Chapitre 17 : Boss final

417 66 97
                                    

— Je ne vais pas te retenir plus longtemps. Tu peux retourner en cours, dit Estéban en replaçant d'un geste sec, qui se veut invisible, le problème dans son pantalon pour le rendre moins flagrant.

Malheureusement, plus il tente d'être discret, et mieux je le vois. Le problème est si gros qu'il trahit Estéban, peu importe la position dans laquelle il tente de le tordre.

Ma sortie triomphale de l'amphithéâtre me revient à l'esprit. Quand on se lève comme un chevalier, et qu'on attire sur soi l'attention de deux-cent têtes, mieux vaut ménager son retour.

— Ça va être difficile de revenir, vu le bruit que j'ai fait. Le prof s'est arrêté. Je crois qu'il m'a engueulé, mais j'étais trop en colère pour entendre ce qu'il disait.

— Je suis désolé.

— Non... T'as bien fait de m'appeler.

On tente tous les deux d'ignorer le problème. Je crois que ça devient ridicule. Estéban me regarde comme si une part de lui voulait me croquer, et que l'autre s'embarrassait de l'évidence de son désir. Ou alors c'est moi qui transpose mon état sur lui, mais toujours est-il que je lis dans ses yeux le reflet de mon incertitude.

— Julien...

— Je peux t'accompagner, si tu veux.

Ça m'a échappé. Je jure que je n'avais pas prévu de dire ça. Seigneur, unique témoin de ma candeur, vois comme mon acte n'était pas prémédité... Ça me rappelle que je dois aller à l'église, un de ces jours...

Qu'est-ce que je voulais dire par-là ? L'accompagner jusqu'où ? Naturellement, j'envisageais d'aller physiquement avec lui sur le lieu de la branlette. Naturellement. Je ne viens pas de lui proposer ouvertement de réitérer les événements de la fameuse nuit du samedi. Ou alors si. Est-ce que c'est ce que je viens de faire ? Je rajoute un peu trop précipitamment :

— Enfin, sinon, je vais faire un tour dehors. Il n'y a pas de problème.

— Je veux bien que tu m'accompagnes.

Ses joues sont un peu roses. Il le sait. Et pourtant, ses yeux sombres détaillent les miens. Il veut me montrer. Son regard me dit : « Réitérons. Ou regarde-moi me branler. Je m'en fous. Mais si tu te casses, je t'en voudrai. » Parce que si je me casse, ça voudra dire que je fais encore semblant de ne pas comprendre ce qui se passe entre nous deux, et ce qui se passe avec Cons. Et j'avoue que moi non plus, je n'ai plus tout à fait envie de faire semblant. Estéban n'est pas seulement sexy. Estéban me plaît.

Ma folle assurance me quitte une fois dans les toilettes. Je me souviens qu'on n'a pas officiellement décidé si le terme « accompagner » signifiait « accompagner à la porte » ou « accompagner à l'orgasme ». Du coup, je reste là, les mains dans les poches devant le lavabo, à attendre qu'il me demande de rentrer. Sauf qu'il dit :

— J'en n'ai pas pour longtemps.

Ah.

Mon cerveau pense que c'est dommage. Ma pudeur censure ma déception. Il s'enferme. J'entends le cliquetis du cadenas des toilettes pour handicapés. Comme je ne sais pas où me mettre, je m'assois devant la porte. Pas mieux qu'un chien de garde, le Julien. Peut-être que je pourrais gratter. On ne sait jamais. Une image assez louche de moi réclamant une friandise, à quatre pattes avec un serre-tête à oreilles, me vient à l'esprit. Mouais. Bof. Restons sur « gentil garçon » pour le moment.

Je réalise que je suis en train de penser à faire des jeux de rôles avec Estéban. Ma tête tombe entre mes mains, et je me frotte les paupières avec les paumes. Qu'est-ce que je suis en train de foutre ? Pourquoi je reste là ? J'ai chaud. Je suis en train de rougir tout seul, gêné par mes propres pensées.

On s'était dit qu'on préférait les fillesWhere stories live. Discover now