Blanc-Argentés : Destin d'une âme brisée

Chapitre 30 : Nora

_ Nora !

Je n'ai pas le temps de me retourner que quelqu'un se jette sur mon dos. A l'aide des sens de ma louve, je ne tarde pas à reconnaître Sandra. Celle-ci ne semble d'ailleurs pas prête à descendre de mon dos, se contentant de rire en s'accrochant un peu plus fort à moi comme si sa vie en dépendait.

_ Sandra ! Comment vas-tu ? lui demandai-je.

_ Bien et toi ? Tu es occupée en ce moment ? Je ne te vois plus trop depuis quelque temps, se plaint-t-elle en se laissant finalement glisser vers le sol.

_ Comme tu peux le voir, je me rends utile en surveillant les louveteaux de la meute, je lui explique en lui montrant les enfants continuant de jouer dans la grande salle.

_ Oh, les petits bouts, ils sont trop choux quand ils sont sages comme ça, s'amuse-t-elle.

_ Je te rappelle que tu as à peine quatre ans de plus que les plus vieux ici présent.

_ Faut pas le dire ça, me contre-t-elle d'un coup de coude dans les côtes.

Je suis tentée de rire du comportement de la jeune adolescente, mais mon corps ne semble toujours pas prêt à émettre ce genre de son. Je me contente alors d'un des légers sourires qui fleurissent de plus en plus souvent sur mon visage. Il semblerait que le temps me soigne doucement. Si je m'en sers à mon avantage, il me donnera aussi le courage de faire face à la catastrophe qui se profile. Mes sens, ma louve, me hurlent que cette fois ci la bataille finale s'approche. Soit nous gagnerons et ce cauchemar sera enfin derrière nous, soit ce sera la défaite, et pour une fois, je ne serai pas la seule à porter le poids des pertes. Chacune des personnes composant cette meute sait qu'à tout moment, il peut perdre un frère, un amie, une famille qui lui est chère. Mais quand j'y pense, je me dis que cette meute est à elle seule une grande et belle famille. Tous unis contre cet ennemi qui, je le sais, se rapproche de plus en plus.

_ Nora ! Tu m'entends ?!

Je sors soudainement de mes pensées en entendant la voix de la petite louve, qui me regarde en semblant s'impatienter et lui propose alors :

_ Ça te dis de m'aider à m'occuper des enfants ? Je suis sûre qu'ils apprécieront l'aide d'une grande fille comme toi.

Elle me laisse un regard rempli de fierté puis part rejoindre les petits de la meute. J'ai mis du temps à le comprendre, mais si j'ai autant d'affection pour elle, c'est sûrement car elle ressemble beaucoup à Bérénice lors de notre rencontre. Tout aussi enjouée, tout aussi lucide et mature malgré son jeune âge. Si ces deux-là s'étaient rencontrés, elles seraient devenues inséparables peu importe leur différence d'âge. Même si, avec Sandra, j'ai le sentiment de jouer le rôle d'une grande sœur, j'ai la drôle d'impression de retrouver grâce à cette petite louve, mon amie. Et pas loin d'elle, il y a Ethan et Noha. Je n'oublierai jamais ces deux frères, qui pour moi sont irremplaçables. La sagesse et la raillerie dans les mêmes êtres, ils avaient l'art et la manière de faire cohabiter les opposés.

Même si c'est encore très dur de penser à eux, je ne veux en aucun cas salir leur mémoire, c'est pour cela que je m'efforce de me souvenir que des bons moments. Les longues balades en forêt, les bagarres récréatives, nos rares parties de chasse ou, comme aujourd'hui, les gardes d'enfants comme je le faisais avec Bérénice. Ils me manquent terriblement, c'est indéniable, mais je concilie mieux avec ce fait que lors de mon arrivée ici. Et Connor y est pour beaucoup.

Hier soir, nous nous sommes redécouverts. C'était électrisant, exaltant. Mais en me levant ce matin, j'ai été déçue de constater être seule dans le lit. A peine réveillée, sa chaleur me manquait déjà. Son explication quand il m'a rejoint ce midi a été loin de me satisfaire. Si elle m'a fait plaisir, je ne trouve pas que son argument soit une raison valable. Mais il est un Bêta et doit en porter les responsabilités qui lui incombent, je ne peux pas lui en porter rigueur. Au contraire, il joue son rôle à merveille, et je ne peux que l'en féliciter. Même si passer si peu de temps avec lui me pèse de plus en plus souvent.