onze-heures trente, au premier étage. Voilà le code du wifi et celui du coffre-fort, le menu du mini-bar, et mon numéro de téléphone, au cas où vous rencontrez un problème. N'hésitez pas à me joindre.

Si l'abnégation d'une réceptionniste est telle dans un quatre étoiles, je me demande quel genre de services ils proposent dans un palace.

— Heu... Merci, répond Cons. Au revoir.

— Salut !

Elle nous fait un petit geste de la main, que Cons ignore du mieux qu'il peut. Il rougit, se presse vers les ascenseurs, me scrute avec inquiétude. Normalement, je voudrais rire ou le rassurer, mais je ne sais plus quoi dire. Moi non plus, je ne sais pas si c'est l'arbre qui cause tout ça.

Estéban nous rejoint avec un sourire goguenard. Il désigne la jeune femme — qui nous fixe toujours — d'un geste du menton, puis dit :

— Monsieur a une touche.

On s'était dit qu'on préférait les fillesKde žijí příběhy. Začni objevovat