Chapitre 35

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Maya ?! Maya tu m'entends ?

Les larmes me montent aux yeux directement.

Maya !

Je lui prends la main.

Maya?

Ses paupières tremblent légèrement, puis s'ouvrent de quelques mini-mètres.

Oh putain.

Je plaque ma main sur ma bouche pour me retenir de pleurer encore plus.



Ça fait deux heures que Maya est réveillée, un infirmier est rentrée peu après le moment où elle à ouvert les yeux, et a du l'emmener dans une salle de réveil.

Je suis toujours entrain de patienter dans la chambre, et je me pose milles questions, si elle va bien, si elle est paralysée, traumatisée, ou alors si elle va vraiment très bien mais qu'elle a envie de me tuer, j'en sais rien.

Tu sais que tu pleures mieux qu'une drama queen ?

La voix de Maya résonne dans la pièce et je lève directement la tête vers elle.
Elle est assise sur son lit, et le brancardier est en train de la remettre à sa place initiale.

Je peux pas m'empêcher de me remettre à pleurer tandis qu'une infirmière vient s'occuper de quelque perfusions. Maya me regarde en souriant, et quand on est enfin seuls, je me frotte les yeux, qui sont extrêmement rouge, et je la fixe.

Bon t'as vu un fantôme ou quoi ? Demande t-elle en riant.

Je t'aime, je t'aime je t'aime je t'aime, je dis sans réfléchir en la prenant délicatement dans mes bras.

Elle rigole.
Elle me serre et me caresse le dos avant que je ne me redresse.

On parlait déjà depuis 30mn.
Elle m'a dit qu'elle devrait faire une légère rééducation, qu'elle ne pourrait pas sortir maintenant.

Attend, on est en quel mois déjà ?

En plein mai, le 17. Tu dors depuis début janvier.

Bah putain.

Elle regarde autour d'elle, un peu désorientée.

... Tu sais, j'entendais tout.

Je baisse un peu la tête.
Sans vraiment le vouloir elle était devenue mon journal intime.

.... Et je m'imaginais pas à quel point tu pouvais avoir une sale gueule, elle explose de rire.

Il est vrai que depuis un bout de temps, j'ai plus de cheveux, un piercing à la narine, des cernes profondes, des joues un peu creusées et une bonne dizaine de kilos en moins.

Elle essuie sa larme de rire et je la regarde attendri.
Y'a un petit blanc.
C'est un peu gênant, c'est comme si elle devait répondre à 5 mois de discussion à sens unique.

.... En réalité je savais que trop bien comment ça aller se passer avec Cédric.

Je fronce un sourcil et l'interroge du regard.

C'était bien trop beau, trop parfait. Et il...

Elle regarde un peu ailleurs et attend quelques instants.

Il détruit tout ce qui est bien pour lui, genre, sérieusement, c'est un automatisme chez lui. Je le connais depuis que j'ai 8 ans, je sais ce qu'il se passe à l'intérieur.

Je comprends pas, il m'a dit qu'avant il habitait en province et qu'après son coming out ses parents l'avaient viré de chez lui.

Elle esquisse un sourire.

C'est toujours ce qu'il raconte...

Quoi ?

Écoute, de base c'est pas à moi de te dire tout ça, et si je le fais c'est uniquement parce que j'ai confiance en toi.

Confiance en...?

Attend laisse moi finir.. Hhhh... Cédric et moi, on s'est retrouvé dans la même classe en ce2. Depuis on s'est plus quitté. En 6ème on est sorti ensemble. Il comprenait qu'il était gay, je comprenais que j'étais pas un homme. C'était une période compliquée. On était pas vraiment amoureux. Ses parents, ils étaient archi cathos, et racistes, mais de base ils étaient adorables avec lui. Quand il s'agissait de moi ça devenait difficile... En fin 5ème il a tenté le coming out. Ses parents on fait semblant de l'accepter, mais chaque soir, pendant des mois, ils s'engueulaient à la mort, cherchant celui qui avait fait quelque chose de mal pour que Cédric soit ainsi.

Elle fait une petite pose dans son récit, et je suis plongé dedans .

Sa mère s'est cassée. Son père est tombé en dépression. Un soir Cédric est rentré, son père était endormi sur la table. Et quand il s'est approché, il a aperçu quelques boîtes de médicament, ainsi que des bouteilles de vodka, complètement vides. Il a compris qu'il ne dormait pas. Cédric est venu habiter chez moi, mes parents ont toujours était cools. Et puis, à partir de ce moment là, il s'est refermé comme une coquille. Comme si il avait pas le droit d'aimer, comme si tout était de sa faute, et que si quelqu'un l'aimait, il finirait par le détruire. Alors bien-sûr par la suite il a tout de même eu une vie sentimentale. Des expériences, des relations de 2 semaines, 2 mois maximum, des coups d'un soirs... Et il kiffait, il kiffait à fond, mais dès que l'autre personne se mettait à l'aimer, qu'elle devenait dépendante, Cédric se cassait, se mettait à faire de la merde. Un peu comme pour exorciser le bonheur qu'il avait éprouvé, et pour que l'autre soit dégoûté de lui, et l'oubli. Il a aucune envie de faire souffrir les gens au contraire, mais il est devenu auto destructeur. Il se rend pas compte, il est dans le déni. Il pense que c'est lui qui est à l'origine de la destruction de sa famille, même si il est conscient que c'est pas le fait qu'il soit gay le problème. Il a l'impression de toujours tout gâcher sans le vouloir, c'est pour ça. Il fait de la merde, pour donner une raison à la fin d'une histoire, pour pas subir ça autrement, pour fuir les aléas de la vie. Je sais pas si tu comprends, mais il est complètement tombé dans un cercle vicieux.

Je cligne des yeux quelques secondes, c'est beaucoup d'infos à retenir.
Mais elle continue.

Et quand j'ai vu son regard envers toi, à la rentrée, je me suis dit putain, il va retomber, il va refaire le con. Alors j'étais sur les nerfs, mais en même temps, je l'avais jamais vu comme ça, aussi amoureux. Et j'y ai cru un instant.

Elle sourit.

... Puis tu lui as dit je t'aime, tu t'es accroché à lui de toute tes forces. Et il est tombé de haut, il s'est senti aimé comme jamais il l' avait été, et il a juste pété un câble.

Elle rigole nerveusement.

Il a tout foutu en l'air. Tu peux pas savoir à quel point j'étais vener ce soir là, au bar. Et à nouveau il a joué la carte de la carapace. "Je me suis lassé", "Je t'aime plus", "T'es pas prêt". Mais c'est lui qui n'est pas prêt, pas prêt à se faire confiance, à arrêter de s'imaginer le pire. Il veut pas te faire souffrir, alors il a sacrifié son amour. Et toi t'as tenté d'oublier, mais t'oublie pas et tu souffres bien plus de son absence, tandis que lui il passe d'un mec à l'autre en croyant passer à autre chose. Mais à la soirée de Jess, après qu'il t'aie ramené chez lui, il a craqué, il a juste craqué, je suis convaincue qu'il savait que c'était pas à faire, mais il est complètement détruit. Il croit être logique et responsable, raisonnable même, mais il est dans le faux, depuis toujours.

Je la regarde doucement avant de tourner les yeux vers la fenêtre.

Alors que je suis perdu dans mes pensées, essayant d'intégrer tout ça, la porte s'entrouvre de quelque centimètres, pour laisser apparaître le visage de Cédric, suivi de celui d'Andréa, d'Aude, et de Jess, puis ils sautent tous à l'intérieur de la chambre en criant « mon bébé !!!!!!!!!!!!!!!!! ».

BleuWhere stories live. Discover now