Chapitre 22 : Le récit de l'orgie-zombie

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Estéban :

J'ai parlé à ma mère.

Il faut qu'on se voie.

Déjeuner demain, 13h, au truc de burgers.

23 h 08

Il me semble que les bras de Cons sont encore plus confortables qu'avant, maintenant que nous sommes peau contre peau. Je suis réveillé depuis cinq minutes. Je garde ostensiblement les yeux fermés. J'ignore le poids de ma vessie. J'essaye de me rendormir, jusqu'à ce que je sente Cons me picorer la joue.

— Il est l'heure de se réveiller.

Il grimpe au-dessus de moi et me dévore le cou. Je suppose que ça devrait être bizarre, que toute personne normale, dans cette situation, se sentirait mal à l'aise. On a été amis dix ans, de manière moins ambiguë que fusionnelle, et là, on se roule des pelles dans son lit comme si on avait toujours fait ça. Sauf que rien ne me choque. Ses lèvres sur les miennes changent mon cœur en nuage, caresser ses cheveux et son dos me soulage.

Ma vie amoureuse est actuellement un joyeux chaos dans lequel je trottine. Je ne sais pas comment s'appelle cette relation que je partage avec mes deux meilleurs amis. Je ne sais pas si j'ai trompé Estéban en couchant avec Cons. Je n'ai pas vraiment envie de me poser la question. Ça me fait du bien, et c'est tout ce qui compte.

Cons finit par sauter au bas du lit, enfile un caleçon et un tee-shirt. J'en profite pour attraper mon téléphone, constate qu'il n'est pas sept heures et qu'Estéban nous a envoyé un message.

— Mec, t'abuses, on aurait pu dormir plus longtemps.

— Et sauter le petit-déjeuner ? Non merci !

Il me jette un de ces tee-shirts qui m'appartiennent et que je laisse traîner chez lui, de temps en temps, et un vieux boxer à ma taille, qui date de la période où son fessier correspondait à l'actuelle taille du mien. Il sait très bien que, comme d'habitude, j'oublie d'emmener des vêtements de rechange quand je vais chez lui. Il prévoit toujours ce qu'il me faut. Cons est une pure maman.

— Estéban nous a envoyé un message pour qu'on se voit cet après-midi. Il dit qu'il a discuté avec sa mère.

— J'ai vu. Peut-être qu'il vaudrait mieux attendre un peu avant de lui dire, pour toi et moi. Je ne veux pas lui cacher la vérité, mais je préférerais qu'on lui annonce en douceur.

— D'accord... Par rapport à hier, tu te sens comment ?

— Ça dépend de quel moment tu parles... Il s'est passé beaucoup de choses.

— Je parle du moment le plus traumatisant des deux.

Pendant de longues secondes, Cons ne dit rien, mais il me semble que je peux entendre ses yeux parler pour lui. J'y vois les corps à moitié conscients se ruer sur lui, je le vois débattre pour fuir, je le vois trembler, seul, sur son siège de métro. Il tente de sourire.

— A propos de ça, je crois que je ne vais pas aller en cours, aujourd'hui. Je trouverai bien quelqu'un pour m'envoyer ses notes... Quoiqu'à part Fanny, je ne me suis pas fait beaucoup d'amis.

— C'est à cause de Fanny que tu veux sécher ?

— Oui. Je ne peux pas la voir après ce qu'il s'est passé hier... C'est beaucoup trop tôt.

Il secoue la tête, comme pour chasser les mauvaises pensées, mais je n'ai pas fini de lui parler. Cons a toujours du mal à exprimer ses sentiments. Il croit qu'il a besoin de protéger tout le monde, qu'il n'a pas le droit de pleurer devant ses amis, que partager sa souffrance est trop lourd pour les autres. Quand il se sent mal, il faut le travailler au corps. Ça ne m'a jamais fait peur, encore moins depuis hier.

On s'était dit qu'on préférait les fillesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant