Chapitre 15 : Continuer à vivre sans toi

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Je m'éveille, les côtes emprisonnées dans une étroite étreinte. Le poids pèse lourd autour de ma taille et raccourcit ma respiration. J'ouvre les yeux. La lumière s'infiltre dans la pièce à travers les volets. Estéban est assoupi face à moi, la bouche entrouverte contre l'oreiller. C'est la première fois que je le vois dormir. Le sommeil lui donne des traits angélique. Sauf que ce n'est pas son bras qui m'entoure. Je croyais que Cons était parti hier soir, mais je suis pourtant sûr que c'est lui. Je le reconnaîtrais entre mille.

Je me retourne pour voir son visage. Il entrouvre les yeux au même moment. J'ai dû le réveiller en gigotant, mais je m'en moque. J'ai eu si peur pour lui. Mes rêves étaient pleins d'angoisse et de culpabilité. Je me suis souvenu de toutes les fois où je me suis mal comporté au cours de notre amitié. Puis mes songes m'ont représenté sans lui, et j'étais comme un fou à le chercher partout. Il y en avait un où il n'avait jamais existé, et je me sentais vide, et je savais qu'il m'attendait quelque part. Qu'est-ce que j'ai pu être nul ! Je n'ai pensé qu'à moi. Je ne l'ai pas poursuivi. Je ne l'ai pas réconforté alors qu'il avait besoin de me voir, même pour me critiquer, même pour passer ses nerfs. J'aurais dû être là.

— Cons ! murmuré-je en l'enlaçant de toutes mes forces. Je suis désolé... Je suis tellement désolé... C'est toi qui avais raison.

Il referme ses bras autour de moi. Ça me soulage. Je me sens rassuré. Il aurait eu besoin que je fasse la même chose hier soir, que je le prenne dans mes bras et que je le rassure. Ce n'était même pas compliqué. Et moi, je l'ai laissé partir faire n'importe quoi. Je savais qu'il avait sa voiture, qu'il pouvait conduire complètement bourré, et je n'ai rien fait pour le rattraper.

— C'est pas grave... J'ai été méchant avec toi, excuse-moi.

Il a la voix cassée. Je m'écarte un peu pour le regarder, et je remarque que ses yeux sont rouges et bouffis. Il a l'air d'avoir pleuré toute la nuit. Mon cœur se serre. Est-ce à cause de moi ? A cause de mon absence ? Je prie égoïstement pour qu'il y ait une autre raison. Ses larmes me font sentir affreusement mal.

— Oh non, Cons, je suis désolé... Arrête de pleurer, je t'en supplie...

— Pardon..., répond-t-il d'une voix étranglée. C'est pas ta faute...

— Bien-sûr que c'est ma faute !

— Non, Ju...

Il se blottit contre moi et niche sa tête dans mon cou. Ses larmes me bouleversent. Il n'est pas si sensible, d'habitude. On s'est déjà disputé, mais je ne l'ai jamais vu dans un tel état... Je sens sa respiration ralentir peu à peu contre mon torse.

— Qu'est-ce qui s'est passé, hier ? demandé-je.

Il se tait un instant, puis chuchote :

— Rien.

— Qu'est-ce que tu as fait quand tu es parti ?

Nouveau silence.

— J'ai fait un tour dehors pour me calmer, explique-t-il.

Il ment. Il s'est passé autre chose. Je sens sa honte lui enflammer les joues et me brûler les tripes. Ça a toujours été comme ça. Cons est incapable de me mentir sans que je le sache. Et ça n'arrive pas souvent. J'imagine qu'il a une bonne raison, donc je n'insiste pas.

— Cons... J'ai eu tellement peur. Tout est ma faute. Julien n'était pas en état. J'aurais dû m'occuper de toi.

La voix d'Estéban tonne dans mon dos. Le matin la fait baisser d'une octave. Il me semble qu'il caresse les cheveux de Cons. Avec tout le bruit que j'ai fait, je l'ai réveillé, lui aussi.

On s'était dit qu'on préférait les fillesNơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ