Chapitre 18 : Plus rien à se dire

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— Je suis désolé de débarquer comme ça. Il est tard et...

— Ju !

Cons se précipite sur moi et m'enlace de toutes ses forces. Je manque de perdre l'équilibre, mais il me retient. Mes yeux se ferment tandis que je respire son odeur, le nez dans son cou. Le parfum de Cons, pour moi, c'est comme un retour à la maison. Je me sens chez moi partout où il est là. Et je comprends enfin ce qui me manquait, avec Louise. Dans ses bras à elle, je ne me sentais pas chez moi.

Il s'écarte pour me regarder, observe mes yeux toujours un peu rouges, l'air malheureux et inquiet.

— Viens, entre. Tu veux manger ? J'ai fait du poulet !

J'acquiesce, gêné qu'il ait deviné les vestiges de mes larmes. Je me sentais si mal sur le trajet que je n'ai même pas réalisé à quel point j'avais faim.

Cons s'occupe de moi mieux que ma propre mère. Et pourtant, ma mère fait un travail excellent. Mais dans le genre parent-poule, Cons est un champion. Je n'ose même pas imaginer son comportement avec un enfant.

— Oui. Merci.

J'ôte mes chaussures dans l'entrée, et tombe nez à nez avec mon reflet, dans le miroir. J'ai l'air d'un déterré. Je tente de me recoiffer, mais ça n'améliorera pas ma mine. Je finis par soupirer et renonce. Ce soir, je serai moche.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé chez Louise ?

— Comment tu sais que j'ai vu Louise ?

Je ne lui ai rien expliqué, au téléphone. Je lui ai demandé s'il n'était pas trop tard pour que je passe, parce que je ne me sentais pas bien. Si j'avais dû rentrer chez moi après cette soirée, j'aurais passé la pire nuit de ma vie.

— Estéban est venu, tout à l'heure. Il m'a expliqué ce qu'il s'est passé, à la fac.

— Oh... C'était bien ?

— Heu... Ouais ouais, c'était cool, mais il n'a pas voulu rester manger. Il aurait peut-être dû. J'aurais bien aimé qu'on soit tous les trois ensemble.

— Oui, c'est dommage.

Quand Estéban est là, c'est encore mieux. Depuis ce qu'il s'est passé aux toilettes, je sens beaucoup de tension entre nous. Je me montre plus distant avec lui. Je ne le fais pas vraiment exprès. J'évite de provoquer les contacts. J'ai peur, je crois. Je ne sais pas de quoi, mais je suis effrayé. Par contre, avec eux deux, je me sens toujours comblé.

Il faut se rendre à l'évidence. Estéban et Cons prennent tellement de place dans ma vie que je n'aurais jamais pu être en couple avec Louise.

— Vous avez couché ensemble ?

— Oui.

Cons ne répond pas. Je le rejoins dans la cuisine et le trouve occupé à découper la cuisse d'un énorme poulet avec une hargne qui ne lui ressemble pas.

— Evite de te blesser, Cons.

Il grogne un truc sans me regarder, termine d'arracher le bout de cuisse, et l'enfourne au micro-onde avec une poignée de pommes de terre.

— Je gère, t'inquiète.

— Je ne suis jamais rassuré, quand tu dis ça.

— T'as bien raison.

Cons se tourne vers moi et me sourit. Ses cheveux lui retombent sur le front quand il bouge la tête. Ils sont peut-être un peu trop longs, mais sa coupe lui donne un air angélique. Je souris à mon tour.

— Bon, raconte.

Je soupire, m'assois sur une chaise et m'accoude à la table, la tête dans les mains. D'un côté, j'ai envie d'extérioriser ce qui s'est passé. De l'autre, j'aimerais tout oublier et ne plus jamais y penser. Ressasser cette soirée dramatique me donne l'impression de me plonger dans le bain glacé des larmes de Louise. Comme je ne sais plus par où commencer, je vais à ce qui me semble être le plus important :

On s'était dit qu'on préférait les fillesWhere stories live. Discover now