Chapitre 33 : Nora

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Il fait un pas en avant, j'en fais un en arrière. Il montre les crocs, je montre les griffes. Lorsqu'il sautera, je répliquerais. C'est un ballet funeste qui s'annonce et personnellement, je n'ai pas envie de me mêler à cette danse. Je sens qu'il ne s'agit pas d'un loup quelconque. Il n'est pas comme ceux avec lesquels je me suis battue avant de fuir la dernière fois. Ceux qui avaient foncé tête baissées avec pour seul but de faire céder mon cou. Lui est plus réfléchi. Prend le temps de considérer ce qui doit l'être, il connait son but et le poursuit scrupuleusement sans laisser aucun détail au hasard. Pourtant je sais qu'il n'est pas le donneur d'ordre. Il ne fait que les suivre.

Alors que nous nous toisons méchamment, je vois Suzanne disparaitre rapidement dans les bois. Utilisant à son avantage cet ennemi étant visiblement son allié. S'il y avait suspicion de la présence d'un traitre dans la meute, je sais à présent de qui il s'agit.

_ Penses-tu continuer ainsi longtemps ? Tu redoutes la défaite ? Finit-il par prendre la parole.

_ Je ne suis pas décérébrée, je n'attaquerais pas la première, je réponds les dents serrées.

_ Très bien. Sache que tu le regretteras.

Sans plus attendre, il s'élance. Mieux que ça, il bondit. Les trois mètres qui nous séparaient s'évaporent rapidement. J'esquive de peu en roulant sur le côté, me relevant au plus vite pour ne pas me mettre inutilement en difficulté. Mais j'ai à peine le temps de me remettre sur mes deux jambes qu'il se lance de nouveau et me plaque au sol. Alors qu'il tente directement d'immobiliser mes bras, j'arrive à me défaire de sa prise. Du moins plus ou moins. Si j'arrive à dégager un de mes bras de sa poigne, il attrape l'autre sans peine. Ne me ménageant pas pour un sous en enfonçant directement ses griffes dans ma chair.

Je grince, grogne, me débat. Mais mis à part remuer ses griffes dans ma peau, il ne cède pas.

_ Je te l'avais dit, siffle-t-il.

Mes yeux brulent. Si j'ai connu douleur plus cuisante, cela est suffisant pour réveiller ma force. Pourtant celui-ci semble plus résistant que ce que je pensais. Tout ce que j'arrive à faire, c'est d'un coup de rein, nous faire basculer sur le côté avant de lui mettre un coup de pied et de me reculer, sa prise sur mon avant-bras enfin relâchée.

_ Tu peux rêver, je grogne méchamment.

Il ne prend pas la peine de me répondre, changeant diamétralement d'approche en mutant brusquement. Si vite que j'en suis surprise. Je n'ai pas le temps de réaliser qu'il est déjà sur moi. En faisant en sorte d'éviter sa gueule pleine de crocs et ses pattes griffus, je roule avec lui sur le sol boisé. Nous finissons par percuter un arbre sur lequel je prends appui pour me dégager. Il est toujours plus simple de se défaire de la prise d'un loup que d'un homme. Malgré le poids supplémentaire qui s'impose à moi.

Face à cette différence de forme, de force et de poids, je profite de mon agilité pour me glisser sur son dos en prenant soin de m'agripper à sa tête par mes griffes, manquant de peu de lui crever un œil, ce qui était jusque-là mon objectif. Comprenant que je vise les partis les plus faibles, il commence à ruer pour me déloger. Du mieux que je peux, j'adopte la technique qu'il avait employé sur moi quelques instants plus tôt. Sa peau largement ouverte par mes griffes, je fais tout pour ne pas me faire éjecter. Car aussitôt que cela arrivera, je finirais entre ses crocs.

Je l'entend grogner, plus de mécontentement que de douleur. Il a l'expérience du combat, je le sens dans son attitude, dans ses gestes, dans ses muscles. Tout comme moi, des souffrances, il a dû en connaitre de bien pires. L'ignorer en la laissant dans un coin de son esprit ne doit pas être une tâche ardue pour lui. De mon côté, je tiens en voyant le sang couler sur son pelage. Il en faut plus. Je ne m'en sortirais pas avec si peu. Nous ne nous en sortirons pas avec si peu.

Blanc-Argentés : Destin d'une âme briséeWhere stories live. Discover now