Chapitre 20 : Les choses qu'on fait pour l'amour

489 72 106
                                    

Ce dîner est le plus éprouvant de mon existence. Je n'arrive pas à savoir si le sourire de Leandra est crispé ou admiratif. Elle n'arrête pas de se tripoter les cheveux. A mes côtés, Estéban me détaille. Il a fini de manger et caresse ma cuisse, attentif à chaque frisson qui me parcourt, quand sa main remonte le long de ma jambe.

Je tente de ne rien laisser paraître, mais mon corps me trahit. Ma fourchette tremblote à peine. Mes joues sont roses. Je suis effrayé par la chose qui risque d'arriver, une fois dans la chambre. Effrayé et impatient.

Estéban a quasiment sa main sur mon entrejambe quand je parviens enfin à avaler ma dernière bouchée.

— Vous voulez un dessert ? propose Leandra.

— Non merci, maman. On n'a plus faim.

L'angoisse m'électrise. Je n'ose pas bouger de ma chaise, les lèvres pincées. Estéban, lui, est déjà debout, en train de débarrasser la table à une vitesse démentielle. Il porte toutes les assiettes empilées d'une main, et le plat vide de l'autre.

— Tu es sûr de ne pas vouloir de gâteau, Julien ?

— Non, maman. Julien est fatigué.

— Ah bon ? Tu es malade ?

Je n'ai pas le temps de bredouiller ma réponse qu'Estéban me prend par la main pour me tirer vers le couloir.

— Il va l'être si tu continues à le goinfrer comme ça. On va regarder un film dans ma chambre.

Je n'ai pas besoin de me voir dans un miroir pour deviner que je n'ai jamais été aussi rouge de ma vie. Mon cœur palpite dans ma poitrine. Mes joues me brûlent. Qu'Estéban annonce : « On va baiser ! » n'aurait pas été plus explicite, et je crois que Leandra a bien compris que le film s'annonce mouvementé, puisqu'elle glousse :

— A demain, alors ! Amusez-vous bien.

Je ne suis pas sûr qu'Estéban l'aie entendue. Il me traîne au pas de course jusqu'à sa chambre sans se retourner une seule fois pour me regarder. Je ne comprends plus si nous sortons des enfers, ou s'il cherche à m'y enfoncer, mais quand il nous enferme dans la chambre et me plaque contre la porte, il me paraît certain que l'enfer démarre ici pour nos deux âmes damnées.

— Tu veux jouer avec moi, c'est ça ? souffle-t-il à quelques centimètres de mes lèvres.

J'oublie de lui répondre, suspendu à sa bouche qui refuse de s'accoler à la mienne. Je frémis de la tête aux pieds, prêt à le voir fondre sur moi, à le sentir caresser de nouveau mon visage, puis mes reins, puis mes fesses. Et comme il refuse de m'embrasser, mon corps s'avance vers lui, presque instinctivement, presque sans que je le remarque. J'ai à peine effleuré ses lèvres qu'il recule.

— Non, tu ne mérites pas de m'embrasser après ce que tu as fait. Tu t'imagines que je vais te féliciter et te donner tout ce que tu veux ?

— Tu le veux aussi.

Il se mord les lèvres.

— Tu m'as abandonné. Tu aurais pu m'aider.

— Si je t'avais aidé, est-ce qu'on serait seulement descendus ?

— Est-ce que tu avais besoin de m'exciter de cette façon ?

Ses yeux ont quitté les miens pour se poser sur mes lèvres. Maintenant, j'ai l'impression d'irradier de chaleur et de désir. Je n'ai plus peur.

— Je suis prêt.

Mon murmure a été si inaudible que mes oreilles l'ont à peine saisi, mais Estéban l'a entendu. Le sourire qui lui étire les lèvres en témoigne.

On s'était dit qu'on préférait les fillesWhere stories live. Discover now